Dans une visite sans précédent, le secrétaire d'Etat américain est le plus haut responsable gouvernemental des Etats-Unis à s'être jamais rendu à Hiroshima. Les chefs de la diplomatie des pays du G7 ont entamé hier une réunion de deux jours à Hiroshima, dont l'ordre du jour était éclipsé par la visite sans précédent de John Kerry dans cette ville victime du premier bombardement atomique de l'Histoire. Le secrétaire d'Etat américain est le plus haut responsable gouvernemental des Etats-Unis à s'être jamais rendu à Hiroshima. Eludant en ce premier jour un sujet ultra-sensible, il a évoqué «un programme chargé» dans un tweet, citant la Syrie, les jihadistes de l'Etat islamique (EI), les dossiers asiatiques régionaux et les menaces globales. Placée sous haute sécurité, cette réunion du G7, prélude à une série de rendez-vous ministériels avant le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement fin mai, doit aborder «la question du terrorisme, et toutes les situations de crise, la Syrie, la Libye et puis la menace de la Corée du Nord», a dit le ministre français Jean-Marc Ayrault. Un autre grand thème, cher à Tokyo, est au programme: la sécurité maritime, avec en filigrane la volonté de contrecarrer les ambitions territoriales de Pékin en mer de Chine. Mais en choisissant d'accueillir ses hôtes à Hiroshima, le Japon, seul pays à avoir été la cible d'attaques atomiques, a aussi souhaité mettre l'accent sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération. «A cette occasion, je veux adresser un message fort pour la paix et un monde sans armes nucléaires», a souligné le ministre nippon Fumio Kishida lors de la cérémonie d'ouverture. Il espère publier, à l'issue de la rencontre aujourd'hui, un document qui resterait dans les annales comme «la déclaration d'Hiroshima». Auparavant, les ministres se rendront dans la matinée au musée du Mémorial pour la paix, avant d'honorer les 140.000 victimes du bombardement américain du 6 août 1945. Tous les regards sont tournés vers Kerry: exprimera-t-il des excuses ou des regrets? Convaincus que les bombardements étaient nécessaires pour pousser le Japon à capituler, les Etats-Unis ne se sont jamais excusés. Le secrétaire d'Etat est resté évasif dans une interview à la presse locale, tout en plaidant pour un «monde sans armes nucléaires». «Oui, les Etats-Unis sont engagés depuis longtemps pour un désarmement nucléaire mondial», a-t-il insisté. Il a rappelé que «le président (Barack) Obama avait promu cet objectif», en allusion à son discours à Prague en avril 2009. Le chef de l'Etat américain pourrait même venir à Hiroshima, à l'occasion de son voyage au Japon pour le sommet. «La question n'est pas de savoir s'il y aura des excuses ou pas», a estimé auprès Sunao Tsuboi, bientôt 91 ans, un hibakusha (survivant de la bombe) qui a été atrocement brûlé dans la fournaise de Hiroshima. «L'important, c'est de ne jamais reproduire cette erreur». Cette visite est aussi une première pour le Royaume-Uni, représenté par Philip Hammond, et la France, les deux autres puissances nucléaires du G7. «C'est un moment très fort», a déclaré M.Ayrault à son arrivée. «C'est un lieu à la fois symbolique et porteur d'ambitions pour l'avenir, (...) vers un monde de paix, de sécurité et de solidarité. On voit le chemin qui est devant nous». Outre les chefs de la diplomatie américaine, britannique et française, M.Kishida a accueilli ses homologues allemand (Frank-Walter Steinmeier), italien (Paolo Gentiloni) et canadien (Stéphane Dion), ainsi que Federica Mogherini pour l'Union européenne. Après des discussions dans un grand hôtel de Hiroshima, les ministres se sont rendus au coucher du soleil dans le sanctuaire marin Itsukushima, lieu sacré du shintoïsme situé sur l'île de Miyajima, avant un dîner de travail sur place.