Le monde que nous dessine BP «Nous ne prétendons pas que nous lisons dans une boule de cristal qui nous permet de prédire l'avenir exactement. Nous essayons de résumer les principales forces qui façonnent les marchés de l'énergie et les différents types d'incertitudes autour d'elles.» Experts de l'Energy Outlook BP Voilà qui est net et honnête et d'une certaine façon absous, en partie, les oracles concernant la prévision du futur. On peut penser ainsi qu'ils se trompent de bonne foi, mais l'histoire nous a appris qu'il n'en est rien. Souvenons-nous de la sentence sans appel de Franklin D. Roosevelt: «En politique, rien n'arrive par hasard. Chaque fois qu'un événement survient, on peut être certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi.» Les organes de prospection, notamment ceux de l'AIE, BP -et même l'Opep qui ne fait que reprendre ce que disent les «autres»- sont là justement pas par hasard pour faire propager une information qui servira de parole d'Evangile pour formater le futur puisque le magistère occidental en a décidé ainsi. Les prévisions de BP Dans une contribution pertinente, Roger Boyd résume les principaux points de l'éude: «Les perspectives de BP supposent une croissance historique moyenne du PIB mondial de 3,5%, ce qui représente plus que le doublement du PIB mondial d'ici 2035, et une réduction annuelle historique en intensité énergétique de 2,1% (contre 1,5% au cours des deux dernières décennies). Cette compensation ne se fait pas, de sorte que les émissions de carbone persistent à grimper, à un taux simplement moins élevé qu'auparavant (0,9% par an, contre 2,1% par an durant la dernière décennie). Un triplement de la contribution des énergies renouvelables, conjointement avec un record historique de réduction de l'intensité énergétique, ne peut contrebalancer la croissance du PIB. Il en résulte une augmentation continue des émissions de carbone jusqu'en 2035.» (1) En clair le réchauffement climatique va continuer à augmenter car nulle part, il n'est dit qu'il faille ne pas dépasser les 2°C. S'agissant des énergies renouvelables: «Le secteur renouvelable produit de l'électricité, ce qui compte pour moins de la moitié de la consommation d'énergie (BP envisage une augmentation des 42% actuels à 48% d'ici 2035). L'une des prévisions les plus surprenantes concerne la croissance en nombre des voitures et des véhicules utilitaires passant de 1,2 milliard à 2,4 milliards, en tenant compte des pays non-membres de l'Ocde, dont le nombre de véhicules triple pour passer de 0,5 milliard à 1,5 milliard.»(1) Ne se basant sur aucune étude, BP prévoit que la voiture moyenne sera capable de voyager sur 80,5 km avec un gallon d'essence, contre 48 km aujourd'hui, mais là encore, l'efficacité accrue est largement contrebalancée par la croissance en nombre de véhicules. En clair, la performance technologique est annihilée par la boulimie énergétique d'autant que BP est très discret sur l'utilisation des voitures électriques. Roger Boyd poursuit: «Les ressources mondiales en carburant liquide vont s'accroître de 19 millions de barils par jour (mbj), conduites par le schiste et d'autres pétroles des eaux profondes du Brésil, ainsi que les sables bitumineux. Dans leur ensemble, elles vont augmenter de 16 mbj, de concert avec l'Opep, rehaussant la production de 7 mbj, En considérant les GNL, les biocarburants et autres liquides de gaz naturel qui représentent 9 des 19 mbj d'augmentation de liquides de gaz naturel. BP envisage une hausse significative de la production de gaz de schiste à 5,6% par an, ainsi qu'une augmentation de la part de sa production globale de gaz naturel de 11% à 24% d'ici 2035. Il est prévu que la grande majorité de cette hausse provienne d'Amérique du Nord et de Chine. (...) Dans un scénario où le prix du carbone serait fixé à 100 dollars la tonne au sein de l'Ocde et 50 dollars la tonne en dehors de l'Ocde (en dollars de 2015), conjointement avec d'autres initiatives politiques et réglementaires en faveur du climat, BP prévoit que le secteur de l'énergie renouvelable croîtra à un rythme de 9% par an (doublant tous les 8 ans!). Sa part dans l'approvisionnement énergétique mondial augmentera de 3% à 15% d'ici 2035. On estime que les émissions de carbone en 2035 seront inférieures de 8% aux niveaux de 2014.»(1) Quels sont les moteurs de la demande d'énergie? Pour BP «la population mondiale devrait augmenter d'environ 1,5 milliard de personnes pour atteindre près de 8,8 milliards de personnes en 2035. La consommation d'énergie devrait augmenter de 34% entre 2014 et 2035. Dans le cas de base, le PIB mondial (produit intérieur brut) devrait plus que doubler - environ un cinquième du doublement étant dû à la croissance démographique et les quatre cinquièmes à l'amélioration de la productivité. La quasi-totalité de l'énergie supplémentaire est consommée dans les économies émergentes à croissance rapide. La demande d'énergie au sein de l'Ocde n'augmentera pas significativement.» (2) «Les combustibles fossiles restent la forme dominante d'énergie alimentant l'expansion mondiale: la fourniture d'environ 60% de l'énergie supplémentaire et représente près de 80% des approvisionnements totaux en énergie en 2035. Le Moyen-Orient compte pour un tiers de l'approvisionnement en pétrole du monde en 2035. Nous prévoyons que d'ici 2035 la part de l'Asie-Pacifique de la demande mondiale augmente à 47%. L'augmentation de la demande d'énergie est entraînée par la croissance économique, mais cela devrait être compensé par des améliorations significatives de l'intensité énergétique - la quantité d'énergie utilisée par unité de PIB; des améliorations rapides de l'intensité énergétique (produit intérieur brut) - signifie que la demande d'énergie croît moins vite que le PIB mondial: 34% par rapport à 107%.»