Niché sur un promontoire dominant le jardin du Hamma avec une vue et perspective sur la mer, le Musée national des beaux-arts d'Alger (Mnba) compte plus de 8 000 oeuvres dont certaines d'une richesse inestimable. Un fabuleux trésor de l'humanité attend le visiteur. On succombe au charme des lieux. Le bleu turquoise de la mer, la blancheur des maisons et la verdure des sapins sur un fond brumeux. Le site magique est pourtant trop calme avec une maigre affluence. Fondé en 1927, le Musée national des beaux-arts d'Alger est un chef-d'oeuvre d'architecture. Desservi par la station de métro jardin d'Essai, le musée domine le quartier du Hamma et donne de sa terrasse une vue imprenable sur le jardin d'Essai jusqu'à la baie d'Alger. Il retrace plus de 600 ans d'histoire de l'art universel et contient quelque 8000 oeuvres dont la doyenne des toiles de l'école italienne date de 1385. On y trouve des oeuvres de légende de la peinture et de la sculpture tels que Pissarro, Monet, Renoir, Picasso, Matisse, Paul Serrurier, Utrillo, Degas, Claude Monet, Sisley Corot, Courbet. Dans la galerie des bronzes, on peut admirer des Rodin, Antoine Bourdelle pour son fameux Héraclès ou Paul Belmondo. Parmi les grandes figures de l'art algérien, le musée détient une impressionnante collection parmi laquelle Racim, Issiakhem, Khadda ou Baya Mahieddine. Six siècles d'histoire de l'art Classé patrimoine historique depuis 1997, le Mnba fait partie des plus beaux monuments de la capitale. Les rares visiteurs qui hantent les lieux, souvent des étrangers, n'en reviennent pas de jouir seuls dans les galeries face à des oeuvres d'une valeur universelle monumentale. «Je n'ai jamais imaginé un Renoir aussi seul», nous dit avec le sourire une jeune Parisienne habituée aux foules devant le Louvre ou le musée d'Orsay. Selon M.Chouider, chef de service de la conservation et ingénieur de laboratoire, la question de la désaffection du public se situe au niveau de la culture de la muséologie qui ne fait pas partie des loisirs de l'Algérien moyen: «Cette culture particulière n'est pas la tasse de thé de l'Algérien qui préfère le cinéma, les spectacles ou les festivals», ajoutant que «le musée est fréquenté par une certaine classe d'érudits, les étrangers, les ONG et les délégations officielles». Des passants interrogés dans la rue nous affirment que le problème est ailleurs et que c'est le manque de communication autour de ce haut lieu de culture qui fait défaut à sa fréquentation. Zaki, 24 ans et étudiant à la fac centrale nous dit: «Je connais vaguement le Musée des beaux-arts, près du jardin d'Essai mais je ne sais pas quelles oeuvres il renferme, on n'en parle pas beaucoup dans les médias.» Yasmine, une jeune mère de famille ajoute: «Je pensais que c'était ça l'école des beaux-arts!». Peut-on parler de déficit d'information concernant le plus important musée d'art du continent africain? D'après M. Chouider, beaucoup de moyens sont mis en oeuvre pour promouvoir le musée. Récemment, il a accueilli durant deux mois dans la galerie des bronzes, une exposition à l'occasion de la clôture des célébrations du Cinquantenaire de l'indépendance algérienne. Le rayonnement de l'art algérien Pour la médiatisation du musée, une fois par trimestre environ, une exposition est organisée avec impression de catalogues soumis à la vente regroupant la biographie de l'artiste et ses oeuvres. Le musée organise également des manifestations culturelles; des vernissages et des activités pédagogiques comme des ateliers organisés deux fois par semaine, destinés aux enfants et aux jeunes adolescents, dont le but est d'éveiller leurs sens à l'art et à la création. La quasi-totalité des oeuvres des pensionnaires de la villa Abdeltif est exposée au Musée des beaux-arts. On peut alors y voir des peintures d'Etienne Dinet, Eugène Fromentin ou Léon Cauvy. La villa Abdeltif est l'un des plus célèbres palais d'Alger de l'époque ottomane. Durant la colonisation, il était affecté à la création artistique. Les tableaux des peintres abdeltifiens étaient exposés au Musée des beaux-arts d'Alger et représentaient principalement des peintures urbaines d'Alger, de femmes rurales algériennes dans le style orientaliste. Le palais a ré-ouvert ses portes en 2008 et accueille aujourd'hui le siège de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (l'Aarc). Une bibliothèque de 17.000 ouvrages Hormis l'art universel, le musée accorde une place importante à l'art algérien. On y trouve des miniatures de Racim à qui est consacrée toute une galerie, mais également des peintures d'Issiakhem, Bouzid, Temmam ou encore Khadda. Madame Toualbia, conservatrice du patrimoine culturel et des collections, nous fait part de son enthousiasme quant à l'acquisition prochaine d'un tableau de Racim: «Notre but est d'enrichir la collection algérienne, nous achetons essentiellement algérien.» Le musée participe également à la découverte de jeunes talents en exposant des oeuvres d'étudiants à l'Ecole des beaux-arts, située au Télémly. «Nous exposons également des oeuvres collectives d'étudiants à l'Ecole des beaux-arts, telles que des fresques. «Le but est de promouvoir l'art algérien contemporain, mais également faire connaître le musée aux jeunes.» La bibliothèque du musée renferme elle aussi un trésor inestimable. En y entrant, on se sent transporté dans une autre dimension: l'odeur du parchemin envahit la salle, la boiserie et la mosaïque au sol méritent à elles seules une attention particulière. On y trouve suspendues des peintures naïves de Baya Mahieddine telles que «Oiseaux en cage entourés de deux femmes», ce qui ajoute au lieu un aspect intimiste et émouvant. Le lieu abrite un fonds documentaire de 17.000 ouvrages spécialisés dans l'histoire de l'art, l'un des plus importants de la Méditerranée, certains datant du XVIIe siècle classés chefs-d'oeuvre. Ils sont consultables sur demande. La numérisation est en cours.