Les luttes pour la succession de Béji Caid Essebsi mettent en péril Nidaa Tounès Ni les Américains ni les Européens n'ont consenti la moindre obole, se contentant de multiplier les promesses et les compliments de circonstance, au point que le peuple tunisien découvre peu à peu qu'il a été leurré. Moins d'un an après l'élection de Béji Caïd Essebsi à la présidentielle du 22 décembre 2014, le parti Nidaa Tounès devenu majoritaire au lendemain des législatives du 26 octobre 2014, va de plus en plus mal, ballotté par des rivalités intestines qui se sont envenimées durant ces derniers mois pendant que quatre organisations ont reçu le prix Nobel de la paix. La genèse des affrontements qui ont eu lieu ces jours-ci à Hammamet, lors d'une réunion du Bureau exécutif du parti, renvoie à plusieurs causes. La première concerne le choc des ambitions personnelles symbolisé par la querelle qui a dégénéré jusqu'aux insultes et aux voies de fait entre le secrétaire général de Nidaa Tounès, Mohcen Marzouk, et le chef de file des contestataires, chez nous on parlerait de redresseurs, à savoir le propre fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essebsi, accusé par ses détracteurs de songer à une succession du type moyen-oriental. Passé le stade des invectives et des menaces diverses, les belligérants en appellent à l'arbitrage de Béji Caïd Essebsi lui-même qui, dans le contexte particulier que vit actuellement la Tunisie, se mure dans un silence calculé. La bataille de succession a déjà altéré passablement l'image de marque de la formation néo-destourienne qui rassemble, ce n'est un secret pour personne, les tenants du système Bourguibien, ceux de la période Zine el Abidine Ben Ali qui ont survécu à la chasse aux sorcières organisée depuis 2011 et enfin les partisans d'une économie débridée qui ont investi la scène politique et entendent défendre leurs intérêts dans l'enceinte même de l'Assemblée des représentants du peuple. Menacé d'implosion, Nidaa Tounès va-t-il résister aux coups de boutoir internes, sachant que les frappes externes n'ont jamais cessé, y compris de la part des «alliés» du parti islamiste Ennahda qui n'ont toujours pas digéré les manoeuvres savantes avec lesquelles Beji Caïd Essebsi a réussi à lui ravir la première place sur l'échiquier politique tunisien? Une question à laquelle la réponse viendra de l'action du gouvernement violemment critiqué ces derniers mois pour ses tentatives qualifiées de maladroites visant à imposer une nouvelle politique d'austérité au moment où le peuple tunisien, la classe moyenne comprise, souffre de plus en plus. C'est un fait que les espoirs suscités voici un an par le candidat de Nidaa Tounès d'attirer de nouveaux investissements et surtout d'obtenir des aides financières conséquentes de la part des Etats-Unis et de l'Union européenne, au motif que la Tunisie est le seul pays arabe à réussir sa marche à pas forcés vers la démocratie. Là, ni les Américains ni les Européens n'ont consenti la moindre obole, se contentant de multiplier les promesses et les compliments de circonstance, au point que le peuple tunisien découvre peu à peu qu'il a été leurré. Affaibli par le détachement de Béji Caïd Essebsi qui se veut, officiellement, au-dessus de la mélée et observe la bataille de succession en cours, Nidaa Tounès commence à chavirer depuis que les adversaires de Hafedh Caïd Essebsi l'accusent ni plus ni moins que d'une «agression fasciste», ses partisans ayant empêché l'accès au bâtiment de Hammamet à coups de gourdins et de poings selon des images postées sur Internet. Une méthode qui «menace le processus démocratique», ont aussitôt dénoncé des responsables du parti favorables à Mohcen Marzouk. On voit mal, dans ces conditions, comment la formation pourrait convoquer un congrès dont le report a déjà été décidé plusieurs fois, beaucoup redoutant que le fils Essebsi ne s'empare des rênes du parti, aidé en cela par la douteuse apathie du père Essebsi qui aurait, disent-ils, oublié Nidaa Tounès pour se consacrer au palais de Carthage. C'est ainsi que 32 députés proches de Mohcen Marzouk lui ont transmis un véritable pamphlet dans lequel ils lui reprochent véhémentement son «silence» vis-à-vis de la situation explosive du parti. Si d'aucuns prédisent la chute du gouvernement Essid dont les résultats sont jugés d'ores et déjà médiocres, il apparaît que le grand gagnant de cette situation sera Rached Ghannouchi dont la formation islamiste, Ennahda, se frotte les mains en catimini tout en jurant son attachement à la pérennité d'une alliance construite pas à pas, au prix de mille et une concessions. Mais Ennahda sait qu'elle ne peut gouverner seule, surtout dans la conjoncture internationale et régionale actuelle.