Les ennemis de la modernité redoublent de férocité contre la ministre qui veut réformer une école sinistrée Ayant échoué à faire capoter son projet de modernisation de l'Ecole algérienne, les islamistes accusent désormais Nouria Benghebrit d'être à la solde des Français. A peine nommée ministre de l'Education, Nouria Benghebrit a subi une salve de critiques de la part du camp islamo-conservateur. Celui-ci a cherché partout, y compris dans les poubelles de l'histoire, des éléments pour alimenter son entreprise de déstabilisation en commençant par fouiller dans «les origines» juives de Madame Benghebrit ignorant sciemment que son grand-père avait été à l'origine de l'initiative qui avait permis la fondation de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris. Ces actions n'intéressent pas les islamo-baâtistes. En revanche, quand un débat sur l'introduction des langues maternelles dans le système éducatif a eu lieu, ciel et terre ont été remués pour qu'elle renonce au projet. Mais même si la ministre de l'Education, épaulée par une pléiade d'intellectuels et de cadres de valeur, a résisté et résiste encore, le bras de fer semble dur d'autant plus que les islamo-concervateurs redoublent de férocité. En associant des experts étrangers à une commission pédagogique du ministère de l'Education dans le but de bénéficier des expériences de leurs pays respectifs, notamment la France, la Belgique et le Royaume-Uni, la ministre de l'Education a eu droit à une véritable bourrasque de critiques. Dans une lettre adressée par Mohamed Aribi, député du parti islamiste, le FGD, piloté par Abdellah Djabellah, celui-ci a mis l'accent sur ce qui serait «un comportement dangereux de la ministre de l'Education», lequel comportement menace, selon lui, «la stabilité de la société et de l'Etat» et porte atteinte aux valeurs nationales». Pis encore, Aribi accuse Benghebrit de mettre l'Ecole algérienne entre les mains de la France. Autrement dit, il la traite de «traître», de «harki». «Depuis l'installation de Benghebrit à la tête du plus important ministère, à savoir le ministère de l'Education, elle n'arrête pas de jouer des sentiments et des valeurs des Algériennes et des Algériens à travers ses sorties médiatiques qui visent à sonder l'opinion quant à l'état d'avancement du projet francophile destructeur. Elle veut tester le degré de résistance de la société à la volonté d'effacement de l'identité nationale et son remplacement par des valeurs françaises», a-t-il écrit dans son texte. De plus, le député islamiste, de surcroît membre de la Commission Défense de l'APN, a déclaré que «Nouria Benghebrit et ses relais locaux et étrangers sont en train de tramer un complot pour déstabiliser l'Algérie en donnant à ses ennemis l'opportunité de s'ingérer dans ses affaires internes». De son côté, le chef de file du MSP s'est lui aussi déchaîné contre Benghebrit en l'accusant d'être à la solde de la France. «La ministre de l'Education se fait conseiller par des Français pour l'élaboration des programmes scolaires. Ce faisant, elle porte atteinte aux valeurs nationales et à l'identité de l'Algérie», a-t-il déclaré dans un meeting dans la wilaya d'El Bayadh. Pourtant, contrairement à ces allégations, la commission des programmes scolaires est exclusivement composée d'Algériens. En effet, dans un déclaration dans un passage à la Chaîne III de la Radio nationale, la ministre de l'Education a rejeté vigoureusement les accusations qui lui sont portées en affirmant que la commission en charge de mener la réforme de troisième génération des programmes scolaires est composée exclusivement d'Algériens et que la présence des experts est tranchée, elle se fait dans le cadre de la coopération entre l'Algérie et ses partenaires dans le secteur de l'éducation. «L'Algérie a fait recours à des experts de plus de 50 nationalités en 1985. Le recours à l'expertise étrangère n'est pas nouveau dans notre pays. Mais la réforme de troisième génération des contenus des programmes se fait exclusivement par des Algériens. Elle est composée de 200 membres parmi lesquels des inspecteurs, des enseignants universitaires et des directeurs d'établissements. La commission se subdivise en 23 groupes spécialisés et tous leurs membres sont algériens. Les étrangers sont sollicités dans le cadre de la politique algérienne de coopération. Et cette coopération porte essentiellement sur les méthodes dont il convient de mener les réformes afin d'améliorer le rendement professionnel des acteurs du secteur», a-t-elle expliqué. Les accusations que profèrent les islamistes contre la ministre de l'Education sont pour ainsi dire infondées d'autant plus que celle-ci tente, contre vents et marrées et contrairement à leurs allégations, non pas de jeter le système éducatif algérien dans le giron de la France, mais d'algérianiser l'Ecole algérienne, c'est-à-dire, de l'expurger de l'idéologie panarabe et islamo-conservatrice qui la gangrène et que, eux, défendent mordicus, pour des objectifs politiques. Ce discours irresponsable des islamistes, notamment le MSP et le FJD, qui tente de replonger l'un des secteurs les plus sensibles dans un climat de suspicion est sans conteste un dérapage de trop même si la ministre de l'Education, en pédagogue de race, sait se défendre sereinement et freiner les tempêtes, y compris les plus indociles.