Dans cet entretien, il étale sa propre vision du redéploiement théâtral à Béjaïa. Le dramaturge et directeur du théâtre régional de Béjaïa depuis fin août de l'année en cours, Omar Fetmouche, a mis tout son art et son punch pour redonner vie à une structure moribonde. En quatre mois seulement, l'équipe artistique se retrouve et trouve goût au travail. C'est ainsi qu'en un temps record, le TRB a monté une superproduction, Fadhma N'Soumer, avec laquelle Fetmouche a voulu inaugurer une ère nouvelle où la création et l'activité artistique auront de meilleures perspectives. L'Expression : Cela fait plus de 4 mois que vous êtes à la tête du théâtre régional de Béjaïa. Peut-on vous demander déjà de nous faire un premier bilan? Omar Fetmouche: Je ferai plutôt trois bilans. Il y a un bilan administratif, un autre artistique et le troisième communicatif auquel j'accorde énormément d'importance. Avant de prendre mes fonctions, j'avais déjà tracé les grands axes de mon programme que j'avais communiqué à mes chefs de service. En même temps, j'avais organisé deux assemblées générales dans lesquelles j'ai rassemblé tous les partenaires artistiques et administratifs pour leur expliquer ma manière de gérer ce théâtre, en leur exposant bien sûr mon programme de travail. Je considère que j'ai réalisé 95 % des objectifs que je m'étais assignés dès le départ. C'est-à-dire d'un point de vue administratif, nous sommes parvenus à asseoir le maximum de commissions possibles: hygiène, inventaire... J'ai tenu des séances de travail avec des chefs de service, le syndicat, la commission des oeuvres sociales... J'ai revu un maximum de dossiers en matière de retraite pour régulariser la situation des travailleurs, l'organisation des locaux, des ateliers pour remettre de l'ordre et mettre un terme à l'anarchie. On a essayé de rétablir un petit peu de hiérarchie dans l'administration du point de vue de la gestion. Nous sommes aussi arrivés à relancer une activité très dynamique vis-à-vis du ministère de l'Information et de la Culture en ce sens qu'il y avait énormément de dossiers qui étaient bloqués et que nous avons relancés avec le ministère, tels que l'acquisition d'un bus pour le théâtre, le programme prévisionnel avec le ministère de tutelle, sans cesser de faire les va-et-vient entre ce dernier et Béjaïa pour rétablir les choses qui commencent à devenir de plus en plus claires. Le climat de confiance a été rétabli avec la tutelle et l'on peut dire que le TRB est sorti de la zone rouge. Et concernant la création théâtrale proprement dite? D'un point de vue artistique et qui est le plus important, on s'était promis, dans un premier temps, de faire appel au maximum de comédiens existant au niveau de Béjaïa. On l'a fait à travers un très grand spectacle qui a compté quand même plus de 50 personnes sur scène, qui est le spectacle de Fadhma N'Soumer, présenté comme prévu, le 31 octobre dernier. Notre objectif était aussi de renouer avec le public de Béjaïa et cela s'est fait le jour de la générale avec les 300 personnes qui sont restées en dehors de la salle. Ne s'agit-il pas d'un coup d'éclat conjoncturel qui risque de s'estomper un jour? Non, je pense que non, pas du tout. Parce que ça y est, on est maintenant sur la permanence des activités. Donc, pour Fadhma N'Soumer, nous avons déjà tous les mois de janvier et février où Fadhma est programmé, tous les lundis pour les lycéens. Nous sommes en train actuellement d'assurer tous les jeudis après-midi , une activité pour les adultes. C'est parmi les premiers objectifs dans un premier semestre pour essayer d'aller vers la conquête du public. Je rappelle que mon arrivée a coïncidé avec le mois de Ramadan, on a essayé, contre vents et marées et avec les moyens qui n'existaient pas du tout, d'assurer une animation artistique au TRB pendant 30 soirées du mois de Ramadan. Et c'était un défi qu'on s'était donné, ça a bien marché et nous