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Les ancêtres des Français méridionaux seraient musulmans
MALHEUR OU ESPERANCE?
Publié dans L'Expression le 03 - 03 - 2016

Trois squelettes couchés sur le flanc, le regard orienté vers La Mecque
«Lorsque la vérité entrera en lutte avec le mensonge millénaire, nous aurons des ébranlements comme il n'y en eut jamais, une convulsion de tremblements de terre, un déplacement de montagnes et de vallées, tel que l'on n'en a jamais rêvé de pareils. Toutes les combinaisons de puissance de la vieille société auront alors sauté en l'air, car elles sont toutes assises sur le mensonge...» Nietzsche, (Ecce Homo)
Un scoop! Des tombes musulmanes datant de l'an 700 découvertes à Nimes dans le Sud de la France. En effet, nous apprenons que «des chercheurs de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont annoncé, mercredi 24 février, dans la revue scientifique américaine PlosOne, la mise au jour de trois sépultures musulmanes à Nîmes. (...) Ces tombes sont datées entre les VIIe et IXe siècles. Il s'agit des plus anciennes sépultures musulmanes découvertes en France, donc du premier témoignage archéologique d'une présence musulmane à cette époque. (...) Ces trois sépultures se distinguaient des autres par la position des corps, déposés sur le côté droit et le visage orienté vers le sud-est. L'Inrap précise que «la position du corps, la tête orientée vers La Mecque comme le dépôt direct dans une fosse sont des caractéristiques évoquant les rites musulmans». Grâce à une analyse paléogénétique réalisée dans un laboratoire à Bordeaux, les chercheurs ont pu identifier l'origine des trois individus, qui seraient nord-africains, «du moins en ce qui concerne leur lignée paternelle». «Il y a des tombes musulmanes du XIIe siècle à Marseille et à Montpellier, précise Jean-Yves Breuil, mais celles de Nîmes sont les plus anciennes qu'on ait jamais trouvées.» Ces informations rejoignent des sources historiques qui attesteraient de la présence musulmane à Nîmes dès 720. Mais la découverte de ces sépultures soulève aussi d'autres questions. «Ces trois hommes ont été enterrés par d'autres qui connaissaient parfaitement le rite musulman, explique Jean-Yves Breuil. L'un des hommes étant assez âgé, autour de cinquante ans, on peut imaginer qu'il est 'resté assez longtemps'' à Nîmes.» (1)
«Deuxième élément essentiel, la place des tombes, retrouvées à l'intérieur de la ville antique, «près d'un chemin médiéval» et à une dizaine de mètres de tombes chrétiennes.
«Elles ne sont pas reléguées dans un lieu sans signification, souligne Jean-Yves Breuil. Au contraire, elles sont dans la ville antique, ce qui, à l'époque, a du sens pour les gens du coin.» Est-ce à dire qu'un groupe de musulmans a pu cohabiter avec la communauté wisigothique de Nîmes, pendant quelques années, autour de 720? (...) Ainsi, les chercheurs ont avancé l'hypothèse que les populations locales ont pu accepter une sorte de protection des armées musulmanes et, en échange, préserver leurs lois et leurs traditions. Cela donne un éclairage nouveau sur la multitude et la policulturalité, si on peut dire, de ce haut Moyen Âge.» (1)
Cette découverte interpelle et met en relief une coexistence pacifique de musulmans qui dès les premières années de la conquête de l'Espagne ont poursuivi, apparemment sans difficulté leur chemin vers l'est de la France. La présence arabo-berbéro-musulmane dans la Gaule méridionale est avérée, ce qui est stupéfiant est la rareté et la pauvreté des traces archéologiques: les découvertes de monnaies (les «fulus» notamment, seulement frappés au sein de l'armée de conquête par un atelier de frappe itinérant) et de sceaux en plomb (trouvés à Ruscino). Avant la prise de pouvoir des Francs du Nord sur le Sud de la Gaule franque, seigneurs musulmans et chrétiens se faisaient volontiers la guerre puis concluaient la paix en mariant leurs enfants. Il faut lire pour cela l'excellent ouvrage de l'académicien Amin Maalouf: «Les croisades vues par les Arabes.»
