Né en décembre 1941 à Constantine, prestigieuse cité d'histoire et de culture et haut lieu de la résistance, Abdelhak Benhamouda est issu d'une famille modeste attachée aux valeurs profondes de son pays que ses proches, et particulièrement son père qui était imam, lui ont inculquées. Opiniâtre et travailleur acharné, Benhamouda a entamé une carrière d'enseignant dans laquelle il a rapidement évolué pour devenir directeur d'école au début des années 1980. Il a très tôt ressenti les ravages occasionnés par l'injustice, les passe-droits et les pratiques néfastes d'une administration locale tatillonne, bureaucratique et inefficace. Désireux de s'impliquer concrètement dans la vie sociale, il s'est tourné tout naturellement vers l'action syndicale qui lui offrait la possibilité de contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail de ses compatriotes. Affilié à la puissante Fédération de l'éducation, il montra des qualités de leader respecté des ses camarades et porté au dialogue et à la négociation. Il gravit rapidement les échelons de l'organisation syndicale pour en devenir en juillet 1990 le secrétaire général. Abdelhak Benhamouda est arrivé à la tête de l'Ugta dans un contexte de crise économique, de changements qualitatifs profonds qui touchèrent toutes les sphères d'activités du pays. Il s'est fortement impliqué dans la défense des fondements républicains de l'Etat, aux prises à partir de 1991, avec la menace déstabilisatrice du mouvement islamiste. L'Algérie était meurtrie par les massacres perpétrés par les groupes terroristes et il fallait beaucoup de courage, face à ce danger, pour affirmer haut et fort la nécessité de maintenir le cap sur la démocratisation du pays. Ce fut le défi lancé par Benhamouda pour faire face à la montée du péril intégriste. On l'accusa bien à tort d'avoir fait de l'Ugta un instrument politique; il s'en défendait toujours en affirmant qu'il avait comme conviction et comme but la sauvegarde de l'avenir de l'Algérie. Il imprima dans le même temps à la Centrale syndicale une stratégie de lutte revendicative rendue d'autant plus nécessaire que les pouvoirs publics se préparaient à conclure au début des années 1990, les fameux accords d'ajustement structurel avec le FMI. En tenant fermement les commandes de l'organisation, Benhamouda a incontestablement redonné du souffle au syndicalisme algérien, dont il voulait consacrer l'indépendance par rapport à tous les pouvoirs. Lorsque les circonstances l'exigeaient, Benhamouda adoptait un ton tranchant et sans réplique qui traduisait surtout la puissance de son charisme et de ses convictions. Il considérait non sans raison que l'Ugta était la seule force organisée après l'armée et il a démontré que cette organisation pouvait réagir avec force et qu'elle pouvait administrer la preuve de sa puissance et de sa détermination pour protéger la situation sociale des travailleurs. Sa mort brutale a été ressentie comme une immense perte non seulement pour le mouvement syndical algérien mais également par l'ensemble du mouvement syndical international qui lui a rendu un hommage unanime et à la mesure de ses immenses qualités humaines et du courage dont il a fait preuve durant sa courte existence. Aïssat Idir Le premier secrétaire général Il est né à Djemaâ-N'essaridj, le 11 juin 1915. Après des études primaires, il bénéficia d'une bourse qui lui permit d'étudier à Tizi Ouzou. Il rejoint par la suite la Tunisie où réside la famille de son oncle. Appelé à faire son service militaire en Tunisie, il le termine avec le grade de sergent. Rentré en Algérie, il travaille pendant 10 années à l'AIA, comme cadre supérieur à la comptabilité. Après les massacres de Mai 1945, une grève dans l'entreprise servira de prétexte pour le licencier. D'une grande rigueur morale, logique avec son passé politique, il entra directement dans le combat initié par le FLN. Il était alors âgé de 38 ans. Le but que s'étaient fixé Aïssat Idir et ses compagnons depuis une dizaine d'années se réalisait. Il a rendu possible, avec la création de l'Ugta, l'émergence de militants qui contribueront à la libération de la patrie. Aïssat tenait à être au courant de tout, suivait le courrier, la rédaction des tracts, les circulaires, les préparatifs et les démarches qu'imposait la sortie du journal «L'ouvrier algérien», le logo de l'Ugta, la commande des cartes d'adhérents, du timbre syndical, de son prix, des correspondances adressées à la Cisl. Des grèves patriotiques affichent clairement le soutien de l'Ugta à la lutte engagée par le FLN depuis le 1er Novembre 1954. La répression frappera brutalement la direction de la Centrale le 24 mai 1956. Ce sont tous les membres du secrétariat national dont Aïssat Idir, au total une quarantaine de dirigeants qui iront rejoindre les camps de concentration d'Algérie, pour de longues années. Le premier numéro de «L'ouvrier algérien» sort de l'imprimerie du quartier Nelson, près du cinéma Majestic (aujourd'hui Atlas) à Bab El Oued. Le congrès de la Soummam, organisé le 20 Août 1956, a permis la création de structures pour l'ALN, le Cnra et le CCE. Aïssat Idir sera désigné sous un nom d'emprunt au Cnra, comme membre titulaire. En 1958, Aïssat a été mis sous mandat de dépôt à Serkadji. Bien qu'acquitté, il est attendu à la sortie de Serkadji par deux gendarmes qui, sur ordre du colonel Godard, lui passent les menottes et le conduisent au centre de tortures de Birtraria où, durant la bataille d'Alger, les «bleus» opéraient. Après quatre jours de torture, Aïssat est transféré à l'hôpital militaire Maillot pour «cause de brûlures graves» provoquées soi-disant par une cigarette qui aurait mis le feu à la paillasse du leader syndicaliste, lui qui n'a jamais fumé. Après d'atroces souffrances, Aïssat Idir décédera à l'hôpital Maillot le 27 juillet 1959. La disparition tragique de Aïssat Idir provoquera une vague de protestations sans précédent à travers le monde. D'Europe, d'Afrique, d'Asie, et d'Amérique, des voix s'élèvent pour dénoncer ce crime. Les journaux du monde entier manifestent leur solidarité avec le mouvement de libération à l'Ugta et à la famille du chahid. Jamais, sans doute, le gouvernement français n'avait été ébranlé de la sorte.