Grande première dans la désignation du futur secrétaire général de l'ONU avec les auditions de huit candidats Pour la première fois dans l'histoire des Nations unies les prétendants au poste de secrétaire général vont passer à partir de demain à New York des auditions devant l'Assemblée générale pour défendre leur candidature. C'est en quelque sorte à un entretien d'embauche que les huit candidats déjà déclarés - quatre homme et quatre femmes - vont se prêter pendant deux heures chacun. Ils devront exposer leur conception du poste de diplomate en chef et leurs objectifs, et répondre aux questions des 193 pays membres. Ban Ki-moon, l'actuel secrétaire général, quittera son poste à la fin de l'année après deux mandats de cinq ans. «On a décidé collectivement d'ouvrir le jeu», explique l'ambassadeur français François Delattre. «C'est une nouveauté importante et je participerai pour ma part à l'audition de chacun des candidats». Pendant des décennies, la sélection s'est faite essentiellement à huis clos entre les cinq grandes puissances, membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Royaume-uni, Chine, France). Cette fois-ci, l'Assemblée a insisté pour que le processus soit plus transparent, en apparence au moins car le dernier mot reviendra aux cinq Grands. L'Assemblée a donc demandé à chaque candidat de faire acte de candidature par lettre, accompagnée de son CV. Parmi les principaux candidats figurent la directrice de l'Unesco, la Bulgare Irina Bokova, l'ex-Première ministre de Nouvelle-Zélande Helen Clark, qui dirige le Programme des Nations unies pour le développement, et l'ancien Haut commissaire de l'ONU aux réfugiés, le Portugais Antonio Guterres. La course reste très ouverte, d'autant que des diplomates s'attendent à ce que d'autres candidats émergent dans les mois à venir, y compris des poids lourds qui attendent le moment propice. Les noms de la Commissaire européenne Kristalina Georgieva, une autre Bulgare, et de la ministre argentine des affaires étrangères Susana Malcorra, ex-cheffe de cabinet de Ban Ki-moon, sont souvent évoqués. Le processus de sélection commencera véritablement en juillet entre les 15 membres du Conseil, avec plusieurs tours de scrutin à bulletin secret. En septembre, le Conseil soumettra un seul nom à l'Assemblée pour qu'elle entérine ce choix. Pour l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft, les auditions feront un premier tri. «Si les candidats n'ont pas une vision convaincante, ne communiquent pas de manière efficace ou ne démontrent pas des qualités de dirigeant», dit-il, «il sera plus difficile à des membres du Conseil de les encourager». «On peut avoir des surprises», explique un autre diplomate du Conseil qui préfère rester anonyme. «C'est un peu comme des débats télévisés: on peut avoir quelqu'un qui se révèle ou quelqu'un qui a, a priori, une bonne cote et qui, durant les auditions, s'effondre». Pour l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine, «on verra ce que les gens pensent des différents candidats et il est important que le prochain secrétaire général ait le plus large soutien possible des pays membres» Cinquante-six pays, dont le Japon et l'Allemagne, se sont ralliés à un appel de la Colombie à promouvoir une femme à la tête de l'ONU, après huit hommes. Mais parmi les cinq Grands, seul le Royaume-Uni s'est prononcé clairement en ce sens. La Russie insiste pour que le prochain secrétaire général vienne d'Europe de l'Est, seule région à ne pas avoir encore été représentée à ce poste. Outre la Bulgare Irina Bokova, sont déjà sur les rangs l'ex-président slovène Danilo Türk et quatre chefs de la diplomatie, anciens ou en poste: Vesna Pusic (Croatie), Natalia Gherman (Moldavie), Srgjan Kerim (Macédoine) et Igor Luksic (Monténégro). Cette passation de pouvoirs intervient au moment où l'ONU est confrontée à la plus grave crise de réfugiés de son histoire et à des guerres en Syrie, Yémen et Soudan du Sud. Ses détracteurs jugent l'organisation inadaptée et impuissante à se réformer et la réputation de ses Casques bleus a été ternie par une série de scandales d'abus sexuels en Afrique. Dans ces conditions, certains diplomates réclament une personnalité d'envergure, énergique et éloquente. «Davantage un général qu'un secrétaire», résume l'un d'eux.