Le film qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a poussé l'ex-ministre de la Culture Nadia Labidi à la démission a été enfin projeté avant-hier à Alger, devant un parterre important d'artistes et de journalistes. «Le Patio», le film qui fait partie de la série des longs métrages de la manifestation «Constantine, capitale arabe 2015» et qui a été inspiré et réalisé par Sid Ali Mazif, a été enfin livré à la presse et aux admirateurs du 7e art. A mi-chemin entre «La Maison de Bernarda Alba» et «Dar Sbitar» de Mustapha Badie, «le Patio» nous plonge au coeur d'une grande maison au style mauresque, un groupe de femmes vit dans une joyeuse et étonnante cohabitation conduite par Tata Louisa (bien interprétée par Louisa Habani, qui gagne en maturité artistique avec l'âge) et trois jeunes filles à la limite du célibat. Même si le sujet a été à maintes reprises rabâché, on a l'impression que c'est une suite dans le temps du film déjà réalisé par Sid Ali Mazif, «Leila et les autres». Malgré le temps, le thème n'a pas pris une ride. Beaucoup de plans sont des références au film «Leïla et les autres»: la visite des femmes au cimetière, la khotba avec la belle-mère qui touche le corps de la fille pour savoir si elle n'est pas maigre, mais la scène qui a été actualisée c'est la gérante de l'agence matrimoniale, qui s'est déplacée du hammam et du cimetière à la mosquée. Il est clair que Sid Ali Mazif, qui a toujours milité, à travers ses films, pour l'amélioration de la condition féminine à travers des films documentaires comme «J'existe» (1981), «la violence contre les femmes» (2005), «la cause des femmes» (2005), «Nana Taos» (2006), ou encore le film «Houria», réalisé en 1988 et qui signe l'entrée des femmes voilées dans le cinéma algérien, a voulu à travers «Le Patio» nous donner une leçon de vivacité et de diversité de la femme algérienne à travers le portrait de quatre femmes aux regards totalement opposés: Il y a Louisa, la gardienne du temple et des valeurs, Fatma, la conservatrice bien joué par Tin-Hinane, la révoltée Farida (Mouni Boualam dans son meilleur rôle), Lilya, qui respire la jeunesse à travers (Manel Gougam en princesse éplorée), l'avenir et l'innocence à travers Rym (Wissem Meghanem la révélation du film) et Aïcha, qui est joué par Noura Benzerari, qui a tenu à la hauteur son rôle de femme soumise et serviable. Tout ce beau monde a été filmé avec une grande maîtrise artistique par le jeune directeur photo Mohammed Tayeb Laggoune et un décor tombé des merveilles du ciel soigneusement mis en place par Ramdane Kacer. On reproche au réalisateur d'avoir trop filmé du ciel, Constantine, abusant des techniques visuelles du drone. Néanmoins, ce matériel a offert des plans magnifiques, notamment celui de Fatma qui avait des envies de suicide sur le pont de Sidi Mcid. «Le Patio» est un film important pour la filmographie algérienne, car il nous renseigne sur la société algérienne et plus particulièrement sur la condition des femmes. L'homme est quasiment absent de cette vision de Mazif où le fantôme de la raison l'a emporté sur la lueur du coeur. La présentation du «Patio» à la salle el Mouggar a été néanmoins teintée par des mauvaises élucubrations d'une présentatrice en panne d'inspiration qui a pris le métier de présenter un film pour du stand up. Ecorcher le nom du directeur de la cinémathèque Lyès Semiane et oublier de citer les principaux producteurs du film, le Cadc et surtout Mourad Chouihi, le chef de département du cinéma pour «Constantine 2015», lui fait perdre toute crédibilité et surtout offre une image patente de notre culture cinématographique. [email protected]