Il a participé à la libération de son pays du joug colonial espagnol et des lubies annexionnistes mauritaniennes. Il n'assistera pas à la mise à mort de la colonisation marocaine, mais il a déjà tracé la voie de la libération à son peuple. Le leader du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, est décédé mardi «des suites d'une longue maladie». Après une vie dédiée au combat pour la liberté de son peuple, les 40 jours de deuil décrétées par la Rasd permettront sans nul doute aux Sahraouis de reconstituer sa mémoire et de transférer son héritage aux générations futures. Homme de coeur et de caractère, comme le soulignent nombre de ceux qui l'ont connu, Mohamed Abdelaziz partageait totalement la vie des combattants et des réfugiés sahraouis dans les camps de la région de Tindouf, dans l'extrême Sud-Ouest algérien. Président de la République arabe sahraouie démocratique, il a incarné, durant plus de 40 ans, " l'engagement sincère et ferme pour la libération " du Sahara occidental. Mohamed Erguibi de son vrai nom, il est né en 1947 à Smara. Marié à la fille d'un ancien wali de Tindouf, Khadija Hamdi (actuelle ministre de la Culture de la Rasd), Mohamed Abdelaziz était le père de six enfants. Son engagement précoce, au début des années 1960, s'est fait lorsque, étudiant en médecine à Rabat et Casablanca, il rencontre les premiers militants nationalistes sahraouis, qui fréquentaient alors les universités marocaines. Aux côtés de Mustapha Sayed el-Ouali, il participe à la création du Front Polisario en mai 1973, et en devient rapidement un des principaux chefs militaires. Sa vie de militant durant, il a organisé les premiers raids contre les garnisons espagnoles alors qu'il était dans la clandestinité avant d'abandonner progressivement l'anonymat pour revendiquer progressivement la stature d'homme d'Etat, au sein du Polisario. Mais en 1982, le Front Polisario opère un tournant dans sa stratégie et décide de privilégier le dialogue dans le conflit qui l'oppose au Maroc, ce qui débouche sur une première rencontre avec le roi Hassan II en 1989. En 1991, le Polisario dépose donc les armes. Depuis, le mouvement attend l'organisation d'un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU. Mais le Maroc rejette cette requête, campe sur ses positions, avant de déposer, en 2007 un plan d'autonomie. Responsable d'un département pendant la phase clandestine et la lutte contre la colonisation espagnole au premiers pas du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz devient commandant de région militaire jusqu'en 1976. À la suite de la mort d'El-Ouali Mustapha Sayed, il est élu secrétaire général du Front et président du conseil de commandement de la révolution en août 1976. En Octobre 1982, il est élu président de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) dont le gouvernement est en exil en Algérie et les institutions installées à Rabouni, à proximité de Tindouf. Homme fort et de conviction, très actif sur le plan africain et international, Mohamed Abdelaziz a été réélu à ses fonctions en 1985, 1989, 1991, 1999, 2003 et 2007. Il a été élu vice-président de l'OUA en 1985, puis de l'Union africaine en 2002. Grâce à ses efforts constants, la Rasd est aujourd'hui reconnue par près d'une quarantaine d'Etats. Sous la direction de son premier chef, El-Ouali Mustapha Sayed, le Front Polisario a mené une série de coups de main contre des objectifs militaires, que ce soit au Sahara occidental ou sur le territoire de la Mauritanie. La résolution 34/37 adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 21 novembre 1979 désigne le Polisario comme «le représentant du peuple du Sahara occidental» et le 5 août 1979, Nouakchott reconnaît la Rasd, tout en abandonnant ses revendications territoriales. En 2004, l'Afrique du Sud a annoncé qu'elle reconnaissait officiellement la Rasd, dix ans après que Nelson Mandela s'y était engagé après la chute de l'apartheid. L'Uruguay et l'Equateur firent de même en 2005. En 2010, le Venezuela, le Mexique et l'Iran ont soutenu indirectement le droit des Sahraouis à l'autodétermination, ce qui provoqua la rupture des relations diplomatiques ou l'abaissement du niveau de représentation diplomatique entre le Royaume du Maroc et ces pays. En 2008, le Front Polisario obtient un statut d'observateur auprès de l'Internationale socialiste. Le 10 décembre 2015, le Front Polisario obtient du tribunal de 1ère instance de la Cour de justice de l'Union européenne (Cjue), l'annulation d'un accord de libre échange agricole entre l'Union européenne et le Maroc en ce qu'il s'applique au Sahara occidental. Ces victoires diplomatiques réalisées sous la conduite de Mohamed Abdelaziz ont donné une crédibilité et une visibilité indéniables à la cause sahraouie dans le monde.