L'attaquant du Real Madrid ne jouera pas finalement l'Euro 2016 En réalité le joueur d'origine algérienne a fait les frais d'un racisme incroyable. D'une vague raciste inouïe et sans pareille en France. Je ne suis pas un mordu de football, mais ceci ne m'empêche pas de regarder les belles rencontres ou, encore moins, d'apprécier le beau jeu et d'aimer voir évoluer les bons joueurs. Je reconnais, comme tout le monde le rare don de Lionel Messi, les capacités extraordinaires de Cristiano Ronaldo et la fougue de Suarez. Je me surprends parfois en train de rêver du terrible jeu de Pelé ou de l'inégalable génie de Maradona. J'apprécie beaucoup moins, cependant, la manière de jouer de Neymar dont je trouve le jeu vicieux et que je regarde comme un faux partenaire sur le terrain. Benzema n'est pas un joueur hors pair, mais il demeure un joueur d'un excellent niveau quand même. C'est pour cela que la décision conjointe de la Fédération française de football et de l'entraîneur de l'équipe nationale française de ne pas le sélectionner en équipe de France pour l'Euro 2016 m'a quelque peu étonné. Cette décision, que personne n'a vu venir (1), surtout que cela faisait «des mois que Didier Deschamps et Noël Le Graët se répandaient en déclarations élogieuses sur Karim Benzema dès qu'une fenêtre leur était ouverte» (2). Et surtout aussi que, comme l'a précisé le président de la FFF, ce mercredi 13 avril, au moment de l'annonce de sa décision d'exclure le joueur d'origine algérienne du onze de France, «il n'existe aucun obstacle, sur le plan juridique, au fait que Benzema soit sélectionné» (3). En accordant une interview au journal sportif L'Equipe du 12 mars 2016, le sélectionneur français avait «notamment vanté les mérites de son attaquant, ouvrant la porte à un retour en Bleu.» (4). Cette porte, il l'avait même ouverte en grand «pour un retour du Merengue chez les Bleus» (5) et il a reproché à une certaine presse d'avoir voulu enfoncer Benzema. «On ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé, avait déclaré Didier Deschamps, mais on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu des articles à charge» (6). Les raisons de cette défense? L'entraîneur français veut les meilleurs joueurs pour l'Euro 2016 et Benzema, soutient-il, quoique «ce ne sera jamais le super buteur, même si on l'attend là-dessus, il apporte dans la construction. Vous n'êtes pas attaquant du Real pendant cinq ans, avec Mourinho, Ancelotti, Benitez ou Zidane, comme ça. Tous les pays nous l'envient»(7). Interrogé sur la pression de la rue et des politiciens, il précise qu'il «respecte l'opinion publique, mais (qu') elle n'a aucune influence sur (ses) décisions»(8). Si tel est le cas, pourquoi y a-t-il eu ce revirement dans la situation et pourquoi Benzema a-t-il été écarté de l'équipe nationale de France? En réalité le joueur d'origine algérienne a fait les frais d'un racisme incroyable. D'une vague raciste inouïe et sans pareille en France. «On était dans la période difficile d'après les attentats, avait avoué le président de la FFF à propos du courrier reçu par sa fédération. Les lettres qu'on recevait, c'était l'horreur. C'était du genre: «L'Arabe, dehors, et comme ça on est tranquille» (9).» Cet aveu, à lui seul, suffit à comprendre pourquoi Benzema a été écarté. Par ailleurs, deux sondages commandés à propos de cette affaire, peu ordinaire, ont donné des résultats hallucinants. Dans un premier sondage effectué en «décembre 2015 par l'institut Elabe pour RMC-BFMTV, 82% des Français se disaient opposés à un retour en équipe de France de Benzema. A la fin de février, une étude établie par Odoxa pour RTL donnait un résultat quasi similaire avec 70% de sondés hostiles»(10). Mais contre Benzema, il n'y avait pas que la rue, il y avait aussi les politiques. Il y avait Manuel Valls, le Premier ministre, qui pesait de tout son poids pour que Benzema soit tenu à l'écart. Il y avait Patrick Kanner, le