Al Jazeera America mettra la clé sous le paillasson dans les toutes prochaines semaines Il est difficile de dédouaner cette chaîne croupion des puissances occidentales de ses accointances avec l'islamisme radical. Ne dit-on pas que le destin est un grand metteur en scène? Al Jazeera qui a longtemps «chanté» les vertus du printemps ayant entraîné la chute des dictatures arabes, subit une bérézina durant la même saison. La chaîne qatarie a annoncé hier, le licenciement de 500 employés qui s'ajouteront aux 700 autres quand Al Jazeera America mettra la clé sous le paillasson dans les toutes prochaines semaines. Selon un responsable d'Al Jazeera, 60% des licenciements, soit 300 emplois, pourraient concerner le personnel basé au siège de Doha. Au total, la chaîne aura licencié 1200 employés, un véritable cataclysme pour l'un des plus puissants canaux médiatiques dans le Monde arabe, il y a de cela quelques années. C'est dans ces conditions que cette chaîne fêtera cette année ses 20 années d'existence. 20 ans, un âge où l'on joue avec les idées, on se moque du sérieux du monde et on s'enflamme pour des rêves. Mais quand on entend les déclarations du directeur général par intérim d'Al Jazeera, Mustapha Souag, cest plutôt le début d'un cauchemar. Au creux de la vague, M.Souag peine à rassurer quand il soutient que les suppressions d'emplois étaient destinées à «optimiser» la productivité et à «faire évoluer le travail (de la chaîne) afin qu'elle conserve une position de leader». La décision a été «difficile à prendre», finit-il par admettre. Cette descente aux enfers qui intervient dans un paysage médiatique mondial et en pleine mutation, coïncide avec au moins trois événements capitaux qui nous amènent à conclure que pour cette chaîne il s'agit bien de la fin d'une époque. Le premier est d'ordre sécuritaire: c'est le déclin subit de l'organisation terroriste Al Qaîda, de même que Daesh donne des signes d'essoufflement sous l'effet des bombardements de l'aviation russe et des alliés. Si le nom d'Al Jazeera a été forgé par référence à «Al Jazeera Al Arabia», il est intimement lié à Al Qaîda, une organisation terroriste qui a trouvé une large médiatisation dans cette chaîne. Le déclin de l'une semble entraîner l'autre. Le deuxième événement concerne le printemps arabe. Il est difficile aujourd'hui de dédouaner cette chaîne devenue le croupion des puissances occidentales dans les malheurs et les conséquences de ce qui arrive aux peuples arabes. Dénonçant cette impartialité, de nombreux journalistes se sont soulevés à l'intérieur même de la chaîne qui a connu une cascade de démissions. Al Jazeera a joué un rôle prépondérant lors des révoltes arabes par sa flagrante partialité, observée dans sa couverture des événements. Une couverture des événements qui a fait voler en éclats toute sa crédibilité auprès d'un audimat conquis au bout d'un matraquage médiatique et à coups de millions de pétrodollars.. On se rappelle les prêches incendiaires lancés par Al Qaradaoui, l'imam attitré de cette chaîne allant jusqu'à émettre des fetwas condamnant les dirigeants arabes, légiférant sur leur mort. Les printemps arabes dans leur majorité ont ouvert la voie aux islamistes qui se sont fait des Parlements et même des gouvernements comme cela a été le cas en Egypte sous Mohamed Morsi. Ces iambiques ont trouvé un large écho à leur propagande chez Al Jazeera. En réalité, cette accointance avec l'islamisme remonte à plus loin. L'Algérie, isolée, mise sous embargo alors qu'elle luttait seule contre le terrorisme, a subi les foudres de cette chaîne qui n'a pas hésité à faire l'éloge des maquis islamistes. Enfin le troisième est strictement économique puisque cette réduction d'effectifs coïncide avec la chute des prix du baril, qui grève sérieusement le budget de fonctionnement d'Al Jazeera. L'Emirat du Qatar prévoit un déficit budgétaire de plus de 12 milliards de dollars en 2016, le premier en 15 ans. La convergence de ces trois événements a fait qu'Al- Jazeera fondée il y a près de 20 ans par le gouvernement du Qatar, voit son audimat se réduire comme une peau de chagrin. Cependant, il faut admettre qu'Al Jazeera a constitué pour le minuscule Emirat du Qatar une force de frappe médiatique dissuasive. Le Qatar avait bien marqué son territoire aux plans politique, énergétique et diplomatique grâce à cette chaîne.