Riyadh qui dirige une coalition des monarchies du Golfe contre les Houthis chiites au Yémen et participe à la coalition dite internationale, menée par les Etats-Unis, contre l'autoproclamé «Etat islamique» (EI/Daesh) a annoncé mardi la création d'une «coalition islamique» - constituée de 34 pays musulmans dont la Turquie, le Pakistan et le Sénégal - de lutte contre le «terrorisme». Dans la course au leadership régional, l'Arabie saoudite a été capable des faits les plus extrêmes, faisant une chose et son contraire pour s'affirmer face à son concurrent le plus coriace au Moyen-Orient: l'Iran chiite [l'Egypte étant rentrée dans le rang]. Riyadh qui a semé, sans état d'âme, la fitna (la discorde) parmi les Arabes et les musulmans, a peur et se sent encerclée en n'ayant réussi à atteindre aucun des objectifs qu'elle s'est fixés: neutraliser l'Iran; contenir le pouvoir chiite de Baghdad; chasser le président syrien Bachar al-Assad - en le faisant remplacer par des dirigeants plus souples, sinon plus soumis. C'est dans ce sens que Riyadh plaça à la tête de la Coalition nationale syrienne [organe politique de la rébellion] le Syro-Saoudien Ahmad Assi Jarba. Or, rien de tout ça n'a abouti et l'Arabie saoudite tente désormais d'exister en faisant le coup de feu sur tous les théâtres des opérations moyen-orientales. C'est de fait une chose totalement inédite pour l'armée wahhabite - dont la mission essentielle est de protéger le trône - qui n'a jamais combattu en dehors des frontières saoudiennes. De fait, les piètres performances de cette armée contre les Houthis en attestent grandement. D'ailleurs, à quoi peut bien servir le colossal arsenal dont s'est doté l'Arabie saoudite, si ce n'est financer - pour le maintenir à flot - le complexe militaro-industriel états-unien? Dans cet inénarrable mariage d'intérêts entre la première démocratie du monde et le plus intégriste des pays musulmans, c'était à tout le moins le prix à payer pour faire assurer par la première puissance mondiale la sécurité du trône wahhabite. Mais, Riyadh veut plus qui a été l'un des initiateurs de la rébellion syrienne finançant le «Front islamiste» (qui regroupe de petites formations jihadistes syriennes) et le Front al-Nosra (branche syrienne d'Al Qaîda. A ce propos, il convient de relever que l'un des parrains de la rébellion en Syrie a été le prince Bandar bin Sultan [neveu du roi Abdallah], le trop voyant chef du renseignement saoudien, tombé en disgrâce après une série de bourdes qui mirent Riyadh dans l'embarras. Sa mission a été de faire tomber Bachar al-Assad, sans résultat. Ce qui est à retenir est que, depuis les révoltes de 2011 et les chutes des présidents tunisien Ben Ali et égyptien Hosni Moubarak, l'Arabie saoudite s'est livrée à un activisme outrancier tentant d'imprimer sa marque à ce qu'on a démesurément labellisé «Printemps arabe». De l'Afghanistan dans les années 1980 [avec son acolyte états-unien] à la Syrie en passant par les nombreux conflits qui agitent les Mondes arabe et musulman, l'Arabie saoudite - par un volontarisme exacerbé, ses prêches, son exportation de sa vision rétrograde de l'islam [le wahhabisme] - a semé la graine de l'extrémisme, nourrissant les Al Qaîda, al-Nosra et autre Daesh, qui s'est mué en terrorisme. N'assumant pas les dégâts de sa politique aventureuse, Riyadh prétend combattre un terrorisme dont elle n'a pas été pour peu dans son avènement. Plus, cherchant à se dédouaner, et dans leur parano anti-iranienne, les Saoudiens ont été jusqu'à accuser l'Iran de soutenir...Al Qaîda, appelant (sérieusement?) les Etats-Unis à mettre l'Iran sur «la liste des pays soutenant le terrorisme». Riyadh qui croyait vraiment avoir le poids nécessaire pour peser sur les évènements, très en colère après l'annulation des frappes contre la Syrie en août 2014, avait «sommé» les Etats-Unis de tenir leur promesse [affaire de l'utilisation d'armes chimiques]. C'est dans ce contexte et devant la timidité que montreraient, selon l'Arabie saoudite, les Etats-Unis et l'Occident en général, face au régime syrien, que Riyadh pensait pouvoir prendre les choses en main et pourquoi pas s'imposer comme unique interlocuteur dans une région en manque de leadership. Cela explique sans doute l'actuel déploiement tous azimuts de l'Arabie saoudite qui «combat» le terrorisme en Syrie en aidant de toutes les manières la rébellion syrienne et les groupuscules jihadistes. Les jihadistes, Riyadh les connaît bien (cf; les Afghans de triste mémoire) qui ont été l'une de ses créations. Car, s'il existe des divergences sur la forme, sur le fond, l'Arabie saoudite partage en fait les mêmes positions exprimées par Daesh, en particulier. De toutes les façons, les divers financements par l'Arabie saoudite des islamistes radicaux, ne sont plus à démontrer. Aussi, c'est un peu cocasse de voir à la tête de la lutte antiterroriste l'un de ses parrains qui l'ont couvé, financé et fortifié. Demeure l'interrogation: qu'est-ce qui fait courir les Al Saoud?