img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P160202-08.jpg" alt=""J'ai connu des hommes d'exception"" / L'Expression: Vous avez connu et côtoyé le moudjahid Si Lhafidh qui nous a quittés la semaine dernière. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué chez lui? Omar Hami: Tous ceux qui ont connu et côtoyé Si Lhafid, s'accordent à faire l'éloge de la tolérance et de la grandeur d'âme de ce grand monsieur. Si Lhafidh restera un homme de grande sagesse qui honnissait l'injustice et la violence. Humaniste, respectueux, agréable et sociable il l'a toujours été. Il avait la mort en horreur, fût-elle pour son propre ennemi. Il accordait une valeur immense à l'existence humaine, il ne luttait que pour rendre cette existence digne pour ses frères. A ses yeux, la violence était injustifiable. A ce titre et pour la mémoire, je me souviens que lors de la terrible opération «Jumelles», une femme Na Farroudja de Tazrout (actuellement Abi Youcef, de la daïra d'Iferhounène) était un agent de liaison dans la région, une combattante de la première heure. Elle n'a pas pu résister à la torture et ses bourreaux réussirent à lui arracher des informations sur les divers endroits où étaient réfugiés les maquisards. A sa libération, elle a été exécutée par les moudjahidine en l'absence de Si Lhafidh. A son retour, Si Lhafidh a été outré par cet acte à ses yeux ignoble. Il s'adressa à tous ses compagnons d'armes présents sur place dans un long discours empreint de sagesse et de moralité. «Il faut se conduire en soldat, mais pas en criminel», leur rappela-t-il. La vie restait pour lui, en dépit de tout, le bien le plus précieux. Avez-vous connu Si Lhafidh lors de la guerre de libération ou juste lors de la révolte du FFS? «J'ai connu Si Lhafidh en 1957, alors que j'étais un agent de liaison sous sa responsabilité à Michelet (actuellement Aïn El Hammam). Lui était capitaine, alors qu'un autre frère de combat, Mohand Oulhadj, était notre colonel. Et puis, il est de mon village. J'ai connu sa mère, une grande moudjahida, son frère,... le chahid, tué par les soldats français en 1959, mais aussi sa femme Na Nouara, elle aussi a vécu en fugitive lors de la guerre de Libération nationale et durant la révolte du FFS, avant de se retrouver encore sur le chemin de l'exil comme beaucoup de véritables et loyaux combattants de l'époque. Si Lhafidh était l'un des premiers chefs de la révolution ayant mené et commandé des attaques contre des casernes, des campements et des embuscades stratégiques contre les experts et les architectes de l'opération «Jumelles», à travers le territoire de la Wilaya III historique. Et puis, il faut dire que Si Lhafidh était surtout très chéri, voire pris sous les ailes de Mohand Oulhadj qui faisait peur à l'armée française. Lui et Si Lhafidh étaient complémentaires, ils travaillaient ensemble en parfaite symbiose. Et Hocine Ait Ahmed, l'aviez-vous rencontré? Oui, Si l'Hocine «asyaâfou Rabbi», qu'il repose en paix. Voilà un autre géant dont l'Algérie pleure la mort. Si l'Hocine et Si Lhafidh comme d'autres géants, de même stature, ont combattu pour l'Algérie indépendante et contre l'indépendance confisquée en 1963. La vie entière de ces hommes fut dédiée à l'émancipation totale de ce peuple qui avait été réduit à une soumission totale, déchu de ses droits les plus fondamentaux, spolié de sa terre. Si Lhafidh et Si l'Hocine ont connu et combattu l'ennemi extérieur et intérieur jusqu'à leur mort. En réalité, j'ai eu l'honneur de choyer les trois grands chefs qu'étaient Si L'Hocine, Mohand Oulhadj et Si Lhafidh. Mais, je me souviens surtout des deux: Si l'Hocine et Si Lhafidh, côte à côte. C'était au centre de Aïn El Hammam (Michelet), quand Ait Ahmed s'est adressé dans un discours à la population pour lui demander de fuir la région car l'armée des frontières était arrivée à Larbaâ Nath Irathen (ex-Fort national). L'euphorie de l'indépendance fut vite renversée et s'est transformée en cauchemar. Et dans l'exil, étiez-vous resté toujours en relation avec Si Lhafidh et Ait Ahmed? «Oui, même en exil, nous étions restés très liés et on se voyait régulièrement chez Si Lhafidh, dans sa maison, chez d'autres amis et compagnons et nous avions poursuivi la lutte. il n'y avait que les ennemis qui étaient différents, ainsi que l'espace. Nous étions en France et avec l'arrivée d'une nouvelle génération de militants armés de plumes, de guitares, de nouvelles idées et de nouvelles formes de lutte. Il y avait surtout Mohyia, Saïd Khelil, Ferhat Imazighen Imoula, les frères Saâdi, les Lounaouci, les Benyounès et les Mira, Idir, Aït Menguellet et d'autres encore. Et surtout à partir des années 1980, c'était la reprise de la lutte politique sous le sigle du MCB. Tout se faisait au nom du MCB, mais en réalité, c'était le FFS qui était derrière. Je dois aussi pour la mémoire, de rappeler Mohya qui était le plus actif, mais toujours dans l'ombre. Il était choyé par Si Lhafidh. Il avait la plume, le verbe et la liberté de penser. Lui, il n'avait pas de chef. Il était le soldat et le chef en même temps. Il ne faisait que lutter et produire intellectuellement. Il était tout différent des autres. Il avait une aura exceptionnelle, il était très estimé par Ait Ahmed, Si Lhafidh et par tous les militants de la démocratie, mais il refusait toujours l'affiche, les louanges et autres flatteries. Ça restait un être humble et modeste.»