Le combat contre l'organisation jihadiste figurait également au menu de rencontres hier à Téhéran entre le président russe Vladimir Poutine et les responsables iraniens. Dix jours après les attentats de Paris, le président François Hollande a engrangé hier le soutien de Londres à sa lutte contre le groupe Etat islamique (EI), au début d'une série de rencontres avec ses partenaires permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. «Nous allons intensifier nos frappes, choisir des cibles qui feront le plus de dégâts possible» à l'EI, a prévenu M. Hollande, à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre britannique David Cameron. Ce dernier a affirmé qu'il avait la «ferme conviction» que son pays, qui limite pour l'instant ses frappes à l'Irak, devait les élargir à la Syrie, ajoutant qu'il allait le demander à son Parlement. Pour convaincre les grandes puissances de s'allier pour «détruire» l'organisation jihadiste, à travers une coalition internationale «unique» contre l'EI en Syrie et en Irak, le président français met les bouchées doubles: il rencontre aujourd'hui à Washington Barack Obama, demain à Paris la chancelière allemande Angela Merkel, jeudi à Moscou Vladimir Poutine, et dimanche à Paris, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et Xi Jinping, le président chinois. Le dirigeant russe devait rencontrer pour sa part hier à Téhéran le guide suprême Ali Khamenei, la plus haute autorité politique et religieuse de l'Iran. Russie et Iran sont les deux principaux soutiens de la Syrie, dont le chef de l'Etat, Bachar al-Assad est honni des capitales occidentales qui demandent son départ du pouvoir. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry est à cet égard en visite dans les Emirats arabes unis, pour discuter de la constitution d'une liste d'opposants syriens acceptables par les différentes parties, en vue d'éventuels pourparlers de paix avec le régime de Damas. Selon un diplomate français, le président Hollande va demander à Washington d'accentuer encore ses frappes contre l'EI. Les Etats-Unis ont effectué de 10 à 15 sorties par jour contre l'EI, comparées aux 250 frappes quotidiennes menées par l'Otan pendant la guerre du Kosovo en 1999, ou aux 110 sorties quotidiennes pendant l'invasion de l'Afghanistan deux ans plus tard, relève l'expert australien en contre-terrorisme, David Kilcullen. «A Poutine c'est bien évidemment la détermination à aller taper l'EI» qu'il faut demander et non plus seulement les rebelles dit modérés qui menacent le régime de Damas, ajoute le même diplomate français. «Il y aura aussi à Moscou une dimension de transition politique, parce que ça nourrit la crise. Sur quels groupes d'opposition syrienne se met-on d'accord pour envisager l'après Bachar al-Assad?», poursuit la même source. Si Paris a rejoint après les attentats l'idée russe exprimée dès septembre d'une coalition unique, la méfiance demeure sur les objectifs de Moscou, accusé de soutenir avant tout le régime syrien. Pour faciliter la lutte contre le groupe Etat islamique, la France a fait adopter en fin de semaine dernière par le Conseil de sécurité une résolution autorisant «toutes les mesures nécessaires» contre cette organisation jihadiste. Mais elle est toujours «bien seule dans son combat contre Daesh, les puissances régionales n'étant pas prêtes à la soutenir militairement», estime l'expert français Olivier Roy dans le New York Times. Pour les Turcs, la menace est «l'irrédentisme kurde», et pour les Kurdes d'Irak, «c'est la reconstitution d'un Etat central fort à Baghdad» qui mettrait en cause leur indépendance de fait. Pour les Saoudiens, «l'ennemi principal n'est pas Daesh», mais l'Iran. Et l'Iran veut certes contenir l'EI, «mais pas forcément l'anéantir, puisque son existence même empêche le retour d'une coalition sunnite arabe du type qui leur a fait tant de mal lors de leur guerre avec l'Irak de Saddam Hussein».