Douze chefs d'Etat et de gouver-nement, 128 responsables po-litiques et hauts responsables, du monde entier, une soixantaine de proches des dirigeants mondiaux ont été cités dans le scandale dit «Panama Papers» d'évasion fiscale, via des sociétés offshore, particulièrement au Panama. Parmi les personnalités figure le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, cité dans la liste rendue publique après une enquête sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux menée, durant une année, par le «International consortium of investigative journalists» (ICIJ) en partenariat avec 107 médias, 378 journalistes, dans 77 pays du monde. Les 11,5 millions de fichiers consultés proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Selon des documents consultés par le quotidien français, «Le Monde», le ministre algérien a détenu une société établie au Panama, la «Royal Arrival Corp» (RAC), créée en avril 2015, à travers la société de domiciliation d'entreprises offshore Mossack Fonseca. Dans un courriel adressé, le 6 avril 2015, au bureau luxembourgeois de Mossack Fonseca, le Français Guy Feite, fondé de pouvoir de Royal Arrival Corp', confirmait que le bénéficiaire effectif de la société était bien le ministre en fonction, depuis avril 2014, et tentait de rassurer quant à cette «personnalité politiquement exposée». M. Feite, agent de change qui avait été mis en examen, dans les années 1980, à Metz, pour une vaste escroquerie de petits porteurs, explique dans son mail que «M. Bouchouareb s'est constitué un patrimoine, en étant industriel et il n'a pas besoin de la politique pour vivre». Guy Feite de préciser, encore, la raison d'être de RAC qui gère «un portefeuille de valeurs immobilières détenu, actuellement, à titre personnel, d'un montant de 700.000 euros, cantonné depuis ses prises de fonctions politiques et transféré de la BIL [Banque internationale à Luxembourg] vers NBAD Genève [National Bank of Abu Dhabi, dont la filiale suisse, sise à Genève, est spécialisée dans la gestion de fortune et le financement du négoce», peut-on, encore, apprendre. Selon les fichiers consultés par «Le Monde», le ministre est passé par une société établie au Luxembourg, Compagnie d'étude et de conseil (CEC), pour gérer RAC, qui se montre plus précise sur les ambitions de cette dernière : représentation commerciale, négociation et obtention de contrats, travaux publics, transport ferroviaire et maritime, en Turquie, Grande-Bretagne et Algérie. Contactée par l'ICIJ, la CEC se défend et indique que toute l'opération «a été faite en toute transparence». La CEC affirme avoir décidé, avec l'accord de Bouchouareb, de suspendre toute utilisation de la société et de surseoir à l'ouverture du compte bancaire, à la NBAD de Genève. «M. Bouchouareb nous a demandé de geler cette société, le temps de son mandat», précisera la compagnie luxembourgeoise. Les révélations du scandale «Panama Papers» sont le fruit de «la fuite de données, la plus massive de l'histoire du journalisme», rendue possible par une source anonyme qui s'est adressée au quotidien munichois «Süddeutsche Zeitung», qui a, ensuite, contacté l'ICIJ, afin de procéder à l'analyse des quelque 11,5 millions de documents fournis. En point de mire des enquêteurs, Mossack Fonseca, un cabinet d'avocats spécialisés dans le montage de sociétés offshore, issu du rapprochement des bureaux Fonseca et Mossack, en 1986. Fort de 500 employés et collaborateurs répartis dans une quarantaine de bureaux, à travers le monde, la société a déjà été impliquée, dans de nombreux scandales, de nature fiscale. Elle est, notamment, citée dans le tentaculaire scandale Petrobras, au Brésil où le nom de l'ancien président Lula a été cité. Mossack Fonseca balaie toutes les accusations dont il fait l'objet d'un revers de main. Dans une longue réponse envoyée au «Guardian» qui l'interrogeait sur ses activités, le bureau précise fournir à ses clients «des services administratifs largement disponibles et communément utilisés dans le monde». Il rappelle qu'il est «légal et habituel» pour des entreprises d'établir des «entités commerciales, dans différentes juridictions pour une variété de raisons légitimes». La société se défend, également, de toute pratique frauduleuse «évasion fiscale, du blanchiment d'argent, du financement terroriste ou d'autres objectifs illicites». Le cabinet a condamné, hier, les révélations de la presse, les qualifiant tout simplement de «crimes» et d'«attaques» contre le Panama, selon son directeur Ramon Fonseca Mora. Rappelons que parmi les personnalités citées, dans cette affaire, on retrouve, pêle-mêle, le président russe, Vladimir Poutine, le réalisateur espagnol Pedro Almodovar, Jérôme Cahuzac, l'ancien ministre français du Budget, Michel Platini, Lionel Messi, Jackie Chan, Patrick Balkany, un député français, et Patrick Drahi, l'homme d'affaires franco-israélien, propriétaire notamment de SFR, l'ancien ministre angolais du Pétrole, l'ex gouverneur de l'Etat pétrolier du Delta du Niger, Jaynet Kabila, la sœur jumelle de Joseph Kabila, Emmanuel Ndahiro, général rwandais, le fils de Kofi Annan, Kojo ainsi que d'autres personnalités de la politique, du sport et du show-business