L'ONU devrait adopter hier une résolution prévoyant que son prochain patron pourra être une femme et qu'il ou elle passera un entretien d'embauche comme un banal cadre supérieur. Ban Ki-moon, l'actuel secrétaire général de l'ONU, quittera son poste fin 2016 après deux mandats de cinq ans. Selon le projet de résolution, le Conseil de sécurité et l'Assemblée enverront une lettre d'appel à candidatures aux 193 pays membres. Les noms des candidats, hommes ou femmes, seront rendus publics, ainsi que leurs CV, et ils pourront passer un grand oral devant l'Assemblée. «C'est comme si l'ONU était une multinationale à la recherche d'un PDG», explique un diplomate du Conseil. Depuis la création de l'ONU en 1945, la sélection du secrétaire général s'est faite surtout en coulisses, entre les 15 pays membres du Conseil. Celui-ci choisissait un seul candidat et l'Assemblée entérinait. Au sein même du Conseil, ce sont les cinq membres permanents détenteurs du droit de veto (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine) qui ont le plus de poids dans la sélection. Pour avoir les meilleures chances, résument des diplomates, il faut être soutenu par les Etats-Unis, être «russo-compatible» (ce qui exclut par exemple tout candidat balte) et capable de dire quelques mots dans la langue de Molière. En 69 ans, huit hommes se sont succédés à ce poste. Rien ne s'oppose en principe à des candidatures féminines, même si une résolution datant de 1946 faisait référence à «un homme de grande valeur»: choisir une femme était à l'époque impensable. Pour la première fois, l'ONU le dira clairement: selon la résolution, l'Assemblée «invite les pays membres à envisager de présenter des candidates pour ce poste». Mais pas question de discrimination positive: il faudra «désigner le meilleur candidat possible». Cette perle rare devra avoir «fait preuve de leadership et de qualités de gestionnaire, d'une longue expérience dans les relations internationales, d'un grand sens de la diplomatie et de la communication et de talents linguistiques multiples». Nombreux sont ceux qui estiment qu'il est grand temps qu'une femme prenne la tête de l'organisation. Une pétition lancée par la Colombie a déjà réuni une quarantaine de pays. Au Conseil, le Royaume-uni s'est prononcé ouvertement en faveur d'une candidature féminine, à compétences égales. Des noms circulent déjà: l'ex-Première ministre néo-zélandaise Helen Clark, la présidente chilienne Michelle Bachelet, la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova ou la Commissaire européenne Kristalina Georgieva, ces deux dernières Bulgares. Pour l'instant, aucune n'est officiellement sur les rangs et aucune ne fait l'unanimité. La tradition - qui n'est pas une obligation - voudrait que le poste revienne à l'Europe de l'Est après l'Asie (le Sud-coréen Ban Ki-moon) et l'Afrique (le Ghanéen Kofi Annan). Moscou insiste là-dessus et affirme que ce critère doit primer sur la promotion de la femme. «Ce serait magnifique d'avoir une femme mais il ne faut pas limiter nos options», a fait valoir l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine. L'Europe de l'Est «est persuadée que c'est son tour» de diriger la bureaucratie onusienne.