(2) «L'intensité énergétique de l'économie mondiale devrait diminuer de 2,1% par an sur la période de prévision. L'intensité énergétique dans les économies du groupe Ocde développés, diminue à un rythme plus rapide que dans les 20 dernières années, et l'importance croissante de la Chine signifie que les déclins continus dans l'intensité énergétique de la Chine ont un plus grand impact sur la tendance mondiale. La Chine et l'Inde représentent ensemble près de la moitié de l'augmentation prévue du PIB mondial, avec les économies de l'Ocde représentent environ un quart. Dans les combustibles fossiles, la demande de charbon montrerait la plus forte baisse absolue par rapport au scénario de base, suivie par le gaz et le pétrole.»(2) Un autre scoop. Rien ne changera en 2035, ce seront toujours les énergies fossiles qui dominent: «Les combustibles fossiles restent la principale source d'énergie alimentant l'économie mondiale, fournissant environ 60% de l'augmentation de l'énergie et représentent près de 80% des approvisionnements totaux en énergie en 2035. Le gaz naturel croîtra à 1,8% par an. Cette forte croissance est favorisée par l'abondance des approvisionnements et des politiques environnementales favorables. La majorité de l'augmentation de la demande provient des économies émergentes, avec la Chine et l'Inde représentent environ 30% de l'augmentation et du Moyen-Orient avec plus de 20%. Le pétrole croîtra régulièrement à 0,9% par an. En revanche, le marché du pétrole se rééquilibrera progressivement, avec le faible niveau actuel des prix stimulant la demande et l'offre. L'augmentation de la consommation de combustibles liquides est largement tirée par l'augmentation de la flotte mondiale de véhicules; la croissance du charbon devrait ralentir fortement à (0,5% par an), comparativement à près de 3% par an au cours des 20 dernières années.»(2) Les énergies renouvelables vont se développer rapidement, et presque quadruplé en 2035. Elles fourniront un tiers de la croissance de la production d'énergie. En 2035 les énergies renouvelables sont la principale source de production d'électricité dans l'UE avec une part de 36%. Les énergies renouvelables croîtront rapidement à 6,6% par an, ce qui place leur part dans l'énergie primaire d'environ 3% aujourd'hui à 9% en 2035. En termes de croissance du volume à 2035, l'UE est dépassée par les Etats-Unis, et l'augmentation d'énergie de la Chine est équivalente à celle de l'UE et des Etats-Unis réunis. La croissance rapide des énergies renouvelables est soutenue par le rythme attendu des réductions de coûts: les coûts de l'éolien terrestre et l'utilité échelle PV solaire sont susceptibles de diminuer d'environ 25% et 40% au cours des 20 prochaines années. Les deux énergies (hydroélectrique et nucléaire devraient augmenter progressivement, de plus en plus à 1,8% par an et de 1,9% par an, respectivement. La production nucléaire diminue dans l'Union européenne (-29%) et en Amérique du Nord (-13%). Plus de la moitié de l'augmentation de l'énergie mondiale est utilisée pour la production d'électricité.» (2) Le cas de la Chine Ce qui se passe en Chine, en Inde et dans d'autres pays en voie de développement, décidera du système énergétique mondial. En clair les perturbations climatiques futures seraient imputables principalement à ces deux pays. «L'évolution de la politique énergétique chinoise préoccupe au plus haut point les pays industrialisés occidentaux «Le rythme de la croissance en Chine et d'autres économies émergentes est une source majeure d'incertitude pour la croissance du PIB mondial et, partant, la demande d'énergie. (..) Les besoins énergétiques de la Chine sont en train de changer. La Chine est le plus gros consommateur d'énergie au monde et a été la plus importante source de croissance de la demande mondiale d'énergie au cours des 20 dernières années. La demande chinoise d'énergie devrait croître de moins de 2% par an sur les perspectives, beaucoup plus lentes que les 8%/an observés au cours des 15 dernières années. la croissance annuelle du PIB devrait atteindre en moyenne près de 5% par rapport à 2014-35, environ la moitié du rythme de la croissance observée au cours des 15 années précédentes. La production nucléaire de la Chine augmente rapidement (11,2% /an) sur les perspectives. Elle va plus que doubler d'ici 2020 et l'augmentation de neuf fois en 2035.» (2) «L'ampleur du changement de la structure économique de la Chine aura une incidence majeure sur les besoins futurs en énergie. La demande de la Chine en énergie devrait ralentir à moins de 2% par an de 8% au cours des dernières années.»