Il faut traiter le phénomène du terrorisme en aval La guerre contre Daesh est d'abord médiatique car si le jeune est enrôlé par les djihadistes, s'il rejoint le terrain de la lutte, l'échec est déjà consommé, la bataille des idées est perdue. Un front médiatique mondial contre l'extrémisme religieux. Tel est le but principal recherché par le Forum des journalistes des pays musulmans contre l'extrémisme, qui s'est déroulé du 8 au 9 décembre derniers à Moscou, en Russie. Plus de 50 journalistes venus d'Algérie, du Maroc, Tunisie, Iran, Koweït, Egypte, Afghanistan, Turquie, Emirats arabes unis, Soudan, Pakistan, Liban, Syrie et Russie ont participé à cet événement. Il a été organisé par le groupe de vision stratégique «Russie - monde islamique», présidé par le président de la République du Tatarstan, Roustam Minnikhanov. Cette rencontre qui intervient dans un contexte sécuritaire mondial très tendu marqué par d'effroyables attentats commis par Daesh au Sinaï en Egypte, à Paris en France, à Bamako au Mali et à Tunis en Tunisie. Aussi, la rencontre a-t-elle visé d'abord, l'action médiatique à la fois comme remède et comme moyen de lutte contre l'extrémisme. «La lutte contre ce phénomène, doit être faite, tout d'abord, dans le domaine de l'information, parce que l'idée de tuer et de commettre des actes d'intimidation, les actes de terreur est beaucoup plus dangereuse que les actes terroriste eux-mêmes. Des jeunes commettent des meurtres en succombant à la manipulation de certains individus mus par des objectifs politiques», affirme dans son introduction Viniamin Popov, responsable du Groupe de vision stratégique. «Se mobiliser ensemble», a été le maître-mot développé envers les médias lors de cette rencontre où d'éminents experts russes orientalistes se sont exprimés sur la question du terrorisme mondial, son financement et son assistance. «Il faut reconnaître que l'activité terroriste amène parfois des résultats. Dans les pays développés, les jeunes font face à des difficultés et pour s'en sortir ils cherchent le moyen le plus facile. C'est exactement ce que proposent les organisations terroristes», note encore M.Popov. Dans les pays musulmans, comme en Afrique du Nord par exemple, 30 à 35% des jeunes souffrent du chômage. «Les organisations leur offrent cette possibilité de gagner de l'argent en plus d'une promesse de devenir des maîtres du monde avec l'instauration du Califat musulman. «Daesh offre 2000 dollars à ses combattants en plus du partage du butin de guerre. Le tout est assorti du rêve suprême de rejoindre le Paradis», affirme M.Popov qui situe exactement le terrain de lutte. Il s'agit d'abord et avant tout d'une guerre médiatique qu'il convient de mener. «Tout comme le soldat sur le front, le journaliste a un rôle prépondérant dans cette guerre.» Les participants ont tenté de dégager une politique médiatique à même de constituer une digue contre la propagande terroriste. A ce titre, les chiffres révélés par les participants sont effroyables. «Les extrémistes disposent de centaines de sites djihadistes, Daesh diffuse 100 000 twitts par jour, sans compter les centaines de milliers de connections vers les réseaux extrémistes», révèle Mohammed Bechari, secrétaire général de la Conférence islamique européenne avant de s'interroger presque résigné «comment lutter contre cette véritable machine de guerre médiatique?». En filigrane, des pays ont été cloués au pilori dans ce forum. L'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Ahmad Dawa, directeur général de l'Agence syrienne d'information, ne se fait pas de doute quant à l'existence dans son pays, la Syrie, de ce qu'il a appelé «les investisseurs dans l'islamisme». Sans les nommer, il affirme que la formation des terroristes se passe en Turquie et l'argent leur vient du Qatar et d'Arabie saoudite. «Les plus grands médias du monde sont incapables d'égaler en qualité les films de Daesh. Seul Hollywood peut rivaliser avec eux. Cest dire qu'il sont arrosés de pétrodollars», appuie-t-il. La quasi-totalité des intervenants étaient unanimes à soutenir l'idée d'un front mondial contre l'extrémisme. Il est donc important de se mobiliser pour diffuser une culture de la paix. Prévenir et empêcher les jeunes de rejoindre ces organisations terroristes. Le remède consiste à traiter le phénomène en aval, avant que le drame ne se produise. Car si le jeune est enrôlé par les djihadistes, s'il rejoint le terrain de la guerre, l'échec est déjà consommé, la bataille des idées est perdue. De ce point de vue, le Forum de Moscou sonne comme une réplique aux travaux de la Conférence internationale sur la «déradicalisation» et la lutte contre l'extrémisme qui ont eu lieu le 22 juillet dernier à Alger. Initiée par l'Algérie et encouragée par les Nations unies, cette rencontre a réuni une cinquantaine de pays et d'organisations internationales. Les participants se sont penchés sur les actions susceptibles de constituer des pistes de coopération au sein du système des Nations unies ou du Forum global de lutte contre le terrorisme (Fgct). Le Forum de Moscou vient de donner la réplique.