Les rues et ruelles de la ville étaient impraticables. Jeudi matin, la ville de Tizi Ouzou était recouverte d'un épais manteau blanc. Les rues et ruelles de la ville étaient pratiquement impraticables. Les rares passants donnaient cette désagréable impression d'être dehors comme s'ils étaient forcés et contraints. Les mines étaient tristes et le pas pressé, seuls les gamins sautillant tels des moineaux sur la poudreuse s'amusaient à envoyer des boules de neige! La ville était fermée totalement ou presque rares les commerces qui avaient ouvert et seuls quelques cafés s'essayaient à servir les tasses fumantes et odorantes aux rares clients. Venus de Draâ Ben Khedda, la seule ligne où les fourgons de transport assuraient encore le service, les gens nous regardaient avec l'air de dire «ils sont fous ces gens-là!» Leur étonnement est encore plus grand quand on pénètre dans la gare routière de Tizi Ouzou. Ils sont édifiés quand on parle de monter sur Alger. Sur place les voyageurs, une dizaine de personnes environ attendaient sans vraiment trop espérer un éventuel bus sur Alger. La gare routière était vide! Des cars généralement venant des villes ou des villages de l'intérieur de la wilaya et ne pouvaient donc circuler. Sortis de la gare, l'on se dirige vers l'arrêt des taxis. Là aussi, pas âme qui vive! Tizi Ouzou ne commence à s'animer que vers huit heures. D'autres voyageurs arrivent de Draâ Ben-Khedda également, l'on s'échange des impressions, l'on a ainsi appris que les villes de Tadmaït et de Draâ Ben Khedda sont comme Tizi Ouzou, fermées! Les écoles et les administrations comme la poste ont baissé rideau! Ce qui provoque l'ire des gens: «Je ne comprends pas pourquoi la poste est fermée! Je devais faire un retrait ce matin, pour voyager et voilà quelques centimètres de neige et le pays est paralysé», dira un vieux monsieur qui raconte ses souvenirs des régions du nord de la France. Furieux, il ajoute: «Là-bas les gens travaillent et ce n'est pas une couche de neige qui va les faire rester à la maison!» Mais l'essentiel est de trouver un taxi ! Quelque temps plus tard, un fourgon aménagé se pointe! «Vous allez sur Alger?», questionne le conducteur. L'on acquiesce et le conducteur de répliquer : «Vous skiez je crois, je vais tenter le coup si vous voulez on y va! Mais ce sera 300 DA la place!» Le moyen de refuser? Chacun d'entre nous ayant une raison impérieuse de se déplacer. Le départ se fait après que chacun eut payé sa place! La route est bien glissante, la neige de la veille est dure, elle a gelé durant la nuit ! Le fourgon avance doucement. La route nous paraît interminable! Les véhicules venant en sens inverse étaient très rares, les mines se font circonspectes, Déjà les voyageurs maugréent, la glissade est là à chaque tour de roue! Le conducteur est appliqué et scrute la route, tout le monde se tait. L'un des voyageurs sort son mobile et appelle un ami à Thenia: «Comment est la route là-bas? Est-elle fermée?» La réponse donnée par le correspondant est répétée par notre compagnon de voyage: «Quoi, il n'y a pas moyen de passer?» Le conducteur essaie de calmer nos appréhensions: «Le temps que l'on arrive à Thenia et c'est certain, la route sera déblayée! Il n'est pas dit que l'autoroute soit laissée coupée par la neige!» Pour tromper l'ennui, l'on regarde le paysage! A gauche, le massif du Sidi Ali Bounab offre son paysage de carte postale, à droite les mamelons sont aussi recouverts de blanc ! Pour une fois. le paysage apparaît sans la saleté, recouverte par la poudreuse! Dieu que l'Algérie est belle sans la saleté! On est à Naciria! Là aussi la couche est impressionnante. La ville est là aussi comme paralysée. Seuls les gamins s'amusent avec la neige, d'ailleurs ils bombardent notre véhicule avec des boules de neige, amicalement, sans vouloir faire de mal ! A la sortie de la ville, sur le côté gauche de la route, les chalets des sinistrés du dernier séisme. II doit faire affreusement froid là-dedans! La question est posée à haute voix par l'un des voyageurs et un jeune répond: «Oui mais c'est déjà mieux que les tentes! Heureusement qu'ils ont eu ces chalets, sinon c'est terrible!» Là, on a une pensée émue pour les sinistrés de la piscine olympique de Tizi Ouzou, eux n'ont pas eu cette chance, ils sont toujours sous la tente! Environ une heure trente ou plus de voyage, nous entrons dans la ville des Issers! Les gens nous regardent comme si on venaient de la planète Mars! Devant les yeux ronds des badauds, un voyageur descend. Il est entouré par des personnes qui doivent certainement le questionner sur l'état de la route. Il est environ neuf heures et les premiers véhicules en sens inverse sont rencontrés. Mais de bus point! Comment rentrer le soir sur Tïzi Ouzou? La question effleure l'esprit mais on la chasse vite fait! Chaque heure suffit sa peine! La neige continue de tomber et drue! A Thenia c'est le premier accident de la circulation, un véhicule s'est déporté et a quitté la chaussée. Les gendarmes et les pompiers sont sur place. Les premiers engins de travaux publics affectés au déblocage de la voie sont rencontrés sur cet axe à grande vitesse. Il neige toujours mais la route est libérée, notre véhicule prend de la vitesse en un rien de temps nous sommes à Alger où quelques flocons sont remarqués, y compris au bord de la grande bleue ! Transis de froid, morts de peur et d'angoisse nous sommes rendus. L'on s'arrête à la gare routière du Caroubier, Là, aucun bus n'est signalé. Les bus de l'Est et de Kabylie ne sont pas rentrés! Ce soir il va falloir une dose de chance pour pouvoir rentrer chez soi. Par curiosité, l'on demande à un taxi le prix pour une course sur Tizi Ouzou; après avoir bien réfléchi il répond: «Cela vous fera 3000 DA!» Mazette, rien que cela ! Un autre, un clandestin, s'approche: « Vous voulez aller sur Tizi Ouzou? Je me propose ce sera 2500 DA!» Bon, l'on verra bien ce soir! On commence par acheter la presse, les journaux n'étant pas distribués, en Kabylie ce matin! Vers les seize heures, l'on descend sur la gare centrale d'Alger, c'est là au bastion que les taxis de Kabylie ont leur station. Un taxi se pointe, l'on prend place et c'est ainsi que par la route enfin dégagée que l'on a pu rentrer sur la Kabylie ! Transis de froid, ayant eu le matin notre dose d'angoisse, on peut dire que le voyage sur Alger était une véritable expédition!