ministre des Sports qui usait de la position de son département pour demander à ce que l'Arabe soit tenu loin de l'équipe nationale et il y avait, bien sûr, tous les autres, tous ceux qui ne ratent aucune occasion pour tire sur l'Arabe, sur le musulman, sur le Maghrébin spécialement. Lorsque, le 18 mars 2016, Libération rapporta que Benzema était entendu comme témoin dans une affaire de «blanchiment en bande organisée», il ne fallait pas plus pour faire chavirer définitivement le bateau Benzema. Sélectionneur et président de la Fédération française de football changèrent d'avis. Ils ont préféré, écrit un journaliste de «20minutes.fr», acheter la paix sociale durant la compétition de l'Euro. Ils ont préféré «évité de voir débarquer la police en pleine compétition», renchérit un autre journaliste du même média. D'autres ont plutôt essayé de voir en cette volte-face des explications sportives: «Clairement, note un troisième journaliste du même journal, si Benzema revient, c'est André-Pierre Gignac qui saute. Et au-delà du fait qu'il plante but sur but au Mexique ou en équipe, de France et qu'il se batte comme un mort de faim sur chaque ballon, il a l'air quand même d'un mec bien sympa qui t'ambiance un groupe»(11). C'est tout dit. Benzema ne semble donc pas sympathique en plus d'être de teint peu clair, en plus de provenir d'une origine algérienne, d'être arabe, de porter une barbe, etc. Alors? Alors, dans un cynisme qui frise l'hystérie, certains n'ont pas manqué de souligner que, «Au pire, il a Zizou pour lui remonter le moral et c'est une douce épaule pour pleurer» (12). La mémoire des idiots est toujours trop courte pour se rappeler de quoi que ce soit. Mais on peut, leur rappeler, tout de même que ce Zizou, dont ils se moquent aujourd'hui, et avant d'être une douce épaule arabe - car c'est ce qui ressort de l'ironie - a d'abord été une «bonne tête française» devant les bois brésiliens, ce qui avait permis à la France de rapporter son seul et unique trophée mondial en 1998. Il faudrait aussi leur rappeler que ce Benzema, que l'on renvoie ainsi sans aucune raison, a été celui qui, en 2004, avait remporté, pour la France, l'Euro des moins de 17 ans au côté d'un certain... Naceri qu'on a banni lui aussi, depuis ses déclarations, de la mémoire des Français. Les jeune Arabes et musulmans ont l'occasion mille fois renouvelée de se rendre compte qu'ils ne sont que peu ou pas tolérés en France. Leurs gestes sont guettés et passés au crible fin. Leurs mots sont analysés dans les laboratoires les plus sophistiqués. Leur vie est toujours revue à la loupe. Même leurs lèvres sont sous surveillance. N'est-ce pas qu'on a reproché à Benzema de ne pas vouloir chanter La Marseillaise alors qu'ils sont légion les joueurs qui ne savent pas chanter l'hymne de leur pays? N'est-ce pas que, lorsqu'il a craché par terre, toute la presse s'est érigée comme un seul homme raciste pour dire qu'il avait craché sur La Marseillaise? C'est le même comportement qu'ils avaient eu avec Naceri et le même qu'ils avaient eu avec Zidane en 2006. Le seul qui a eu la bonne décision, c'est Ribery. Oui, Benzema aurait dû prendre la même décision que Ribery et ne pas se laisser jeter ainsi. Il aurait dû annoncer son refus d'intégrer l'équipe de France avant qu'on le jette de la sorte. (1) (2) http://www.20minutes. fr/sport/1826087-20160413-karim-benzema-pourquoi-deschamps-federation-vont-passer-euro-2016 (3) (9) Le Monde du 14.04.2016 (4) (5) http://www.eurosport. fr/football/euro-2016/2016/equipe-de-france-didier-deschamps-benzema-tous-les-pays-nous-lenvient_sto5314785/story.shtml (6) (7) (8) L'Equipe du 13/03/2016 (10) http://www.lemonde.fr/affaire-de-la-sextape-de valbuena/article/2016/04/14/ karim-benzema-ne-participera-pas-a-l-euro-2016_4901650_4803821.html#e SqulTxbEaVTo0py.99 (12) http://www.20minutes.fr/sport/football/1816247-20160330-euro-2016-fois-deschamps-moins-23-bonnes-raisons-passer-benzema-veut