L'urgence algérienne, estime la même source, consiste en la libération et en l'organisation de l'accès aux archives de la guerre d'indépendance, sans peur ni frilosité... La séance de clôture de la 15ème édition du Salon international du livre a été marquée par une sympathique vente-dédicace organisée par les Editions Champ libre en l'honneur de l'universitaire Abdelmadjid Merdaci. Auteur prolixe s'il en est, porté par une irréversible boulimie du savoir et de l'historiographie du pays lui tenant à coeur, l'auteur du Dictionnaire des musiques citadines de Constantine a, comme à l'accoutumée, séduit tant par son humilité que par sa vaste culture. A sa manière, il a tenu à afficher sa sensibilité patriotique en signant, notamment, Constantine au coeur de l'histoire, Novembre 1954- novembre 1955, une contribution à l'écriture de la guerre d'indépendance qui place la ville de Constantine et ses immédiates périphéries au centre de l'analyse. Ce livre de 89 pages se décline en trois séquences qui mettent l'accent sur l'organisation et les capacités de lutte du FLN durant la période soulignée. Le stand des Editions Champ libre a proposé un autre titre dédié à la Révolution nationale: Cinquante clés pour le Cinquantenaire. Incorrigible pédagogue, Abdelmadjid Merdaci explique ainsi les raisons à l'origine d'une oeuvre notablement édifiante sur l'importance de la réappropriation de l'Histoire sans laquelle, il est vrai, aucune reconstruction sur des bases objectives ne saurait intervenir: «Le présent ouvrage ne prétend pas répondre à toutes les questions que peut légitimement susciter cette séquence fondatrice de l'histoire de l'Algérie mais ambitionne au moins d'en proposer quelques-unes des clés. Il est le fruit - je tiens à le souligner - de discussions engagées dès l'été 2011 avec l'éditrice qui aboutirent à l'intérêt qu'il y avait à mettre à la disposition du public le plus large des éléments d'information et d'analyse propres à restituer le sens du cinquantenaire.» Pour autant, l'auteur tient à préciser que le choix de ce mode d'exposition sacrifie moins à une nécessité de conjoncture - le Cinquantenaire - qu'à l'appréciation de l'état des savoirs et des débats sur notre histoire. Pour la même source, la rareté de la production académique nationale, son confinement, quand elle existe, à des publics restreints, le renforcement de la dépendance du champ intellectuel algérien dans le domaine historique vis-à-vis de la production extérieure - principalement française - posent au chercheur des questions qui ne se réduisent pas exclusivement aux seules démarches méthodologiques: «Sans rien concéder de l'importance des questions, des sources, de l'accès aux archives, des conditions de validité des témoignages des acteurs, y compris dans leur dimension politique de censure ou de manipulation, la problématique de la transmission ne peut, aujourd'hui, être minorée.» L'urgence algérienne, estime la même source, consiste en la libération et en l'organisation de l'accès aux archives de la guerre d'indépendance, sans peur ni frilosité: «Un demi-siècle après l'indépendance, il est imaginable et possible de revenir sur toutes les pages de cette histoire qui ne peut être assombrie par ses plus sombres pages que par le silence ou les intérêts les plus sordides.» En termes décodés, la bleuite, les harkis, la guerre fratricide, entre le FLN et le MNA, cités en exemple, ne peuvent demeurer indéfiniment des points aveugles de l'histoire de la guerre de Libération nationale: «Il est absurde aujourd'hui de n'en parler qu'en dehors du pays ou de s'en informer dans les seuls travaux - souvent de qualité - qui proviennent de France.» De Fafa à Tata, il n'y avait qu'un pas décisif à faire et Abdelmadjid Merdaci le fit au moment où il décida de se réconcilier avec sa muse, la sociologie pour ne pas la désigner. Il le fit de fort belle manière à travers un livre retraçant la trajectoire humaine, dense et complexe d'une femme d'une somptueuse générosité, dont le mérite singulier réside dans la part importante qu'elle prit dans la libération du pays et la prise en charge d'enfants de chouhada, l'auteur révèle non sans émotion une personnalité attachante qui aura marqué de son aura autant son époque que sa ville. C'est en cela qu'il retrouve ses repères, renoue avec la quête du sens et des enjeux de transformations sociales tels que vécus par la société globale algérienne. Et c'est à cette aune qu'il remet en scène Tata une femme dans une ville qui est tout aussi exceptionnelle que son attachante héroïne. Une ville, Constantine, qui le passionne énormément autant que sa muse Erato à laquelle il consacra Musiques et musiciens de Constantine au XXème siècle. Un livre où il nous apprend que l'évolution des conditions d'exercice musical à Constantine au XXe siècle est principalement marquée par le passage de la médina algérienne à la ville européenne: «Ce passage consacre autant le changement de statut des musiciens que des musiques désormais régulés au plan économique par le marché et la gestion patrimoniale des musiques par l'Etat/Nation. L'urbanisation du champ musical minorise et marginalise les musiques citadines et sanctionne l'hégémonie des musiques néo-urbaines issues des mutations démographiques de la Constantine d'après-l'indépendance.»