D'après l'encyclopédie Wikipédia: «La présence sarrasine au nord des Pyrénées, correspond à la présence pendant plusieurs périodes entre 719 et 973 de la Narbonnaise puis de la Provence par des populations arabo-berbères connues sous différents noms comme Arabes, Sarrasins, ou Maures. Une première phase de présence, à la suite de la conquête de l'Espagne wisigothique par les armées omeyyades, est enregistrée dans la province de Septimanie avec Narbonne pour capitale entre 719 et 759. Une seconde phase de présence dure près de 80 ans, entre 890 et 973 dans les environs de Saint-Tropez en plein massif des Maures où ils avaient établi plusieurs camps fortifiés, avec pour chef-lieu Fraxinet que des sources écrites arabes dénomment le Gabal al qilâl soit l'actuel arrière-pays du golfe de Saint-Tropez. Les armées arabes s'emparent en 718 ou 719 de Narbonne, capitale de la dernière province wisigothique, la Septimanie, et en font la capitale de leur nouvelle province, pour près de quarante ans. Le port leur permit d'acheminer des troupes et des vivres directement sur la côte languedocienne sans avoir à passer les montagnes. Les Omeyyades nomment à sa tête Yusuf al-Fihri gouverneur jusqu'en 747 (...) Ses armées conquièrent ensuite Agde, Béziers et Nîmes (en 718) qui intègrent le Califat. La Septimanie (sud de la Gaule) devint province Al-Andalus de 719 à 759.» Il est donc tout à fait possible que ces tombes appartiennent à des musulmans. (2)
Qu'est-ce qu'un Français de souche?
L'un des marqueurs identitaires mis en avant pour discriminer entre les allogènes et les indigènes est l'expression «Français de souche» qui renvoie à une présence beaucoup plus ancienne sur le sol français Le critère existe, c'est le clivage entre les Nous et les Eux résultant du sentiment d'appartenance: les Nous de souche et les Eux, les allogènes issus de l'immigration. Nous empruntons à l'Encyclopédie Wikipédia la définition suivante: «Français de souche est une expression courante ou une catégorie statistique controversée désignant, dans son sens le plus communément admis, les personnes de nationalité française n'ayant pas d'ascendance étrangère immédiate et n'étant pas issues de l'immigration récente. Sa définition, en particulier le nombre de générations qu'il faut prendre en compte pour définir cette classe statistique, est variable suivant les études et les auteurs. (...) Le terme est utilisé pour la première fois au début du XIXe siècle, puis en Algérie française pour désigner les colons français installés en Algérie depuis plusieurs générations et demeurés attachés à leurs racines (...)Hervé Le Bras souligne que «la politisation de la question de l'immigration a conduit le Front national à utiliser le terme pour opposer des Français de référence aux Français d'origine étrangère». (..) L'opinion du géographe Hervé Le Bras étant que les Français «descendent tous d'immigrants à un certain horizon temporel.» (3)
Qu'est-ce qu'être français?
