Chaque fois que la France expulse, faute de l'extrader, un terroriste recherché en Algérie, l'action, somme toute banale, prend des dimensions qui dépassent la simple coopération judiciaire. Ainsi en a-t-il été lors de l'«affaire Hamani,» que les autorités algériennes avaient «laissé en liberté». Aujourd'hui, avec le «renvoi de Chalabi, interdit de séjour en territoire français», il se trouve des diplomates pour condamner «son emprisonnement par la justice algérienne». Plus grave encore, et selon une source du ministère français de la justice, citée par le Journal du Dimanche, il y aurait eu «un arrangement secret entre Paris et Alger pour que les conditions de détention de Chalabi soient correctes, et qu'il ne soit pas condamné à mort». Jusque-là, les choses relèvent de l'hypocrisie classique des officiels en matière de droits de l'Homme. Mais là où les choses prennent une allure de combine, c'est lorsque le ministère des Affaires étrangères déclare, dès le 9 novembre, que «les autorités algérienne nous avaient assurés que Chalabi ne faisait l'objet d'aucune poursuite judiciaire». Or la source du ministère de la Justice affirme que «c'est le ministère des Affaires étrangères qui s'est occupé du deal». Pourtant, une demande d'extradition avait été formulée le plus officiellement du monde quelques mois avant que n'expire la peine de huit ans que Chalabi purgeait en France pour «appartenance à un groupe terroriste». Depuis le 11 septembre, la France a changé de politique vis-à-vis des réseaux de soutien au terrorisme qui opèrent à partir de son territoire. Mais ce retournement reste honteux, sous la pression des moralistes qui font et défont les électorats. En outre, n'ayant pas encore intégré dans sa législation nationale les dispositions des conventions internationales de lutte antiterroriste, la France se trouve piégée par ses propres lois. L'expulsion de Chalabi «prend donc l'allure d'une extradition déguisée», puisque, né en France, père de quatre enfants français, il n'est pas passible des mesures d'expulsion. Selon la même source, «l'ambassade de France en Algérie est chargée de suivre le respect par l'Algérie du deal passé avec les autorités françaises». La question est désormais de savoir si Chalabi ne devrait pas être jugé à Alger, par un juge français, selon les lois françaises, pour la bonne conscience de M. Védrine.