Assumé au plus haut niveau de l'Etat, notamment par le RND et ses partenaires, le discours libéral a de fortes chances de se traduire sur le terrain. A peine plébiscité secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia s'est mis à saisir le taureau par les cornes. L'exercice est difficile, mais il semble résolu à le mener car, comme il le laisse entendre, la situation du pays nécessite une rigueur d'acier. En effet, selon lui, notamment d'un point de vue économique, «Le risque existe. Il est là». De plus, enfourchant son vieux cheval, il a plaidé pour la réhabilitation du travail pour barrer la route à l'import-import, la lutte contre la fraude et l'informel et la révision de la politique des subventions. Apportant son soutien à la démarche du gouvernement visant à récupérer les fonds circulant dans l'informel, notamment via l'emprunt obligataire national qui vient d'être lancé, il a poussé son raisonnement jusqu'à préconiser l'application de la finance islamique en Algérie pour motiver les Algériens à adhérer au programme du gouvernement. «Nous appelons à la généralisation de la finance islamique. Nous ne sommes pas là pour changer la façon de vivre et de voir des Algériens. Expliquez-moi pourquoi en Occident la finance islamique est la bienvenue. Si c'est ça qui va faire rentrer de l'argent dans nos banques, pourquoi pas?», a-t-il dit. Au sujet de l'endettement extérieur, Ahmed Ouyahia a mis en garde contre les risques d'un tel choix en évoquant particulièrement la perte de souveraineté. «Je ne parle pas de l'endettement pour financer des projets comme on le fait avec», a-t-il précisé. Pour cohérents avec ses positions précédents qu'ils paraissent, ses propos mettent Ouyahia sur la même voie que le Forum des chefs d'entreprise qui, depuis l'élection d'Ali Haddad à sa tête, n'arrête pas de revendiquer les mêmes politiques. En effet, le FCE a moult fois revendiqué une révision de la politique des subventions tous azimuts en demandant un meilleur ciblage des catégories les plus démunies et l'institution d'un «deuxième salaire» à leur profit. Concernant l'endettement, la position d'Ouyahia est également la même que celle des patrons. «Le FCE fera tout son possible pour épargner à l'Algérie de s'endetter de l'extérieur, mais si cela devait arriver, ce ne serait aucunement une catastrophe, surtout si son objectif est de développer l'économie de l'Algérie», a déclaré Ali Haddad le mois de mars dernier. Décidément, entre le FCE et le RND, un consensus se dessine implicitement. Ahmed Ouyahia, bien qu'eût défendu des politiques protectionnistes par le passé et qu'il se revendique «du boumediènisme» le plus intégral, est en vérité «libéral» et il ne l'a jamais infirmé. Bien au contraire puisque son parti est membre de l'Internationale libérale, «notre parti est au service de l'Etat et des entreprises», a déclaré récemment Ouyahia à l'ouverture du congrès extraordinaire du RND. Le FCE non plus ne cache pas sa tendance libérale qui imprime chacune de ses propositions, notamment celles portant sur l'ouverture de tous les secteurs à l'investissement privé. Cette alliance tacite entre deux organisations qui, fort presente dans la scène politique nationale, est de nature à redéfinir la configuration du «système» algérien et instaurer de nouvelles moeurs politiques et économiques dans le pays même si, pour l'heure, son impact semble négligeable. Car, si on jetait un oeil sur l'histoire récente de l'Algérie, on constaterait que toute proposition d'essence libérale n'était pas seulement «irrecevable», mais combattue et considérée comme «visant à déstabiliser le pays». Cette évolution, qui fait que des démarches libérales soient revendiquées au plus haut niveau de la responsabilité politique, Ouyahia étant directeur de cabinet du président de la République et leader d'un parti au pouvoir, va sans nul doute se traduire par des «réformes» plus poussées dans les mois à venir. Ceci dit, il est évident que la décision ne revient pas à Ouyahia et à Haddad tous seuls, puisque tous les deux soutiennent «le programme du président». Mais, il est fort à parier que le «programme» du président, l'actuel ou le prochain, sera foncièrement libéral. Parce que, l'ouverture n'est plus, comme dirait Taïeb Hafsi, un choix: c'est une nécessité structurelle.