Après une escapade au Liban, en 2012, les Goncourt ont été délocalisés cette année à Tunis. Le jury s'est réuni, hier, dans l'immense hall du Musée du Bardo devant un parterre de journalistes locaux et étrangers pour dévoiler leur avant-dernière liste qui n'a compté que quatre romans. C'est en ce lieu même que 21 touristes étrangers et un policier tunisien ont été assassinés par deux terroristes dont un Marocain. Sur les 10 prévus, sept membres de l'Académie ont répondu présents. Bernard Pivot le président, Didier Decoin, Françoise Chandernagor, Paule Constant, Pierre Assouline, Tahar Ben Jelloun et Régis Debray... Ce dernier, auteur de Madame H. (Gallimard), débattra religion à l'Institut français avec l'intellectuel Youssef Seddik. En 48 heures chrono, les jurés auront signé leurs ouvrages, discouru sur des sujets divers («Le roman au féminin», «Littérature et médias», «le fait religieux»), trinqué à la résidence de l'ambassadeur de France, François Gouyette, répondu aux médias nationaux... Hier donc, l'Académie Goncourt a dévoilé les quatre finalistes en lice pour le plus prestigieux des prix littéraires français, qui sera décerné le 3 novembre, parmi lesquels le Franco-Tunisien Hédi Kaddour, pour son roman «Les prépondérants». Les trois autres écrivains retenus dans cette sélection finale du Goncourt 2015 sont Nathalie Azoulaï («Titus n'aimait pas Bérénice»), Mathias Enard («Boussole») et Tobie Nathan («Ce pays qui te ressemble»). Etrangement, l'écrivain algérien, Boualem Sansal, n'a pas été retenu. A ce sujet, Didier Decoin, membre du jury, a répondu à la question du journal L'Expression: «Boualem Sansal n'a pas eu le nombre de voix suffisant pour être sur la liste finale. Il ne se vend pas tellement bien malgré une grande publicité faite par la presse. Ce n'est pas très grave. J'estime que son livre 2084 est très bon mais il est dommage qu'il ne soit pas retenu.» Même son de cloche chez le président du jury, Bernard Pivot: «S'il avait obtenu sept voix, il aurait été retenu sur la liste. Je regrette qu'il ne soit pas en lice pour ce grand prix.» Boualem Sansal était le seul auteur sélectionné dans toutes les listes des prix littéraires, mais disparaît au même titre que Alain Mabanckou («Petit piment»). Après les attentats meurtriers de mars et juin derniers au Bardo et à Sousse, le dépaysement des jurés du Goncourt prend une dimension symbolique. Cette délocalisation est accompagnée du lancement du Goncourt Tunisie. Près de 200 lycéens et étudiants vont choisir leur livre préféré. Il sera désigné en décembre et édité en langue arabe. Lundi, les membres de l'Académie Goncourt ont rencontré ces jeunes gens. L'annonce a été faite par Didier Decoin, un des sept membres du jury Goncourt ayant effectué le déplacement au Musée du Bardo à Tunis, un acte «symbolique». «Nous sommes venus dire tenez-bon, on est avec vous», a indiqué Bernard Pivot, le président du jury. «C'est une manière très symbolique mais très sincère de dire (...) Vous vivez une période difficile, mais la France pense à vous, notamment les écrivains, les journalistes, les professeurs, les étudiants. Soyez fermes. Les principes de liberté de pensée, d'écrire, de parler sont essentiels», a-t-il ajouté. Né à Tunis il y a 70 ans, Hédi Kaddour, déjà lauréat lundi dernier du prix Jean-Freustié, est l'un des favoris des prix littéraires d'automne. Le Goncourt, le plus convoité des prix littéraires francophones, a été remporté l'an dernier par la Française Lydie Salvayre, pour un roman sur la guerre d'Espagne («Pas pleurer»).