Le bricolage est devenu une spécialité de Béjaïa Ces deux événements qui ont secoué deux villes historiques incitent à l'interrogation. Comment sont conçues ces statues? Qui les supervise? Erigé dans la hâte, le bustier de feu Saïd Mekbel implanté non loin du siège de la wilaya de Béjaïa, a vite fait de montrer les limites d'un travail approximatif qui a soulevé des remarques dès son inauguration. Lors de cette inauguration qui s'apparentait déjà à une récupération dont se sont rendus complices certains acteurs, le visage ne reflétait pas celui du grand et illustre journaliste qu'était Saïd Mekbel. Depuis, les journalistes locaux et même les visiteurs et les militants de divers horizons participant aux diverses manifestations organisées sur cette placette devenue le lieu de rendez-vous des combats démocratiques, ne manquaient pas à chaque fois de relever les incohérences et d'émettre le souhait de voir lavé «cet affront». La municipalité de Béjaïa, qui n'était pas associée ni près ni de loin à sa réalisation, fut acculée de partout et notamment par les journalistes et les membres de la famille Mekbel, lui demandant d'intervenir pour rectifier le tir et réhabiliter l'image de ce défenseur de la liberté d'expression. C'est sur cette base que l'Assemblée populaire communale de Béjaïa a entrepris, entre autres projets, celui de démolir ce buste pour le remplacer par une statue autrement plus représentative de l'homme, ce symbole de la liberté d'expression et de la presse, qu'était feu Saïd Mekbel. L'annonce a enfin été faite, hier, dans un communiqué de la cellule de communication de l'APC. «Soucieuse de la beauté et de la dignité de tout ce qui symbolise les valeureux hommes de Béjaïa et afin de donner suite aux sollicitations de la corporation journalistique de Béjaïa ainsi que les militants des droits de l'homme, le mouvement associatif et les membres de la famille du défunt Mekbel, symbole de la liberté d'expression, l'APC de Béjaïa informe l'opinion publique d'une opération de démolition de l'ancienne sculpture, dont le vrai visage de l'icône se trouve déformé», écrit l'APC de Béjaïa, qui précise que «ce buste sera remplacé par une autre statue qui illustrera dignement le buste et le visage de l'un des fils de Béjaïa». Dans la foulée, l'APC a fait part de sa volonté de «procéder également au remplacement de la statue d'Inb Khaldoun implantée à la Casbah, comme elle édifiera de petites statues pour honorer la bravoure et le combat des moudjahidine et des chouhada de la commune de Béjaïa». Cette affaire rappelle le scandale qui a éclaté à la veille de l'ouverture de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe». Une statue représentant cheikh Abdelhamid Ben Badis a été sculptée, probablement de manière hâtive avec au bout un résultat catastrophique si bien qu'une fois dévoilée au grand public, ce fut la honte nationale. La statue en question, qui représente Ben Badis en position assise, est décrite comme étant une «vulgaire et grossière» reproduction d'une photographie du cheïkh par sa famille. Finalement, elle a été retirée de la place des Martyrs où elle a été érigée après une dizaine de jours. Des artistes, des citoyens, ainsi que les membres de la famille du fondateur de l'Association des Ouléma algériens ont fait pression sur les autorités locales et dénoncé ce qu'ils appellent «une atteinte et une insulte» à la mémoire du cheikh. La polémique a pris une tournure plus grave à la suite de la diffusion de photos accompagnées de commentaires jugés malsains à l'encontre de Ben Badis, ce qui a poussé sa famille à saisir les autorités locales. La famille du défunt ainsi que la Fondation Abdelhamid Benbadis n'avaient de cesse de réclamer que cette oeuvre soit retirée dans les plus brefs délais, afin de préserver la mémoire et la dignité du leader du réformisme algérien. Ces deux événements, qui ont secoué deux villes historiques, incitent à l'interrogation: comment sont conçues ces statues? Qui les supervise? Autant de questions que se pose le commun des mortels car en vérité, ce ne sont que des exemples parmi des dizaines d'autres, qui se singularisent par de pareilles erreurs, pour ne pas dire des lacunes. Et si on créait une commission des statues pour statuer...?