A en croire des sources sûres, plusieurs walis, en fonction ou à la retraite, feraient l'objet d'enquêtes judiciaires. «La lutte contre la corruption, la dilapidation des deniers publics, le blanchiment d'argent illicite et le détournement de biens doit se poursuivre sans relâche». Cette déclaration du président de la République, à l'ouverture de l'année judiciaire, n'est pas un slogan, mais bel et bien une réalité. L'«assainissement» des institutions de certains cadres ayant par leurs actes souillé la notion de service public et de commis de l'Etat, demeure l'une des priorités du premier magistrat du pays. Serait-ce donc la fin de l'impunité? L'ère des intouchables est-elle révolue, au vu du rythme qu'a pris au cours de ces dernières années la moralisation de la vie publique? Tout porte à le croire après la décision du chef de l'Etat, premier magistrat du pays, qui vient de trancher en mettant fin aux fonctions de l'ex-wali d'El Tarf M.Djilali Araâr. Une décision qui vient mettre un terme aux rumeurs faisant état de soutiens dont bénéficierait, «en haut lieu» le désormais ex-wali d'El Tarf. A noter que ce dernier, qui a été interdit de sortie du territoire national depuis vendredi dernier, a comparu, hier, au même titre qu'une dizaine de cadres de la wilaya d'El Tarf devant un magistrat instructeur près la Cour suprême. Finie l'impunité? Après les affaires des ex-walis de Blida et d'Oran, c'est au tour, donc de l'ex-wali d'El Tarf de répondre de ses actes devant la justice. La décision du chef de l'Etat mettra un terme aux spéculations de la rue déroutée par le fait que l'ex-wali de Annaba continuait à vaquer aux affaires courantes, alors qu'un dossier est en instruction devant la Cour suprême depuis juillet dernier. Le rapport du conseiller qui instruit l'affaire avait dès lors fait état de graves infractions et de détournements. Lors de son audition par le parquet de Annaba, il a été relevé de graves anomalies dans sa gestion de différents secteurs socioéconomiques, particulièrement le foncier, les concessions de sablières, les forêts et la passation des marchés publics, dont l'affaire des lycées de Chbaïta et Bouteldja et la réalisation des 284 logements à Dréan ne sont que la face visible de l'iceberg. Le pot aux roses a été découvert en février dernier, lorsque le ministre de la Justice a ordonné l'ouverture d'enquêtes judiciaires à El Tarf, que Djillali Araâr est mis en cause dans une série d'affaires de corruption et de dilapidation de deniers publics. Selon des sources concordantes, un rapport volumineux avait été établi par les enquêteurs dépêchés spécialement par la présidence de la République dans la wilaya d'El Tarf Ces affaires avaient commencé en 2003 avec comme victimes des entrepreneurs et de simples citoyens. C'est grâce à un élu, en l'occurrence M.Belaïd Lakhdar, que le scandale avait éclaté en 2004. Ledit élu avait, en effet, demandé la mise en place d'une commission d'enquête sur le rythme et l'évaluation des projets en cours. Une proposition qui sera suivie par une lettre adressée au chef de l'Etat, dans laquelle M.Belaïd dénonçait les anomalies dans la passation des marchés publics. Ce n'était pas une sinécure, puisque cette initiative n'était pas du goût de certains administrateurs acquis au wali. Ce n'est qu'après l'ébruitement de l'affaire sur la place publique, à l'issue d'une conférence, que le processus a été mis en branle. Un investisseur avait même avoué à la presse avoir accordé plus d'1 milliard de centimes avec en contrepartie sa parole de surseoir à la fermeture de son projet de Berrihane. Même les correspondants de presse n'ont pas échappé aux intimidations de l'ex-wali, qui les menaçait de poursuites judiciaires. C'est alors que les brigades spéciales, notamment de la Gendarmerie nationale, vont enquêter pendant plusieurs semaines quelque 200 personnes entre opérateurs économiques, constructeurs, promoteurs immobiliers et fournisseurs, pour aboutir à la conclusion que Djillali Araâr est le principal auteur de toute une série d'affaires scabreuses. L'affaire Araâr n'est en réalité que le filon qui pourrait faire éclater au grand jour d'autres scandales. En effet, d'après des sources bien informées, près de 15.000 milliards de centimes ont été consommés depuis 1985 par la wilaya d'El Tarf, sans que les résultats ne soient perceptibles sur la vie quotidienne des citoyens. Connexion drogue-corruption Il convient de noter que loin de faire l'amalgame entre les deux dossiers, le limogeage du wali d'El Tarf intervient au lendemain de l'acceptation par la Cour suprême de la révision du procès de l'ex-wali d'Oran, lui aussi inculpé dans l'affaire de «dilapidation et détournement de biens publics». Le pourvoi en cassation introduit par les avocats de la défense a abouti. Les magistrats près la Cour suprême ayant décelé des vices de forme dans l'instruction et le traitement de l'affaire Frik. A noter que la révision du procès de Bachir Frik serait motivé par deux éléments: Primo, les aveux qu'aurait fait le grand baron de la drogue Ahmed Zendjabil aux services de sécurité que de hauts responsables étaient impliqués dans ce trafic qui dépasse les frontières. Secundo, les déclarations de Frik devant le tribunal de Sidi M'hamed, affirmant être l'objet de «règlement de comptes entre clans dans une ville d'Oran». A l'image du wali d'El Tarf, Bachir Frik n'a pas été seul à avoir été condamné, puisque l'ancien directeur des domaines, l'ancien directeur de l'Office de promotion et de gestion immobilière (Opgi) d'Oran et l'ancien directeur de l'agence foncière seront condamnés. Il est donc clair qu'à la lumière des déclarations de Zendjabil et du wali d'Oran, la jonction entre le trafic de drogue et la corruption est établie. D'ailleurs, au cours de son procès, l'ex-wali d'Oran avait fait état d'un dossier qu'aurait remis l'ancien directeur de l'action sociale de la wilaya d'Oran «au président de la République et au chef de l'état-major». Ce dossier, précisera Bachir Frik, porte, selon lui, sur «une affaire de drogue». Il avait même affirmé que des services de sécurité et de hauts responsables étaient impliqués dans plusieurs affaires de corruption. La «purge» n'épargne pratiquement aucun secteur, même ceux dits «intouchables». La décision du directeur général de la Sûreté nationale d'ouvrir une enquête sur instruction de la Présidence de la République, au sujet de certains responsables de la police impliqués dans un trafic de stupéfiants, dénote la volonté de l'Etat à sévir. Aussi, la mise en place d'une commission nationale de lutte contre le trafic de drogue et une autre chargée de lutter contre la corruption traduit la volonté de l'Etat d'en finir avec tous les aspects du crime organisé. Les scandales des walis risqueraient de s'amplifier, car à en croire des sources sûres, plusieurs walis aussi bien en fonction ou à la retraite, font l'objet d'enquêtes judiciaires, au sujet d'une série de manquements à leurs missions. Une chose est sûre, c'est que la volonté de l'Etat de sévir y est, pour peu que «tous les magistrats, présidents de tribunaux se soumettent à la seule autorité de la justice», comme l'a si bien mentionné M.Bouteflika lors de l'ouverture de l'année judiciaire.