Le monde avait tiqué à l'annonce, mardi dernier, par l'Arabie saoudite de la création d'une «coalition militaire islamique (CMI)» de lutte contre le terrorisme. Ah, bah! s'esclaffa le populo, voilà donc les pères spirituels du terrorisme qui se transforment en pères fouettards de rejetons qu'ils se sont efforcés, tout au long de ces années, de fanatiser. Or, ces troupes jihadistes radicalisées à l'extrême, ont fait du «bon boulot» à telle enseigne que l'on se mit à pointer du doigt une Arabie qui s'estimait au-dessus de tout soupçon. Arabie soutenue, il est vrai, par la première puissance mondiale, qui n'a pas été la dernière à susciter la discorde [dans des contrées détentrices de gisements énergétiques] avec l'espoir d'en tirer les marrons du feu. En fait, l'Arabie saoudite acculée sur ses arrières tente ainsi, sans se déjuger, de rétablir à son profit une situation plutôt inconfortable. Ce qui revient à tirer parti de tous les hasards. Aussi, tant qu'à faire, Riyadh s'est appliquée à mettre deux fers au feu: l'un pour exciter davantage la fitna parmi les Musulmans, l'autre de faire semblant de l'éteindre. Un rôle ambivalent qui convient à merveille aux Al-Saoud qui estiment, forts de l'amitié d'«Uncle Sam», pouvoir marcher sur ses traces et l'imiter jusqu'à l'absurde: mettre en place une «coalition islamique» de bric et de broc, sortie du néant. Il est patent que les nouveaux «Chevaliers du désert» ont autant mésusé de leur position et de leur force que de la crédulité de pays qui ont un profond respect pour cette terre d'islam. Aussi, le roi d'Arabie a semblé juger qu'il lui suffisait de «claquer» du doigt pour convoquer les Musulmans. Nombreux ont ainsi été les dirigeants de pays musulmans qui sont tombés des nues, en apprenant par les médias, que leurs pays respectifs ont été embrigadés dans une guerre dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd'hui, le roi et les princes saoudiens ont décidé seuls et entre eux de la mise sur pied de cette douteuse «coalition militaire islamique» pour combattre le terrorisme. C'est l'agence de presse officielle saoudienne SPA, qui diffusa le communiqué annonçant la nouvelle. Ainsi, des dirigeants de pays cités «membres fondateurs» de cette «coalition militaire islamique» (le nom que lui donne le communiqué de Riyadh) n'en revenaient pas d'apprendre qu'ils étaient entrés en guerre contre un ennemi dont ils ne savaient rien. Or, les bases, les critères, et les missions attribués à une telle «entente» se négocient au niveau politique, diplomatique et militaire entre les partenaires invités à en faire partie. Cela dans un cadre légal, qui respecte en tout premier lieu l'indépendance des pays auxquels on voudrait faire appel. Or, Riyadh a agi sans consulter personne et d'une manière arrogante que même les Etats-Unis n'ont pas osé employer lorsqu'ils ont créé leur «coalition internationale» contre l'autoproclamé «Etat islamique» dont d'ailleurs l'Arabie saoudite fait partie. Sans surprise, de grands pays musulmans asiatiques (Indonésie, Malaisie, Pakistan) ont très mal pris cette façon de faire, protestant vertement auprès de Riyadh. On se disait aussi, que cette annonce était à tout le moins pas «catholique» (si l'on veut nous excuser l'expression) pour être honnête. Déjà, la lecture de la liste des 34 pays «islamiques participants» à cette coalition laissait perplexe. En effet si, sur le moment, il a été donné du crédit à cette annonce [qui a été faite officiellement dans un communiqué du Palais royal saoudien] c'est que, peut-on estimer, la coalition a été créée en conformité des règles relatives à ce genre d'accord, après des consultations poussées avec les pays musulmans membres de l'OCI (Organisation de la coopération islamique) déterminant la part de chaque participant (en troupes, logistique, finances). C'est la règle ordinaire, surtout lorsqu'il est question de force militaire regroupant des pays pouvant avoir des intérêts contradictoires ou des positions antinomiques par rapport au thème qui les fait se liguer. Ces pays ne sont pas des pions et doivent avoir leurs idées sur ces questions débattues depuis l'apparition du fléau «jihado-terroriste». Au regard des protestations qui ont fusé de partout, il se dévoile ainsi que cette «coalition» a été décidée par les seuls Al-Saoud qui ont embrigadé, sans leur assentiment des pays musulmans asiatiques et africains. Si des pays comme l'Indonésie - le géant musulman par sa population, évaluée à 250 millions d'habitants en 2013 - n'ont pas été consultés, que dire des lilliputiens Comores, Djibouti, ou de pays en pleine guerre civile comme la Somalie, le Yémen et la Libye, auxquels on doute que Riyadh ait jugé utile de solliciter l'avis, ou encore engager la Palestine qui n'a d'existence que le nom? Encore un mauvais coup de Riyadh. Pourquoi l'Arabie saoudite n'a-t-elle pas levé une coalition militaire musulmane pour libérer la Palestine? Sans doute que c'est là un autre aspect de la duplicité de l'Arabie saoudite.