Le Premier ministre Abdelmalek Sellal Le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes et s'apprête à mener une véritable révolution économique. Quand l'argent est là, la volonté politique est absente et quand l'escarcelle se vide, on redécouvre les vertus de la raison économique et de la rigueur politique. Depuis quelque temps, l'Algérie vit sous une tension budgétaire intense. Les rentrées en devises sont de plus en plus faibles et le Fonds de régulation des recettes, malgré les rebondissements de la fiscalité pétrolière, s'approche du dernier été de sa raison. Mais, contre toute attente, le gouvernement, qui était jusque-là rétif à toute forme d'ouverture, s'emploie à déclencher une révolution. Le chef d'orchestre, Sellal en l'occurrence, semble avoir compris que «pour réussir une réforme, il faut oser une «révolution». En effet, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé dimanche dernier la mise en oeuvre d'un «nouveau modèle économique» pour le pays et «ce nouveau modèle», il le veut «un défi». «L'Algérie connaît une conjoncture économique difficile du fait de la chute des prix du pétrole sur le marché international», a-t-il reconnu. Néanmoins, c'est parce que des problèmes aigus sont là que l'aventure est passionnante. C'est pourquoi, affirmant sa volonté de diversifier l'économie nationale en développant prioritairement l'agriculture, le tourisme, l'industrie et les services, le Premier ministre refuse de conjuguer ses verbes au présent et tend à situer toute son action dans le futur tout en capitalisant les réalisations des différents gouvernements, qu'il a pilotés, notamment «la création de 24.000 entreprises durant les trois dernières années». Bien entendu, pour réussir le pari, le gouvernement a besoin d'un renfort, de préférence des deux côtés de l'Etat, à savoir les patrons et les syndicalistes. Pour ce faire, il a convoqué une réunion de la tripartite pour le 5 juin prochain. Cette réunion, à laquelle prendront part l'Ugta et l'ensemble des organisations patronales nationales, sera consacrée, nous dit-on, à l'étude des moyens de dynamiser et d'améliorer l'économie nationale ainsi qu'à l'examen du nouveau modèle économique (2016-2019). Mais dans ce bal des bonnes volontés et des défis qu'on relève à la pelle, on oublie de dire que l'argent et la nécessité seuls ne font rien en l'absence d'une volonté politique manifeste et audacieuse. Car, comme le dit si bien l'économiste Belkacem Boukhrouf, «un nouveau modèle économique suppose naturellement l'abandon de l'ancien et du paradigme qui l'a fondé, c'est-à-dire la refondation de l'assise institutionnelle et idéologique de notre économie en révisant les rôles de l'Etat, la place du privé, la mission des collectivités locales, etc.», Il s'agit, autrement dit, de revoir l'architecture de tout le système politico-économique algérien en impliquant l'ensemble des acteurs sociaux, économiques, politiques et institutionnels dans une dynamique consensuelle au souffle long. De plus, un nouveau modèle économique en rupture avec la logique rentière suppose une diversification et une intégration aux chaînes de valeurs mondiales (CVM), ce qui demande un travail diplomatique et de lobbying de longue haleine. «S'insérer dans la division internationale des processus productifs est une affaire sérieuse que seuls des professionnels et des compétents peuvent réussir», nous a déclaré, à ce sujet, Belkacem Boukhrouf. C'est dire que l'ambition du gouvernement actuel, reposant sur une nécessité structurelle d'opérer une transition vers une économie productive, peut susciter un intérêt auprès de la société et des partenaires de l'Etat, y compris les étrangers. Mais à condition qu'une volonté politique ferme et suffisamment concertée se mette en branle. Jusque-là, l'oiseau Algérie ne fait que froufrouter d'une seule aile. Il volera sans doute si l'autre venait à se mettre en mouvement.