Des hommes puissants, jusque-là intouchables, sont susceptibles de poursuites et même de mise en détention sans qu'il soit question d'un quelconque règlement de compte. L'ère de l'impunité est désormais révolue. Idem pour les commissions d'enquête mises en place pour « étouffer » les affaires gênantes. Les assurances ont été données par les plus hautes autorités du pays concernant l'instauration d'un Etat de droit effectif, à peine deux mois après le terrible drame du port d'Alger, qui a causé le naufrage du Béchar et l'échouage du Batna, faisant plusieurs victimes parmi les marins. Négligence, incompétence, ignorance, de nombreuses sonnettes d'alarme tirées par le personnel navigant depuis des années, mauvaise gestion... Ce sont là quelques éléments, parmi d'autres, qui se trouvent derrière ce véritable drame, doublé d'homicide involontaire et d'atteinte au pavillon national. La commission d'enquête semble avoir avancé très vite, permettant à la justice de se saisir des éléments techniques qui lui ont permis d'auditionner, durant les quelques jours passés, de nombreux hauts responsables dont les P-DG de la Sntm-Cnan et de l'Epal (entreprise du port d'Alger). En tout, pas moins de quarante personnes, dont l'identité et la fonction ne sont pas toutes précisées, ont été remises en liberté provisoire. Dans un premier temps, cela a abouti à la mise en détention de cinq hauts cadres de la Cnan, dont le P-DG ainsi que le commandant de bord du navire pour ne pas avoir appliqué les consignes en de pareils cas, préférant abandonner son équipage dont le dernier SOS, tombé aux environs de 18 heures, durant cette fatidique soirée, veille de l'Aïd, était assez éloquent. L'enquête, confiée au groupement de gendarmerie d'Alger, se déroule sans le moindre accroc comme le souligne le commandant Abdelkader Aliouia à nos confrères de l'APS. Il confirme au passage l'ensemble des informations qui avaient filtré à propos de ce véritable «coup de filet» très tôt dans la matinée d'hier puisque les mises en détention avaient été ordonnées quelques heures auparavant, à l'aube, après des auditions auprès du magistrat instructeur et le procureur de la République près le tribunal d'Alger, lesquelles ont duré un temps relativement important. La gendarmerie, apprend-on, a «bouclé» son enquête il y a de cela quelques jours, avant de transmettre le dossier à la juridiction territorialement compétente. Non seulement, aucune pression n'a eu lieu pour tenter de stopper la machine mais en plus, la justice a progressé dans son instruction aussi vite et aussi bien que l'exigent les lois universelles, usitées de par le monde. Les cadres de la Cnan, avec lesquels nous avons pris langue hier, évitent soigneusement de verser dans la fronde initiée, sans grand succès, par le syndicat de l'Ugta qui parle, lui, de stupeur et de mouvement de protestation spontané initié par les travailleurs. Pour eux, en effet, «le doute n'est pas permis sur les dangers, maintes fois signalés aux plus hautes autorités du pays, et encourus par l'entreprise du fait de nombreux problèmes, objectifs ou pas, que la direction de l'entreprise n'a rien fait pour régler». Il convient, ce-disant, comme le soulignent des sources judiciaires, «de se garder soigneusement de l'excès». Il est donc nullement question de condamner une quelconque personne avant que l'instruction ne soit achevée et que le procès ne se soit déroulé. C'est le meilleur moyen, en effet, de conforter l'Etat de droit en Algérie, lequel stipule que même si personne ne doit se situer au dessus des lois de la République, elle n'en est pas moins considérée innocente jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité soit établie.