Pour beaucoup de juristes, n'est-il pas temps de décriminaliser le «délit» d'émission de chèques sans provision, article de loi assimilé à l'...escroquerie SVP? Belkharchi, le président de la chambre correctionnelle, et Fazia Aït-Mesbah, sa conseillère principale, étaient visiblement heureux ce mercredi d'en finir avec ce conflit d'émission de chèques sans provision dont le montant avoisine les trois cent cinquante millions de centimes. L'article 374 du code pénal est ici, la munition principale. Heureux les juges car ce dossier a connu six renvois entre le 5 mai 2004 et la mi-août 2004. L'unique cause de ces reports avait été l'absence de la victime, elle-même en détention préventive à Oran. Abdelkader Aïchoune, le prévenu, croupit en taule car l'affaire remonte au mois de février 2003. Le hic, si Med Taïb, la victime assure qu'il a reçu le chèque le 29/11/2003 des mains d'Abdelkader, ce dernier nie fermement et va plus loin : il parle du vol de ce chèque. D'ailleurs, une plainte avait été déposée devant la PJ de la GN des Eucalyptus. Le 21 février 2003 et une seconde par devant le juge d'instruction du tribunal d'El-Harrach (cour d'Alger). Plus tard, durant sa percutante plaidoirie, Me Djediat s'attardera sur le faux relevé dudit chèque: «La banque nous a adressé une lettre expliquant que la signature constatée sur le chèque n'est pas conforme au spécimen des signatures de Aïchoune», a lancé le défenseur qui avait pris soin d'arborer une photocopie du chèque qui ne contient pas une seule fausse signature, mais trois SVP. Puis le conseil évoquera avec beaucoup de maîtrise le fait que dans sa correspondance, la banque ne dit pas «sans provision» mais utilise un autre concept: «dépassement non autorisé». «C'est une nuance et les spécialistes et autres financiers peuvent témoigner qu'il ne peut y avoir d'absence de provision», a encore articulé l'avocat qui avait tiqué lorsque Ali Hadji, le représentant du ministère public, avait réclamé la très lourde peine de «quatre ans» de prison ferme alors qu'au niveau de la première instance, sa jeune collègue Aïcha Bellil en avait réclamé trois et le verdict avait été de deux! Avant les demandes du parquetier, la jeune avocate de la partie civile s'est contentée de réclamer la somme et les dommages et intérêts inhérents à cette histoire qui a fait perdre beaucoup de temps à tous! Après s'être interrogé sur la présence de son client devant la composition de la chambre pénale, le défenseur a décortiqué quelques termes de l'article 374 qui prévoit et punit l'auteur de ce délit: «Monsieur le président, si l'alinéa un de cet article dispose que» est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende qui ne saurait être inférieure au montant du chèque ou de l'insuffisance (l'avocat s'excuse juste après de ne citer que l'alinéa un en vue de gagner du temps) «quiconque, de mauvaise foi, émet un chèque sans provision préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque ou retire, après l'émission, tout ou partie de la provision, ou fait défense au tiré de payer...». Belkharchi joue la tolérance. Il écoute tout en jetant un regard furtif sur l'immense pile de dossiers à traiter. Puis l'avocat jette haut et fort que son mandant n'a ni émis, ni remis, ni signé un quelconque chèque. «Il n'y a aucune relation commerciale entre les deux parties», ajoute Me Djediat qui parle d'une somme fictive exigée, qui demande la relaxe de son client ou à défaut la suspension de l'action pénale jusqu'à l'éclaircissement de la plainte du prévenu sur le vol du chèque. Le juge ramène la peine de prison ferme de deux à un an. Le détenu fait la moue.