Qu'en est-il aujourd'hui de l'identité française au XXIe siècle? Doit-on la circonscrire uniquement aux Gaulois à têtes rondes pour paraphraser San Antonio dans «l'Histoire de France»? Doit-on au contraire en honnête courtier rapporter les faits, rien que les faits, mais tous les faits pour contribuer à bâtir une identité française apaisée, mais ballotée par les hommes politiques qui s'en servent comme enjeux électoraux. Souvenons-nous des mots de De Gaulle prononcés il y a un demi-siècle dans la tourmente des «évènements d'Algérie» qui résument à eux seuls toute la problématique de la condition «d'être français»: «Il ne faut pas se payer de mots! C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.» On se souvient que le thème de l'identité a déjà été «vendu» lors des élections de 2007. Cela a commencé par une petite phrase: «La France: aimez-la ou quittez-la.» Ce mot a été emprunté à Ronald Reagan «Americ a love it or leave it». Qui est en fait français et depuis quand? En son temps, le général de Gaulle aurait répondu: «Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France..(...) je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs.» (4)
Il y a donc à l'évidence débat sur les origines, ce qui nous appelle à parler de Français de souche. Si pour le dictionnaire est de souche celui «qui appartient à un groupe national donné depuis de nombreuses générations, au point de ne plus être considéré comme un immigrant ni un descendant d'immigrant», au XVIe siècle l'Europe, via le Portugal et l'Espagne, promulgue des lois de «limpieza de sangre» («purification du sang») contre ses propres populations juives et musulmanes. A la suite de la chute de Grenade (1492) (...) En 1609, il y a exactement quatre cents ans, l'Inquisition décide d'en finir définitivement avec les Morisques. Les autorités politiques et cléricales hésitent un moment entre l'extermination physique et la déportation. Ce sera en fin de compte la déportation: «500 000 personnes - hommes, femmes et enfants, seront déportées (hors d'Europe) avec, au moins, 75% de 'pertes''». Avec cette histoire tragique, l'Europe -et la France par conséquent -s'est bâtie une identité amputée de ses juifs et de ses musulmans... Le XIXe siècle européen érige les Blancs en dieux. En France, comme ailleurs en Europe, la tendance est la même. (4)
En entonnant la trompette de l'«identité nationale», écrit Philippe Bernard, Nicolas Sarkozy amorce un tournant stratégique limpide: séduire les électeurs de l'extrême droite. Pour l'histoire, dès 1880, les Belges, parmi les premiers migrants, étaient traités de «vermines». Dans l'entre-deux-guerres, «ritals» et «polaks» ont longtemps été considérés comme «inassimilables» tandis que juifs et Arméniens étaient accusés d'»abâtardir la race». (...) Dans cette logique, les Européens du Nord sont les mieux notés, à l'opposé des Africains du Nord, relégués pour cause d'»incompatibilité entre l'islam et la civilisation européenne''». (5)
La part occultée de l'identité: l'ascendance arabe de Français de certaines régions de France
C'est un fait, les musulmans étaient en France bien avant le XIXe siècle avec l'arrivée massive des Italiens, Portugais et des pays de l'Est. Pour l ́islamologue Sadek Sellam, contrairement à ce que l ́on affirme, l ́installation des musulmans en France ne date pas du XXe siècle, au contraire, elle serait séculaire, ne traitant que la période du Moyen âge et la Renaissance il écrit: «La France avait une relation pluriséculaire avec l ́Islam quand elle passa des rapports interétatiques à des contacts directs avec les musulmans. Ce passage eut lieu juste après la mise en application de l ́Alliance conclue entre François 1er et Soliman le Magnifique en 1535. En vertu de cet accord, une flotte venue d ́Alger débarqua en 1543 à Toulon où des milliers de marins séjournèrent près d ́un an pour dissuader les souverains chrétiens coalisés contre la France»... Quand eurent lieu les expulsions des Morisques, ces musulmans restés en Espagne après la chute de Grenade en 1492, Henri IV autorisa l ́accueil d ́une partie d ́entre eux. Henri IV songeait à recruter parmi eux en vue d ́une expédition en Espagne. Puis il laissa une partie de ces exilés riches et instruits s ́établir en France où ils introduisirent la céramique et le ver à soie...Le nombre de Morisques restés en France est évalué à plusieurs dizaines de milliers entre 70 000 et 150 000. Certains sont restés visibles jusqu ́à la Première Guerre mondiale. Ces anciens musulmans devinrent pour la plupart protestants et certains catholiques. Installés principalement dans le sud de la France. Ils prirent des noms qui rappellent leurs origines maures (Maurin, Morand...)» (6)
