C'est le résultat d'une longue enquête journalistique La déferlante des printemps arabes qui allait connaître son épilogue en Syrie a buté sur la digue russe et tous les plans seraient remis en cause. Toutes les cartes mondiales sont alors rebattues y compris la carte du crime financier. Onde de choc mondiale. L'opération «Panama Papers», résultat d'une gigantesque investigation jamais réalisée dans l'histoire de la presse et impliquant des centaines de personnalités de très haut rang dont des rois, des présidents, des ministres et des stars, laisse pantois. Ce vaste scandale d'évasion fiscale dont les données ont été obtenues par le journal allemand Süddeutsche Zeitung grâce à une source anonyme impressionne en effet. Il y a d'abord, les chiffres qui donnent le tournis. En tout, 128 responsables politiques et hauts responsables (magistrats, président de banque centrale, ministres, députés...), dûment identifiés par les journalistes du consortium, constituent la clientèle hétéroclite de Mossack Fonseca, un cabinet d'avocats panaméen. Il y a ensuite, les noms qui intriguent, qui surtout, appellent à des interrogations. Relevons au passage qu'aucun Américain ne figure dans cette liste, du moins pour le moment. Sur le catalogue, il y a les rois du Golfe, des chefs d'Etat, mais ce sont surtout les 61 personnalités proches de dirigeants mondiaux, comme Sergueï Roldouguine, ami intime de Vladimir Poutine, ou encore Rami Makhlouf, cousin et grand argentier de Bachar al-Assad. Et voilà le morceau craché avec ces deux noms associés à des trouble-fêtes que sont le président russe Vladimir Poutine et son homologue syrien Bachar al Assad. Ce qui nous amène à ces interrogations légitimes: pourquoi maintenant? Quelque chose a-t-il changé dans le monde? Que nous préparent les architectes de la mise en scène internationale? Ces derniers semblent sérieusement contrariés par une incursion impromptue de la Russie dans la crise syrienne. De l'avis des observateurs, le conflit en Syrie devait être la phase finale d'une large reconfiguration géostratégique. La déferlante des printemps arabes qui allait connaître son épilogue en Syrie a buté sur la digue russe et tous les plans seraient remis en cause. Toutes les cartes mondiales sont alors rebattues y compris la carte du crime financier. Il est certes, trop tôt pour faire un bilan de ce qui pourrait devenir un feuilleton inédit et de longue durée durant tout le printemps, mais il rappelle curieusement des scandales similaires révélés par WikiLeaks. Ce site a publié plusieurs millions de documents relatifs à des scandales de corruption, d'espionnage et de violation de droits de l'homme concernant particulièrement les pays arabes. Ces publications coïncidaient étrangement avec les révoltes arabes de 2010. De ce fait, les «Panama papers» annoncent-ils une seconde phase de ces révolutions inachevées? Une nouvelle reconfiguration de la planète? WikiLeaks coïncidait avec les révoltes arabes, l'apogée d'Al Qaîda et la fulgurance d'un puissant relais médiatique qu'était la chaîne qatarie Al Jazeera. Les «Panama papers» s'annoncent avec les mêmes, mais dans un contexte mondial totalement différent: la fin des révoltes arabes avec l'échec du plan anti-syrien, la faillite de Daesh, et, élément accessoire, le déclin de la chaîne Al Jazeera. Cette chaîne de télévision a facilité la propagation de l'incendie, de Tunis au Caire, et d'Amman à Sanaa, en passant par Alger. et enfin, comme à l'époque du charbon, nous passons de l'ère du pétrole à celle des énergies renouvelables, une transition qui ne pourra se faire sans dégâts collatéraux. Et de ce point de vue, cette affaire constitue une dangereuse faille au-delà des personnes citées dont le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb (lire la précision de son entreprise). La plus dangereuse de ces failles, c'est le soupçon. On pourra toujours continuer à s'offusquer du complotisme ambiant, déplorer le rejet des élites et la montée des populismes: rien ne sera crédible. Avis aux amateurs à qui s'offre une belle opportunité pour «capitaliser», ce sentiment d'injustice pour accentuer le soupçon, nourrir la rebellion envers les Etats et exacerber le populisme. On ne sait jamais pourquoi les révolutions éclatent à tel moment plutôt qu'à tel autre. Mais ce sont les conditions qui se préparent. Du reste, cette affaire constitue un vrai tournant dans l'histoire de la presse et qui s'annonce comme un nouveau procédé de l'investigation journalistique à l'ère du big data.