Un examen crucial pour tout le monde Sans appartenance partisane, mais avec une stratégie et une conviction, elle avance sur un champ de mines doublé d'un torrent d'injures ininterrompues. A couteaux déployés et aiguisés, les islamo-conservateurs guettent le moindre faux pas de la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit. Du 29 mai au 2 juin prochain, 818.515 élèves se présentent à l'examen du baccalauréat. Si le rendez-vous est déterminant pour les élèves, attendu par les parents, c'est un moment crucial pour la ministre de l'Education. Après avoir sagement négocié le grave dossier des enseignants contractuels, Benghebrit se retrouve encore une fois devant la meute des islamo-conservateurs. Au fil des mois, cette dame s'est modelée une carapace à même de résister aux attaques ininterrompues et aux flots d'injures continus. Dès son installation à la tête du ministère de l'Education nationale, elle a affiché sa volonté de revoir le contenu des programmes scolaires. Quel péché capital? Cette dame va donc remplacer l'éducation religieuse par les «humanités», faire des sciences sociales, de l'enseignement de la philosophie, des mathématiques et de la physique un rempart contre l'obscurantisme? D'où vient cette femme, sans voile, qui empêchera nos enfants d'apprendre comment faire les ablutions et laver les morts? Et la salve fatale accueille la nomination de Mme Benghebrit: «Elle est d'origine juive!», assènent les réfractaires à la modernisation de l'Ecole algérienne. L'attaque a été féroce, sournoise et ne s'estompera que lorsqu'on fouillera dans la généalogie de cette dame pour découvrir qu'elle est la petite-fille du frère de Si Kaddour Benghebrit, fondateur de la Grande mosquée de Paris. Qu'à cela ne tienne, le combat continue sur les chemins de l'école. Une grave polémique trouvant son origine dans l'une des recommandations issues de la Conférence nationale sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme du système éducatif tenue les 25 et 26 juillet 2015. Cette recommandation, qui n'est en réalité que l'institutionnalisation et l'encadrement d'une pratique non formelle, mais tolérée, a été faite par des experts algériens partis du constat que les élèves rencontrent des difficultés à maîtriser les langues nationales et étrangères. C'est le scandale. Il a fallu que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en personne vole au secours de Benghebrit pour mettre fin à la polémique. M.Sellal a exprimé publiquement son soutien indéfectible à la ministre de l'Education nationale et à sa réforme de l'école. «La réforme de l'école se fera loin des idéologies et des arrière-pensées politiciennes», en ajoutant «... que telle est la volonté du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, inscrite dans son programme légitimé par le suffrage populaire», a-t-il tranché. Dès sa prise de fonction, elle a décliné sa stratégie mettant l'accent sur la formation des ressources humaines, le processus enseignement-apprentissage et la gestion de la vie scolaire. Pour elle, le défi actuel du système éducatif algérien est celui de la qualité et l'équité. Elle n'hésite pas à se rendre dans des pays étrangers pour s'inspirer, apprendre et comprendre de leur expérience, de signer des «accords bilatéraux» ou inaugurer des «réalisations». Cette démarche émancipatrice de l'école qui formera l'Algérie de demain, libérera les esprits de nos chérubins des tares rétrogrades du charlatanisme, ne plaît pas. Benghebrit devient alors la femme à abattre. Elle a été accusée d'incarner «une menace réelle pour les valeurs du pays». Jamais un membre du gouvernement n'a été aussi violemment ciblé par des attaques. C'est parce que le sujet est sensible. Il s'agit de l'école. Méthodique et pertinente, inflexible sur ses positions, mais prompte au dialogue, de nombreux Algériens lui trouvent des traits de caractère avec la chancelière allemande Angela Merkel. Cette sociologue de 63 ans a déjà occupé le poste de directrice du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), avant d'être appelée à la rescousse d'un secteur à la dérive. En une année, elle a imprimé une nouvelle dynamique à une école laissée en jachère depuis 14 ans. La petite-fille du fondateur de la Grande mosquée de Paris, Nouria Benghebrit, fait rougir de complexe ses détracteurs avec un CV aussi épais qu'un carnet scolaire.