Après avoir joué aux starlettes, la pomme de terre revient à Bouira pour être source d'un conflit entre le président de l'APC et les producteurs. La pomme de terre a longtemps été le sujet de discussions. Devenu par la volonté des intermédiaires et autres spéculateurs le produit de l'année, voilà qu'elle revient sur la scène à Bouira, mais dans un tout autre contexte. Une opposition qui, sans le bon sens et la prise de responsabilités des parties en charge des affaires publiques, plus précisément le wali et le président de la Chambre d'agriculture, pouvait entraîner des conséquences inimaginables. La désormais « affaire de la pomme de terre » a opposé le président de l'APC du chef-lieu aux 12 producteurs exerçant sur les rives de oued Hous, un affluent de la Soummam. Ce conflit intéresse davantage les citoyens suite à des rumeurs persistantes faisant état d'une enquête sur la gestion de la commune à savoir des investigations demandées par l'ancien wali, et relatives aux marchés publics, à l'attribution de logements, etc. La genèse du conflit remonte à la date de signature d'un arrêté communal portant destruction des plants de pomme de terre irrigués à partir des eaux usées de Oued Hous. La décision concerne 12 agriculteurs employant une cinquantaine de saisonniers exploitant 72 ha pour une production estimée à 240.000 q. Le président de la Chambre d'agriculture que nous avons rencontré lors du Téléthon 2001 en compagnie des producteurs venus exprimer leur soutien aux sinistrés de Bab El-Oued a expliqué scientifiquement et réglementairement l'appréhension des professionnels quant à la décision du président de l'APC dans laquelle ils voient plus une volonté délibérée de briser les producteurs qu'une quelconque volonté de préserver la santé du citoyen. S'agissant de la protection du consommateur, il se demande si des contrôles sont opérés sur les produits en provenance de l'étranger et ceux produits dans d'autres régions du pays. Sait-on d'où puisent leur eau? Les agriculteurs de Aïn Defla, de Mascara... s'interroge Ould Hocine qui soupçonne des cercles occultes qui, pour imposer leur diktat des prix, utilisent des relais avérés au niveau local pour casser le producteur, seule entité capable de réguler le marché et apte à stabiliser les prix. «Ce qui nous conforte dans nos appréhensions et nous motive à aller loin dans cette affaire, c'est le caractère illégal de la décision puisque l'arrêté signé par le président de l'APC n'est pas confirmé par une délibération de l'Assemblée et n'a, à aucun moment, fait l'objet de notification aux concernés. Cette décision souffre de plusieurs vices de procédure. Le plus flagrant outre celui cité plus haut, est le fait que le président de l'APC se substitue à toutes les parties compétentes, en l'occurrence la DSA, les services de l'hydraulique et les laboratoires pour décréter la dangerosité d'un produit et décider de sa destruction.» En plus du caractère arbitraire de la décision, les agriculteurs reprochent à l'APC son empressement à aller vers une solution extrême alors qu'elle ne s'est jamais inquiétée des risques encourus par les habitants qui consomment des aliments provenant des parcelles situées aux abords de oued Hous, ni encore du lait produit dans la région quand on sait que les vaches s'abreuvent à cet oued. Le président de la Chambre d'agriculture invitera la presse à aller visiter l'abattoir communal pour voir l'absence d'hygiène avant d'affirmer qu' «un asperseur utilisé dans les irrigations modernes ne laissera jamais passer une eau chargée. Les mots ont leur importance puisqu'il s'agit pour nous d'une eau peut-être polluée, mais pas d'eaux usées. Les 72 ha ont besoin de 700.000 m3 d'eau, les 240 ha autour de oued Hous nécessitent 1 million de mètres cubes. La question est de savoir si Bouira-Ville charrie autant d'eaux usées. Les trois crues qu'a connues l'affluent ont permis de nettoyer les lieux et nous précisons que parmi les 12 agriculteurs en figurent 2 disposant de forage, mais qui ont été touchés par la décision du maire.» Soucieux de la santé des citoyens plus que quiconque, les agriculteurs ont accepté la solution intermédiaire préconisée après la réunion qui les a regroupés avec le wali et les différentes parties concernées. En effet, des échantillons seront transmis à un laboratoire qui décidera des suites à donner aux 40.000 tonnes de pommes de terre. Au cas où l'analyse révèlerait qu'elle n'a pas été irriguée avec des eaux usées, les producteurs accepteront de reconvertir leur production en semence car après un mois sans eau, elle ne peut être destinée à la consommation. Si en outre le résultat des laboratoires revèle qu'elle est impropre à la consommation, les producteurs proposent de l'incinérer et non de l'exposer en plein air et de la laisser à portée de main comme le préconise le maire. Pour conclure, le président de la Chambre d'agriculture a tenu à rendre un hommage particulier au wali et à la bonne volonté des agriculteurs qui ont su trouver un dénouement à une situation où le pire a été évité notamment lors du face-à-face entre les gendarmes et les 300 agriculteurs venus défendre leur bien. Une chose est certaine, le citoyen de Bouira continuera à payer cher un produit dont il ignore la provenance.