La France voit les pays de la rive sud de la Méditerranée comme “les prochains émergents”. Un document rendu public, à la veille du coup d'envoi de l'Union pour la Méditerranée, par le secrétariat d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique français, M. Eric Besson, souligne le potentiel de la région, mais identifie aussi des défis à relever. Un document synthétique qui, non seulement, dresse un état des lieux, mais aussi, et surtout, dessine les principales lignes d'une vision prospective sur la région du sud et de l'est de la Méditerranée. Une région qui renoue avec la croissance et des perspectives soutenues à moyen terme Depuis 2002-2003 après une période de croissance lente et heurtée, les pays du sud et de l'est de la Méditerranée (PSEM) connaissent des taux de croissance du PIB réel de près de 6% en moyenne contre 3,6% sur la décennie 1990. Dans un futur proche, la région ne devrait pas souffrir de la crise financière. Certes, le ralentissement américain et européen pèsera sur les exportations de la région. Mais les investissements dans les infrastructures, la hausse de la demande intérieure, l'amélioration des profils d'endettement devraient autoriser une croissance soutenue. D'une manière générale, les PSEM devraient bénéficier d'une croissance économique mondiale encore tirée par les pays émergents et d'un environnement régional favorable (afflux de capitaux et de touristes du Golfe). À moyen terme, les perspectives de croissance de la région semblent relativement favorables. Selon les projections de la Banque mondiale, la progression du PIB pourrait atteindre au moins 5% en 2008 et 2009. À long terme, les projections de la Banque mondiale, comme celles du CEPII, misent sur une progression du PIB de 3,5% à 4% par an en moyenne d'ici 2030. Ces projections se fondent sur une croissance potentielle calculée sur l'hypothèse d'une forte dynamique démographique, d'une faible hausse de la productivité, d'une accumulation un peu plus soutenue de capital physique (investissements) et enfin d'un rattrapage technologique (capacité à utiliser des technologies modernes) moins rapide que celui des zones émergentes. Bien que ces chiffres soient très honorables, se hisser sur un rythme de croissance plus soutenu sera sans doute nécessaire pour que le niveau de vie par habitant de la zone rattrape celui des grands émergents. Un des enjeux consistera précisément à accélérer le rattrapage technologique et la diffusion des TIC. Le défi de l'insertion dans le commerce international Pris globalement, le commerce extérieur de tous les PSEM est déficitaire sur la période 2000-2005 (à l'exception de l'Algérie et de la Libye, qui enregistrent des excédents croissants). Les disparités entre les pays sont notables. Les pays gros producteurs d'hydrocarbures (Algérie, Libye) sont mono exportateurs d'hydrocarbures et massivement importateurs de biens d'équipement. La part des hydrocarbures dans le PIB algérien s'est élevée à 45% en 2005. Le risque pour ces pays est d'être victime du syndrome hollandais ou dutch disease. Dans cette configuration, la rente pétrolière conduit à un phénomène de désindustrialisation. Les pays non pétroliers (notamment, le Maroc, la Tunisie et la Turquie) ont une forte spécialisation en services touristiques et développent des industries compétitives. Au sein de ce groupe, existent des nuances : la Turquie, dont le profil de spécialisation se rapproche de celui des nouveaux membres de l'UE (véhicules, électroménager et électronique grand public). Le Maroc et la Tunisie, avec une spécialisation textile marquée et l'émergence de nouvelles activités : fournitures électriques, composants électroniques. Les pays intermédiaires (Egypte, Syrie) ont encore une forte dimension minière et développent un secteur manufacturier et/ou agricole, avec, dans le cas de l'Egypte, une spécialisation agroalimentaire, textile et ciment. Enfin Israël constitue un cas à part. Economie avancée, ce pays est spécialisé dans les services à haute valeur ajoutée et aussi en produits de la chimie et des télécommunications. L'Union européenne est de loin le principal partenaire commercial des PSEM (à l'exception du Liban, d'Israël et de la Jordanie). Elle absorbe près de la moitié de leurs exportations (48,7 % en 2004), et en est le premier fournisseur avec 45,1% des importations des PSEM. Dans leur ensemble, les PSEM constituent pour l'UE un partenaire commercial significatif, absorbant 8% des exportations extracommunautaires de l'UE, et fournissant 7% des produits importés par l'UE. Cependant, leur poids dans le commerce extérieur de l'UE reste inférieur à celui des Etats-Unis, de l'Association Européenne de libre-échange (AELE), et de la Chine depuis 2004. Le commerce entre l'UE et les PSEM a faiblement progressé ces dernières années. Sur la même période, la part de la Chine dans les importations de l'UE progresse de 0,8 % à 3,1 %.Les échanges entre les PSEM ne représentent que 7% de leurs exportations totales. Ce chiffre n'a guère évolué depuis 2000. En comparaison, le commerce intra-zone de l'Union représente 66,7 % des exportations totales et 64,6 % pour les importations (chiffres 2005). Investissement direct étranger : la montée des pays du Golfe L'excédent extérieur courant renforce la crédibilité des PSEM et autorise un investissement domestique plus important. Cette capacité de financement est de nature à autoriser une hausse de l'investissement domestique. Or les taux d'investissement des PSEM sont plus faibles que ceux des émergents en période de rattrapage. La part des PSEM dans les IDE (investissements directs étrangers) mondiaux qui avait stagné entre 0,7% et 1,6%, s'est élevée à 3,3% en 2005 et 4,5% en 2006. Deux freins sont néanmoins susceptibles de limiter cet effet d'entraînement sur les économies domestiques : le faible taux de réinvestissement par les firmes étrangères (seuls, 5 à 10% des IDE sont des extensions d'unités existantes) ; la concentration encore très forte des IDE dans le secteur énergétique procure peu de valeur ajoutée locale. En termes de flux d'IDE à destination des PSEM, la part de l'UE atteint 40% en 2007. Egalement en termes de flux, la période récente se caractérise cependant par une présence de plus en plus affirmée des pays du Golfe (34,5% des investissements en 2007 contre 21% en 2005). Les investissements des pays d'Asie, encore discrets dans les statistiques, devraient également s'intensifier dans les années à venir, comme en témoigne la multiplication des communiqués de presse des entreprises de Chine, de Russie et d'Inde, pour annoncer de grands projets dans les secteurs de l'énergie, des infrastructures et de l'industrie lourde. Les deux piliers des IDE dans la région sont incontestablement le Golfe et l'Europe, qui représentent 67% du total sur les 5 dernières années. En termes de stock d'IDE, la part des investisseurs européens depuis 2003 reste dominante avec 48% du total. La croissance démographique des PSEM restera forte à l'avenir “Du fait des évolutions démographiques, le rapport actifs/inactifs va devenir plus favorable. Encore faut-il profiter de cette “aubaine” en adaptant le système éducatif (qui a déjà enregistré de beaux résultats) à l'économie de la connaissance”, souligne l'étude. Il faut, note le document créer suffisamment d'emplois productifs pour absorber la demande croissante sur le marché du travail. On peut en effet évaluer entre 80 et 85 millions le nombre d'entrées nettes sur le marché du travail au sein des PSEM entre 1995 et 2020, c'est-à-dire en moyenne 3 millions d'entrées annuelles pendant 15 ans. L'eau, l'agriculture et la demande énergétique constitueront des enjeux pour les PSEM, qui appelleront des coopérations non seulement à l'échelle de la région, mais aussi avec l'Europe. Meziane Rabhi