remercions au passage tous nos partenaires. Il semble que dans la foulée, plusieurs projets artistiques sont en chantier au niveau du TRB. Pourriez-vous nous dire de quoi s'agit-il? Parallèlement au montage du spectacle de Fadhma N'Soumer, j'ai lancé un appel notamment aux artistes du TRB de présenter avant le 30 décembre des projets artistiques qu'ils proposent pour l'année 2005/2006. Car, il était temps de permettre à beaucoup de projets en veilleuse de voir le jour. D'ailleurs, on a été inondé de projets et jusqu'à présent, on en est au 7e. Nous ne pensons pas les monter tous, étant donné les moyens qui sont à notre disposition, mais nous pensons quand même prendre au moins en charge 4 projets à monter. Je citerais dans la foulée la Musique adoucit les moeurs de Tom Stopard, que Djamel Abdeli veut monter ; il y a aussi un autre projet de Kheiri qui propose une oeuvre du regretté Boubekeur Makhoukh. Les Sinistrés du regretté Mohand Ouyahia sera repris par Mouhoub Latrèche, en plus du projet de la reprise de Sinni en hommage à Mohia. Nous adapterons aussi avec trois comédiens une pièce de Jean-Claude Carrière. Nous avons aussi un projet de spectacle pour enfants qui sera présenté par des jeunes. Outre cela, nous avons accepté de prendre en charge un spectacle de danse et d'animation qui m'est proposé par des jeunes. Nous avons même ouvert les portes aux associations cinématographiques pour perpétuer une tradition dans la projection de films sans pour autant chercher à se substituer à la Cinémathèque. Cependant, pour pouvoir réaliser tous ces projets, avec quels moyens financiers comptez-vous y parvenir? Je vous dis franchement qu'on a eu une petite aide dans le cadre du 50e anniversaire de la Révolution et nous pensons aussi profiter de cette aide pour lancer un maximum de projets, mais j'ai bien parlé avec tous les gens du théâtre en leur disant qu'il faudrait être assez économe sur vos projets que nous allons essayé de subventionner et que nous pouvons conventionner qu'en en prenant en charge des aspects de la représentation. Il y a des projets qui se feront en partenariat, d'autres qu'on prendrait complètement en charge, et nous comptons sur les promesses de la wilaya et de l'APC pour lancer d'autres projets. Sinon, on essayera de trouver d'autres moyens à travers le sponsor, le mécénat pour en concrétiser le maximum. Si vous restez dans cette dynamique, croyez-vous que le TRB, en tant qu'institution et espace d'expression artistique, pourra contribuer à recréer une vie culturelle à Béjaïa qui est, doit-on l'admettre, en état de déliquescence? Vous avez bien fait de dire contribuer. Parce qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. De ce point de vue, je pense que c'est très possible, vu que nous disposons d'un espace assez important. Nous avons un grand théâtre qui n'a rien à envier aux grands théâtres au niveau national, nous disposons d'une infrastructure reliée à des espaces et des halls d'exposition, nous avons deux salles de spectacle, nous avons même des espaces de terrasses libres où l'on peut organiser des activités et je pense que nous avons la possibilité d'y contribuer en offrant ces espaces aux associations culturelles qui veulent réellement présenter leurs activités. Déjà de ce point de vue, nous voulons être un espace vivant. Nous ne voulons pas fermer les portes de ce théâtre, nous attendons les propositions des artistes. Mais je dois vous dire qu'en 4 mois, nous avons déjà accueilli beaucoup d'associations. Nous vous laissons le soin de conclure... La meilleure conclusion, c'est un appel que je fais à tous les artistes de la ville de Béjaïa qui veulent nous aider à faire du TRB un espace de vie et de création artistique et comme le disait très bien Eschyle : «Donnez-moi un théâtre, je vous donnerai un peuple extraordinaire». Je pense que Béjaïa a son théâtre, elle a tout d'une des villes les plus symboliques du pays.