Fatiha Benabbou, spécialiste du droit constitutionnel La Constitution impose un référendum à toute réforme profonde. De l'avis de Mme Fatiha Benabbou, spécialiste du droit constitutionnel, Même si le contenu sera positif, le premier principe auquel on ne peut pas se soustraire est le respect des formes, des conditions et des procédures que la Constitution met en oeuvre». «C'est dommage qu'on a décidé déjà de faire adopter la Loi fondamentale par voie parlementaire» car, dit-elle «le président est tenu par l'avis motivé du Conseil constitutionnel et les matières limitatives inscrites dans l'article 176 de la Constitution si la révision porte sur le chapitre premier de la Loi fondamentale, à savoir les principes généraux de la société, les droits et libertés fondamentaux et les équilibres entre le pouvoir et les institutions de l'Etat». «Par conséquence, la révision de la Constitution dans ce cas de figure doit se faire par voie référendaire ou l'application de l'article 174 de la loi du peuple», ajoute-t-elle. «La référence à cet article, constitue une règle, car il regroupe tous les pouvoirs constituants, visions et sensibilité, à savoir l' APN, le Conseil de la nation et le peuple». «Par contre, l'article 176 qui donne la possibilité d'adopter la révision de la Constitution via le Parlement après l'entremise de l'avis du Conseil constitutionnel n' est qu'une exception et renvoie à une petite révision technique de rien du tout», a-t-elle affirmé. En d'autres termes, elle souligne que «la Constitution impose un référendum à toute réforme profonde de la Loi fondamentale qui touche aux principes généraux de la société, les droits et libertés fondamentaux et les équilibres entre les pouvoirs». «Ce n'est pas au pouvoir discrétionnaire du président auquel échoit de décider sur la manière de promulguer la Constitution.» Le respect des procédures doit être de mise, d'autant plus que le président de la République est garant de l'inviolabilité de la Constitution», a-t-elle indiqué. Si on a opté pour la voie parlementaire, il est clair qu'on ne doit pas s'attendre à l'officialisation de tamazight, aux renforcements du pouvoir parlementaire, de l'indépendance de la justice et de la séparation entre les pouvoirs...etc», commente-t-elle. Plus précise, il souligne que «si l'on touche aux principes généraux de la société, aux droits et libertés fondamentaux, aux équilibres des pouvoirs et des institutions de quelque façons que ce soit, c'est-à-dire en rajoutant ou en ôtant des prérogatives, la révision doit se faire de fait à travers l'organisation d'un référendum». De plus, ajoute-t-elle, «l'avis motivé du Conseil constitutionnel, par rapport aux procédures et la voix par laquelle la Constitution sera adoptée, devra être publié d'abord sur le Journal officiel pour permettre au peuple d'en prendre connaissance». La nouvelle Constitution parachevant le processus des réformes initiées par le chef de l'Etat et dont le contenu n'est pas encore rendu public, semble être ressortie «pour montrer les bonnes intentions du pouvoir», selon de nombreux observateurs. «La création du poste de vice-président répond à l'impératif de la succession ou la transmission du pouvoir présidentiel», indique-t-on. «Carrément désigné par le président Bouteflika, le vice-président n'aura aucune légitimité élective», indiqué Mme Benabbou. Par rapport à la promesse d'instaurer un Etat civil, elle indique que «l'article 25 de la Constitution n'admet que des attributions classiques à l'Armée nationale populaire, à savoir la sauvegarde de la souveraineté nationale et défense du territoire». «C'est la mission de toutes les armées du monde. Ce qui signifie clairement que l'Algérie n'est pas un Etat militaire. C'est pour cela qu'il est préférable de parler de pouvoir politique civil, et non pas d'Etat civil». «Le DRS, au coeur de la vie politique depuis l'indépendance du pays, est régi par des textes publiables au Journal officiel». Actuellement, les députés n'ont aucune possibilité de saisir le Conseil constitutionnel. Seuls le président de la République, le président du Conseil de la nation et le président de l'APN peuvent le saisir (article 166 de la Constitution). Mme Benabbou prône «la suppression du Conseil constitutionnel et son remplacement par une Cour constitutionnelle pour renforcer le contrôle judiciaire de la Constitution». Sur un autre plan, elle indique qu' «en fait, on ne sait pas combien de députés ou de membres du Conseil de la nation devront signer la saisine du Conseil constitutionnel». Si le nombre est important, les partis siégeant au Parlement seront contraints de concocter des alliances pour pouvoir saisir ce conseil. Ainsi, «l'importance ou l'inefficacité de ce principe dépend du nombre de signatures nécessaires pour la saisine», a-t-elle fait savoir. «Notre Constitution qui est beaucoup plus à caractère symbolique n'est pas tout à fait normative», dit-elle. Ainsi, poursuit-elle «la Constitution algérienne n'a pas atteint sa maturité car elle n'est pas justiciable». Fatiha Benabbou spécialiste du droit constitutionnel, a souligné qu'«on peut introduire dans la Constitution un principe sans jamais le faire suivre d'application». «On ne peut pas déduire des normes du simple discours politique», a-t-elle indiqué. Il ne suffit pas d'inscrire uniquement des principes, encore faut-il les faire suivre de textes d'application portant modalités de la mise en oeuvre», indique-t-elle. Or, cela est d'autant plus improbable que «le Conseil constitutionnel, qui est doté uniquement de compétences d'attribution, autrement dit son rôle se limitant au contrôle de la constitutionalité des lois et des traités, n'a pas pour compétence de contrôler toute la Constitution».