Selon une prospective réalisée par des experts, la région d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sera la région la plus déficitaire en termes de ressources alimentaires dans le monde à l'horizon 2050. Les effets du changement climatique pourraient, à long terme, affecter les rendements agricoles d'une baisse de 30% dans la région et les conséquences d'un tel scénario seraient catastrophiques aux plans social, économique et environnemental. Selon une étude réalisée par Jean-Louis Rastoin, expert à l'Institut d'études prospectives en Méditerranée (Ipemed), ainsi que Mahjouba Zaïter et Zied Ben Youssef, experts tunisiens, il est évident que ces changements ne seront pas sans effet. Ils soulignent que dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (Psem), l'agriculture et les activités liées font vivre au moins 72 millions de personnes (25% de la population totale). Il faudra créer dans ces pays autour de 2 millions d'emplois par an entre 2010 et 2030, en plus de la résorption indispensable d'un chômage structurel élevé. Les tendances prévisibles pour les 11 Psem font état d'une lourde insécurité alimentaire, avec des déficits qui pourraient aller jusqu'à 50 milliards de dollars en 2030, mettant gravement en péril la santé publique et la cohésion sociale dans ces pays. Le Bassin méditerranéen, avec 1,6% des terres mondiales héberge 10% des espèces végétales et 18% des espèces animales connues; c'est donc un territoire riche en biodiversité gravement menacée. Ainsi, il paraît nécessaire, selon les experts, d'examiner les articulations pouvant exister entre les enjeux de la sécurité alimentaire et les dynamiques des ressources naturelles agricoles en Méditerranée. Dans le cadre de ses travaux, Ipemed propose la mise en place de partenariats agricoles Nord-Sud et Sud-Sud, basés sur les filières intégrées dans des systèmes alimentaires territorialisés capables de relever les défis du développement durable, et notamment celui du changement climatique. Ipemed propose des éléments de réflexion sur la contribution des systèmes alimentaires territorialiasés à la résilience au changement climatique en région méditerranéenne. Dans un article réalisé dans le cadre de la conférence COP 21, il est souligné que la communauté scientifique a fait émerger le concept de système alimentaire territorialisé (SAT) en croisant les concepts de territoire et de filière agroalimentaire, et en y intégrant un double objectif de responsabilité sociétale (des producteurs comme des consommateurs, c'est-à-dire d'une éthique alimentaire) et de développement durable. Ce nouveau système alimentaire - qui part d'un constat d'échec des systèmes actuels - s'inscrit dans une vision dynamique de progrès. Un SAT peut être défini comme un ensemble de filières agroalimentaires localisées dans un espace géographique de dimension régionale et coordonnées par une gouvernance territoriale. Cette notion met l'accent sur une triple proximité, par opposition aux filières longues de la mondialisation agroalimentaire. Il s'agit en premier lieu d'une proximité dans l'écosphère, par diversification des productions agricoles, en reconnectant les filières végétales, animales et forestières, selon les préceptes de l'agroécologie. La seconde proximité concerne le rapprochement entre agriculture et industries alimentaires; un rapprochement qui se fera en approvisionnant en priorité les unités de transformation avec des matières premières agricoles de la région où elles sont implantées. La troisième proximité se fait à travers une réorientation de la demande alimentaire vers une offre locale plus abondante et variée, de qualité plus aisément vérifiable, ce que réclame une part croissante des consommateurs.