Ce documentaire italien («Feu en mer», en français) relate le sort des réfugiés qui débarquent en provenance des côtes d'Afrique du Nord sur l'île italienne de Lampedusa, ou meurent avant d'y parvenir. Le Festival du cinéma de Berlin a décerné samedi son Ours d'or à un documentaire sur les réfugiés à Lampedusa, «Fuocoammare», envoyant un message politique au moment où l'Europe cherche coûte que coûte à réduire l'afflux des migrants. Ce documentaire italien («Feu en mer», en français) relate le sort des réfugiés qui débarquent en provenance des côtes d'Afrique du Nord sur l'île italienne de Lampedusa, ou meurent avant d'y parvenir. Brut, sans voix off ni commentaires, «Fuocoammare» décrit en parallèle le quotidien des habitants - en particulier celui d'un jeune garçon, Samuele - et celui de ces milliers de migrants. «En ce moment, toutes mes pensées vont à tous les gens qui ne sont jamais arrivés à Lampedusa pendant ce voyage de l'espoir» qu'ils avaient entamé, a déclaré le réalisateur, Gianfranco Rosi, après avoir reçu son Prix. Il l'a aussi dédié aux «gens de Lampedusa», tous à ses yeux «très ouverts» et promis de venir montrer son film sur l'île, où il loue toujours un appartement, lors d'une projection «en plein air» car il n'y a pas de cinéma sur place. Le cinéaste s'en est surtout pris aux politiques suivies par de nombreux gouvernements européens visant à réduire l'entrée des migrants. «Les murs et les clôtures ne marchent jamais, elles ne résistent jamais», a-t-il mis en garde. «J'espère apporter une prise de conscience, il n'est pas normal que des gens meurent en traversant la mer pour échapper à des tragédies», a estimé Gianfranco Rosi, qui, pour «Fuocoammare» («Fire at sea»), a passé près d'un an à Lampedusa, petit morceau de terre de 20 km2 situé entre Malte et la Tunisie. La présidente du jury de la Berlinale cette année, l'actrice américaine Meryl Streep, a souligné que les jurés avaient été «bouleversés» par un documentaire qui «allie la critique à l'art et la nuance». Ce film «va au coeur de ce qu'est la Berlinale», a-t-elle poursuivi. Cinéaste bourlingueur né en Erythrée et formé aux Etats-Unis, Gianfranco Rosi a expliqué s'être «immergé» dans la vie de Lampedusa. Il a notamment accompagné des gardes-côtes secourant des bateaux en détresse, après avoir reçu des appels à l'aide par radio, montré les opérations au cours desquelles des hommes masqués et en combinaison blanche évacuent un à un les réfugiés et les cadavres de bateaux bondés. Gianfranco Rosi avait déjà reçu le Lion d'or à Venise en 2013 pour le documentaire «Sacro GRA» consacré aux personnes vivant près du périphérique romain. La Berlinale est un festival de cinéma traditionnellement très immergé dans l'actualité politique et la défense des droits de l'homme. L'an dernier, l'Ours d'or était revenu à «Taxi Téhéran» du cinéaste dissident iranien Jafar Panahi, tourné clandestinement en Iran. Cette année, les organisateurs avaient fait de la question des réfugiés un thème central, avec diverses initiatives en marge du festival en faveur des migrants. L'acteur George Clooney, venu en ouverture, a aussi pris fermement position en faveur de l'aide aux migrants et rencontré à ce sujet la chancelière Angela Merkel. L'Ours d'argent du meilleur réalisateur a été décerné à la Française Mia Hansen-Love, 35 ans, pour «L'Avenir», son cinquième long-métrage, qui narre l'histoire d'une enseignante de philosophie, interprétée par la Française Isabelle Huppert, confrontée à une liberté nouvelle lorsque son mari la quitte. L'Ours saluant le meilleur interprète masculin est allé au jeune Tunisien Majd Mastoura pour son interprétation dans «Hédi» de Mohamed Ben Attia, première production arabe en compétition à la Berlinale en 20 ans, une histoire d'amour et d'émancipation au lendemain de la révolution de 2010-2011. Majd Mastoura a rendu hommage aux «martyrs de la révolution» en Tunisie et offert son prix «aux jeunes qui luttent toujours pour un meilleur avenir» dans le pays. L'Ours d'argent récompensant la meilleure actrice est allé à la Danoise Trine Dyrholm, 43 ans, pour son rôle dans «Kollektivet» («The Commune») de Thomas Vinterberg, sur l'histoire d'une communauté dans les années 1970. Le jury a aussi mis à l'honneur le cinéma asiatique. Le prix Alfred-Bauer, récompensant chaque année «un film qui ouvre de nouvelles perspectives dans l'art cinématographique», est revenu à «Hele Sa Hiwagang Hapis» («Une berceuse au mystère douloureux») du cinéaste philippin Lav Diaz.