«Je ne peux m'occuper que de la politique du TNA, pas de la politique culturelle du pays...», s'est exclamé le metteur en scène et comédien. La Bibliothèque nationale d'Algérie a organisé, mardi dernier, un nouveau numéro de son Café théâtre consacré au metteur en scène, comédien et actuel directeur du TNA, M'Hamed Benguettaf, autour de son parcours et de son expérience, l'écriture et la mise en scène. Animée par Nasser Khellaf, la rencontre sera marquée au départ par la présentation de la vie et l'oeuvre de Benguettaf qualifiée par Brahim Noual, de «géante». Abordant ses débuts à la radio en 63, le directeur du TNA fera remarquer qu'il voulait chanter. «Je me suis retrouvé à la rue Hoche avec des textes entre les mains. Boualem Raïs m'a convaincu d'y rester. J'ai été admis en tant que comédien stagiaire. Djaâfer Beck m'a persuadé de me lancer dans cette voie». Evoquant le théâtre d'antan, il confiera: «Je me considère comme quelqu'un de chanceux, car j'ai eu le privilège de rencontrer les pionniers du théâtre algérien, entre acteurs et metteurs en scène que j'avais rêvé de côtoyer un jour». Benguettaf mettra l'accent sur l'importance du théâtre à cette époque: «Les places étaient chères et n'importe qui, ne devenait pas comédien. J'ai appris avec eux plein de choses : la direction d'acteur avec Allal Mohib, la patience avec Mustapha Kateb, El Hadj Omar était bréchtien donc moderne dans sa démarche, sans oublier les acteurs. Chacun est une école». L'artiste M'hamed Benguettaf admet avec conviction avoir «volé» et beaucoup appris avec ses aînés. «Je suis un grand pickpocket. Je volais des répliques, une intonation, une gestuelle. J'aimais assister aux répétitions. J'apprenais par coeur toutes les pièces.» Evoquant le théâtre El Kalaâ, M.Benguettaf soulignera le caractère «libre» de cette «compagnie sans pour autant être privé». On n'était pas subventionné par l'Etat, mais on signait des contrats, notamment avec des comités de fêtes pour monter des pièces», affirme-t-il. A la question de savoir si ce n'est pas un suicide d'être directeur du TNA en négligeant la comédie, M'Hamed Benguettaf dira: «Ce n'est pas un suicide que de l'être à mon âge. Il est important d'ouvrir la porte aux autres metteurs en scène, scénaristes. J'essaye de concilier entre mes responsabilités administratives et mon rôle de comédien. Il faut suivre son temps». Parlant du théâtre d'aujourd'hui, qui connaît une certaine crise multidimensionnelle, il estimera que celui-ci suit «le cours d'évolution de la société. Il faut maintenant parler des nouvelles productions. Je crois dans le comédien. J'ai juste besoin d'un corps, d'une voix et d'un espace». Cependant, Benguettaf n'omettra pas de signaler le rôle de l'Etat à même d'aider le théâtre à se reconstruire, faisant allusion au manque de moyens. «Si j'invite un comédien étranger, où vais-je le loger, à El-Aurassi?» s'est-il interrogé avec amertume et de poursuivre: «D'autres choses relèvent de la responsabilité de l'Etat. Je ne peux pas avoir de l'argent. Je ne peux pas construire des écoles. Je ne peux m'occuper que de la politique du TNA, pas de la politique culturelle du pays. Depuis 40 ans, nous travaillons dans l'urgence. Mais il ne faut pas se décourager, il faut y croire», achèvera-t-il. En conclusion, il a rappelé que le Théâtre national s'apprête à célébrer le 7 janvier prochain, le 40e anniversaire de son existence sous l'indépendance, période durant laquelle il a réalisé un bilan chiffré à plus de 170 oeuvres. Pour rappel, le parcours artistique de M'hamed Benguettaf a été jalonné de réalisations grâce notamment à sa participation à plus de 70 pièces, outre celles qu'il a écrites, dont El Aïta qui lui a valu le premier prix au festival de Carthage en 1989. Il a par ailleurs, traduit de nombreuses oeuvres dont celles de Mohamed Dib, Nadjib Hikmet, Kateb Yacine, etc. Parmi ses créations, Hassna oua Hassan, Djeha oua Enas, Ya sitar arfaâ esitar. Fatma est le premier monologue féminin dans l'histoire du théâtre algérien, interprété par Sonia. On citera la dernière pièce en date Ettemrine, qui a remporté un franc succès récemment lors du Festival de Damas qui s'est tenu du 21 au 30 novembre dernier. Le théâtre algérien sera-t-il demain plus beau? A quand la «relance» concrètement?