Les enquêtes ouvertes par la chancellerie sont une preuve de plus que l'Algérie des «intouchables» est bel et bien révolue. Tabou après tabou, l'Algérie avance désormais à grands pas vers l'instauration d'un Etat de droit effectif. Au lendemain des déclarations fracassantes, et combien réconfortantes, du directeur général de la Sûreté nationale, c'est au tour du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, de venir jeter un véritable pavé dans la mare. Profitant d'une visite au Conseil d'Etat, et sans crier gare, ce haut responsable a déclaré tout de go que «le dossier de la spéculation et du trafic des terres agricoles sera ouvert par la justice qui rendra son verdict à l'encontre de tous ceux qui ont été impliqués dans des malversations». Un véritable pavé dans la mare est ainsi jeté pour qui voit, à l'oeil nu, les terribles ravages causés, notamment, à l'ancienne verdoyante plaine de la Mitidja. Au vu des «châteaux» qui y ont été érigés, il est loisible d'en conclure que ce n'est pas le petit citoyen qui en a profité. Les dizaines d'enquêtes publiées par la presse durant les années passées prouvent, si besoin en était, que ce sont de gros pontes, jouissant de passe-droits exercés à différents niveaux et institutions, qui ont profité de ces «largesses» parfaitement illégales au regard des lois de la République. Cela se passait le plus souvent avec la complicité, en aval, de certains anciens DEC (Délégation exécutive communale) qui, sous prétexte de prise de risques et de sauvetage de la République, se permettaient précisément de fouler aux pieds de nombreuses lois de cette même République. Le secrétaire général de l'Unpa (Union nationale des paysans algériens), Mohamed Alioui, avait déjà tiré la sonnette d'alarme depuis de nombreuses années sans que personne ne daignât en tirer les conséquences nécessaires avant ce jour. Alioui disait en effet qu'«une moyenne de 8 à 9 hectares de terres arables sont quotidiennement détournés de leur vocation agricole» pour subir l'assaut irrémédiable du béton, de la spéculation foncière et des commerces qui fleurissent comme autant de champignons vénéneux. Toujours est-il que depuis que les pouvoirs publics font la sourde oreille face à ce véritable fléau national, qui n'a fait que croître et s'aggraver; le seul qui avait eu le courage de le prendre à bras-le-corps, il y a de cela plus d'un dizaine d'années, étant un certain Mouloud Hamrouche. Cette fois-ci, il faut le croire et l'espérer, un grand coup de balai est à attendre, qui viendra aussi bien mettre un terme à ce gâchis que punir ceux qui s'en sont rendu coupables afin que cela ne se reproduise plus et que la notion d'Etat de droit prenne son plein sens dans notre pays. C'est du moins ce qui ressort en substance des très importantes déclarations faites en ce sens par M. Belaïz. Il a en effet souligné que «le dossier de la spéculation et du trafic des terres agricoles, à l'instar de toutes les autres affaires jugées délicates, sera ouvert et instruit par la justice en toute liberté». Il a ajouté que la justice «entamera son travail, à ce propos, en ouvrant une instruction sur la spéculation autour des terres agricoles situées à Bouchaoui (Staouéli) qui ont été détournées de leur vocation agricole et fera toute la lumière sur ceux qui en ont bénéficié». Il a conclu que «tous ceux qui ont été impliqués dans ce dossier et se sont enrichis suite aux malversations concernant cette affaire répondront de leurs actes devant la justice». Cela, non sans préciser que «les terres seront rendues à leur propriétaire légal : le peuple». Une source crédible au ministère de la Justice, très au fait de ce dossier, souligne que «le fait même que ce soit Bouchaoui qui ait été choisi en premier constitue une preuve suffisante que les pouvoirs publics ont l'intention d'aller jusqu'au bout dans ce dossier puisque ce sont les plus puissants qui se sont servis dans cette région». La même source, se contentant de citer le cas de la capitale, soulignera en effet, les affaires liées, notamment aux terres agricoles saccagées à Birkhadem, El-Achour, Zéralda et Bordj El-Bahri. Les autres wilayas du pays, où les ravages ne sont pas moindres, feront sans doute l'objet d'ouverture d'instructions judiciaires similaires, dans lesquelles seront également inclus les espaces forestiers. C'est ce que nous apprennent les mêmes sources. Déjà, des commissions locales d'assainissement des listes sont ouvertes partout dans le pays, ce qui ne laisse pas de faire grincer pas mal de dents. A simple titre d'exemple, nous apprenons que la commission d'assainissement des listes des bénéficiaires de terres agricoles de la wilaya d'El Tarf, engagée dans le cadre des concessions par la mise en valeur, a transmis des mises en demeure aux bénéficiaires n'ayant pas encore entamé le travail de leurs terres, a-t-on appris auprès de la Direction des services agricoles (DSA) de la wilaya. «Plusieurs bénéficiaires ont laissé les terres dont ils ont bénéficié en jachère», a indiqué la même source, ajoutant que «cette pratique est menée au détriment des jeunes fellahs postulant au travail de la terre». A ce titre, «les pouvoirs publics par le biais de cette commission sont intervenus pour mettre un terme à une situation qui n'a que trop duré», a souligné dans ce sens le directeur des services agricoles. Il a fait savoir, sur sa lancée, que «les bénéficiaires doivent répondre aux mises en demeure et s'expliquer devant cette commission, et le cas échéant, ils seront déchus de leur droit de jouissance et les terres seront de nouveau attribuées aux jeunes chômeurs, notamment». Il est à rappeler que ces mesures, que l'on peut qualifier de «révolutionnaires», interviennent juste au lendemain d'annonces tout aussi importantes faites par le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, à propos des faux rapports établis par des policiers incompétents ou malintentionnés dans le but de briser la carrière de certains des meilleurs cadres algériens.