L'insoluble quadrature du cercle libyenne L'Italie et les Etats-Unis organisent aujourd'hui à Rome une conférence internationale pour tenter d'accélérer la formation d'un gouvernement d'union en Libye où le chaos permet à l'EI de monter en puissance. L'objectif est de donner une «impulsion, si possible décisive», à l'accord conclu en octobre sous l'égide de l'ONU et que les représentants des deux Parlements rivaux libyens se sont engagés vendredi à signer le 16 décembre, a expliqué le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni. S'adressant au Conseil de sécurité par vidéoconférence depuis Tunis où se tenaient des pourparlers sur la Libye, le médiateur de l'ONU Martin Kobler a souligné vendredi soir «qu'il n'y aura pas de réouverture» du texte. A l'issue de consultations à huis clos, les 15 pays membres du Conseil ont «accueilli avec satisfaction» l'annonce de la prochaine signature de l'accord, a déclaré à la presse l'ambassadrice américaine Samantha Power, qui préside le Conseil en décembre. La tâche menace d'être ardue alors que des voix discordantes se sont déjà élevées contre cet accord, notamment à Tripoli. Cette conférence d'une journée doit réunir les chefs des diplomaties américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, des représentants des autres membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Royaume-Uni, Chine et France), de grands pays européens et des pays de la région (Maroc, Algérie, Tchad, Niger, mais aussi Turquie, Qatar, Emirats arabes unis, etc.). La question de la représentation des factions libyennes n'a en revanche pas encore été tranchée. Les modérés sont les bienvenus, mais pas les organisateurs du processus qui a conduit à un protocole d'accord libyo-libyen conclu le 6 décembre à Tunis, sans l'ONU, et qui sont considérés comme peu représentatifs. L'émissaire de l'ONU a plusieurs fois affirmé que ce processus alternatif n'était pas viable. Selon une source diplomatique européenne, l'accord «long et précis» conclu en octobre, après six mois d'âpres négociations, a le soutien de la majorité des parlementaires à Tobrouk (dans l'est, reconnu par la communauté internationale), comme à Tripoli, mais a été bloqué par les présidents des assemblées. Un des vice-présidents du Parlement de Tripoli et promoteur d'un processus sans l'ONU, Awad Mohammed Abdoul-Sadiq, a estimé vendredi que les délégués ayant annoncé la prochaine signature de l'accord sous l'égide des Nations unies «n'ont pas été autorisés à signer». Un nouveau vote est prévu au sein de chacune des assemblées après la signature du 16 décembre, ont expliqué les représentants des deux instances, vendredi à Tunis. Pour le diplomate européen, il s'agit maintenant d'obtenir un gouvernement d'unité nationale «d'ici à la fin de l'année», même si plusieurs sources occidentales se sont montrées sceptiques sur la possibilité d'installer un gouvernement à Tripoli en l'absence de solides arrangements sécuritaires. Il faut «pousser les parties à une forme de compromis parce qu'il est impossible de résoudre cette crise de l'extérieur», a fait valoir M.Lavrov vendredi. «Il y a une urgence absolue. Chaque semaine qui passe est mise à profit par l'EI pour tenter de faire de la Libye une base terroriste», a insisté le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir. Pour l'Italie, ancienne puissance coloniale, cette conférence naît cependant de «l'échec de l'ONU», a expliqué Nicola Latorre, président de la commission Défense au Sénat et spécialiste de la Libye. Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, répète depuis des mois que la menace islamiste plane autant sur la Libye que sur la Syrie, et que l'Italie est prête à prendre le commandement d'une mission militaire sur place. L'Italie se sent d'autant plus concernée que le chaos, depuis la chute de Maâmar El Gueddafi en 2011, a favorisé le passage de centaines de milliers de migrants et que les évaluations font état de la présence en Libye de 500.000 à un million de candidats au départ.