Cette part occultée, pour ne pas dire vue comme honteuse, est celle de l'ascendance arabe des Français de quelques régions du sud de la France. Nous donnons la parole à trois auteurs qui témoignent de cela comme étant un fait établi et une richesse pour la France. Pour Elisée Reclus: «Les Normands scandinaves, venus par mer sur le littoral de la Manche, sur les bords de la Seine et dans quelques districts intérieurs de la contrée à laquelle ils ont donné leur nom, exercèrent aussi par leurs croisements une influence évidente sur le type des habitants de la Neustrie. Au midi de la France, ce sont d'autres «rois de la mer», et de race tout à fait étrangère, qui eurent la plus forte part au mélange du sang. Les Sarrasins gardèrent longtemps sur les côtes de la Provence, à la Garde-Freinet, un solide point d'appui et de là purent faire des incursions dans une partie de la France. Au viiie siècle, lors de l'invasion des Berbères dit Arabes, ceux-ci avaient pénétré jusque dans la vallée de la Loire: on parle même de leur venue dans la région orientale de la France, à Luxeuil, dans les Vosges et devant Metz. [...] En maints endroits de la France on signale des colonies de Sarrasins. Les observations des anthropologistes ne permettent pas de douter que nombre de familles françaises dans les bassins de la Garonne et du Rhône ne soient issus des Arabes et les noirs d'Afrique.» (7)
Pour sa part, le docteur Gustave Le Bon parle de l'assimilation heureuse avec le temps: «[...] Souvent alliés aux seigneurs chrétiens toujours en guerre, ils finirent sur beaucoup de points par se confondre avec les habitants. L'ethnologie nous en fournit la preuve, en retrouvant, après tant de siècles, des descendants des Arabes sur plusieurs parties de notre sol. Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn.» (8) Enfin, l'historien Jules Michelet, justement l'un des architectes de l'identité et de l'inclusion de Jeanne d'Arc dans l'histoire de France, va plus loin: «Les sciences, applicables aux besoins matériels, médecine et mathématiques, étaient l'étude commune aux hommes des trois religions. Montpellier était plus liée avec Salerne et Cordoue qu'avec Rome. [...] Ces nobles du Midi étaient des gens d'esprit qui savaient bien la plupart que penser de leur noblesse. Il n'y en avait guère qui, en remontant un peu, ne rencontrassent dans leur généalogie quelque grand-mère sarrasine ou juive. Nous avons déjà vu qu'Eudes, l'ancien duc d'Aquitaine, l'adversaire de Charles Martel, avait donné sa fille à un émir sarrasin. Dans les romans carolingiens, les chevaliers chrétiens épousent sans scrupule leur belle libératrice, la fille du sultan.» (9)
Maintenant que l'archéologie et l'ADN ont parlé, il serait intéressant pour conclure d'analyser l'ADN des Français du Sud parmi les plus virulents. Ils auront alors peut être la surprise de leur vie et peut-être deviendront-ils plus tolérants.
1.http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2016/02/25/des-tombes-musulmanes-du-haut-moyen-age-decouvertes-a-nimes/
2. Présence sarrasine au Nord des Pyrénées: Encyclopédie Wikipédia.
3. Les Français de souche: Encyclopédie Wikipédia
9.Français de souche: Encyclopédie Libre Wikipédia
4.Chems Eddine Chitour: http://www.legrandsoir.info/Comment-etre-Francais-au-XXIe-siecle.html
5.Philippe Bernard: Nicolas Sarkozy et l'identité nationale, Le Monde du 19 mars 2007
6..Sadek Sellam: La France et ses musulmans. 1895-2005 Fayard.
7..Elisée Reclus: Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, éd. Hachette, 1881, t. 2, chap. 1 -Vue d'ensemble - Le milieu et la race, Ancêtres de Français
8.Gustave Le Bon: La Civilisation des Arabes (1884),, éd. La Fontaine au Roy, 1990
9.Jules Michelet: Histoire de France, éd. Chamerot, 1861, t. 2, p. 335


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