(2) La révolution du schiste continue L'impression globale est que les stratèges de BP font comme si les problèmes posés par l'exploitation des pétroles et des gaz de schistes ne sont que des artefacts. Ils ont été minorés, voire ignorés. Le gaz de schiste lit-on sur une publication, La Révolution du gaz de schiste continue, représentera 24% de la production mondiale de gaz en 2035. Ce gaz dont on pensait qu'il était condamné va selon les oracles de BP être déterminant. Pour BP La 'révolution de schiste'' se poursuivra, avec le gaz de schiste qui doublera sa part du marché. Les gains en innovation et de productivité technologiques ont débloqué de vastes ressources de pétrole et le gaz de schiste, nous obligeant à revoir à la hausse les perspectives de la production américaine successivement. Après un bref repli en raison des prix bas et la baisse des investissements, aux Etats-Unis la production de pétrole est prévue qu'elle atteindra un plateau dans les années 2030 à près de 8 Mb / j, ce qui représente près de 40% de la production totale de pétrole des Etats-Unis. À l'échelle mondiale, on prévoit que le gaz de schiste va croître de 5,6% par an entre 2014 et 2035, bien au-delà de la croissance de la production totale de gaz. En conséquence, la part du gaz de schiste dans la production mondiale de gaz doublera de 11% en 2014 à 24% en 2035. L'Afrique avec l'Algérie et l'Afrique du Sud, pourrait d'après BP produire 1 milliard de pieds cubes par jour d'ici 2025 et 4 milliards de pieds cubes à partir de 2025. La production de gaz de schiste est d'environ 76 milliards de pieds cubes / j plus élevée en 2035, avec le gaz de schiste qui représente plus d'un tiers des réserves mondiales de gaz. La production de pétrole augmente à 20 Mb / j en 2035, soit deux fois son niveau dans le cas de base, avec sa part de liquides totaux production atteignant 18%.»(3) Roger Boyd conclut d'une façon pessimiste surtout en appelant la dimension écologiste: «L'économie mondiale rejette actuellement environ 10 milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère chaque année. On a estimé qu'alors que dès 2011, 269 milliards de tonnes supplémentaires amèneraient les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone à excéder 450 parties par million (ppm), niveau fixé par Giec comme susceptible d'induire une probabilité inacceptable d'effets délétères du changement climatique. Un simple calcul donne à appréhender 2038 comme l'année où la société humaine aura épuisé son budget carbone, compte tenu des taux actuels d'émissions. Etant donné les probables rétroactions accroissant les émissions naturelles de dioxyde de carbone et de méthane, conjointement à l'impact probable d'une disparition de la calotte glacière dans l'océan Arctique en période estivale, provoquant l'absorption de l'énergie solaire plutôt que sa réflexion vers l'espace, et les émissions accrues de méthane dues à l'utilisation de gaz naturel, cette date critique pourrait advenir bien plus tôt dans cette décennie.»(1) «Même un décollage fulgurant du secteur des énergies renouvelables ne réduira pas significativement les émissions de carbone. Des réductions conséquentes en émissions de carbone nécessiteraient à la fois un vaste développement du secteur des énergies renouvelables et une restriction de la croissance économique. (...) Seule une secousse majeure au système, ou une série de secousses, qui infirmerait foncièrement le statu quo, semble à même de détourner la société de la trajectoire qu'elle suit à l'heure actuelle.»(1) Et l'Algérie dans tout ça? Les prévisions pour l'Algérie dépendront de ce que nous voulons qu'elles soient. Les tendances à suivre est que le pétrole et le gaz ont encore de beaux jours devant eux. Ce qui doit nous inciter à les épargner coûte que coûte. Notre meilleure banque est notre sous-sol. L'affaire des gaz de schiste n'est pas classée. Nous devons être en veille pour 2030 pour profiter de toutes les opportunités si la technologie d'exploitation devient respectueuse de l'environnement. Pour l'immédiat, les conditions actuelles de développement des énergies renouvelables en Algérie ont montré leurs limites. Il nous faut inscrire notre démarche dans une transition globale vers le Développement humain durable qui exige la participation de tout le monde, société comprise car c'est elle qui appliquera cette stratégie. Il serait important d'envisager un vrai partenariat avec deux pays leaders avec qui nous avons des relations importantes qui ne sont pas formatés par l'émotionnel, mais par une relation commerciale normale basée sur un partenariat winn- winn. Ce serait le cas avec la Chine et l'Allemagne. Dans l'immédiat voyons sans tarder comment réduire la consommation débridée d'énergie. Les gains sont énormes, notamment par le tarissement des fuites de toutes sortes. Nous pouvons le faire, faisons-le sans tarder! 1.Roger Boydhttp://lesakerfrancophone.fr/perspectives-energetiques-de-british-petroleum-pour-2016-une-evaluation-de-scenario-de-reference-raisonnable 2.http://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/energy-outlook-2035/drivers-of-energy-demand.html 3.http://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/energy-outlook-2035/shale-projections.html