L'Ethiopie a prévenu hier son voisin érythréen, auquel de violents combats l'ont opposée dimanche à leur frontière, que de son «attitude» dépendrait le déclenchement ou non d'une «guerre totale». «Nous avons la capacité de mener une guerre totale contre l'Erythrée, mais nous ne voulons pas le faire», a affirmé hier le porte-parole du gouvernement éthiopien, Getachew Reda, lors d'une conférence de presse à Addis-Abeba. «Une guerre dépendra de l'attitude d'Asmara», a-t-il ajouté. «J'espère qu'ils ne répèteront pas l'erreur de nous entraîner dans une guerre ouverte». Selon le porte-parole, l'armée éthiopienne a voulu mettre fin à une série de provocations le long de la frontière toujours disputée entre les deux pays. «Les derniers tirs de l'Erythrée (à la frontière) ont été la goutte de trop. Nous ne pensons pas qu'ils s'attendaient à une telle réponse de notre part», a expliqué M.Reda. «Les mesures prises au cours des dernières 48 heures envoient un message suffisamment clair au régime (érythréen). Espérons que l'étendue des dommages qu'il a subis le fera réfléchir à deux fois», a t-il ajouté. Ces affrontements sont présentés par le gouvernement éthiopien comme les plus graves de ces dernières années avec l'Erythrée. Les deux pays ont déjà connu un conflit frontalier meurtrier de 1998 à 2000. Les combats, que les deux pays s'accusent mutuellement d'avoir déclenchés, ont impliqué des tirs d'artillerie lourde de chaque côté de la frontière. Des témoins cités par la presse locale ont également parlé de mouvements de blindés. Getachew Reda s'est refusé à dévoiler le nombre de soldats éthiopiens tués dans ces combats, se contentant d'affirmer que les pertes ont été «importantes des deux côtés». Il a précisé que les opérations avaient cessé lundi à la mi-journée. Forte d'une armée bien équipée et réputée parmi les plus efficaces du continent africain, l'Ethiopie, 96 millions d'habitants, bénéficie d'une puissance de feu bien supérieure à celle de l'Erythrée et de ses six millions d'habitants. Le ministère érythréen de l'Information a de son côté dénoncé hier le «dernier acte d'agression militaire» de l'Ethiopie, et affirmé avoir repoussé l'assaut qui a, selon lui, causé de «lourdes pertes» dans les rangs éthiopiens. Chaque mois, des milliers d'Erythréens tentent de fuir leur pays, un des plus militarisés au monde, notamment en raison d'une conscription qui les soumet à un service militaire à durée indéterminée, selon les Nations unies. Mais selon Asmara, l'Ethiopie aurait attaqué l'Erythrée parce qu'elle en jalouserait les conditions de vie. «L'opposition croissante de mouvements populaires éthiopiens, la corruption endémique et la crise économique qui va avec, ainsi que la volonté de freiner les progrès prometteurs de l'Erythrée sont parmi les facteurs qui ont poussé le régime du TPLF (le Front de libération du peuple du Tigré, au pouvoir à Addis-Abeba, ndlr) à se laisser aller à des aventures militaires imprudentes», a soutenu le ministère érythréen de l'Information dans un communiqué. Depuis les accords de paix signés en 2000, l'Ethiopie et l'Erythrée demeurent ennemies et leurs forces se surveillent de près le long de la frontière lourdement fortifiée, où des affrontements de faible intensité sont régulièrement observés. Ces derniers combats interviennent quelques jours après la publication du rapport d'une commission d'enquête de l'ONU accusant le régime érythréen de crimes contre l'humanité à grande échelle et recommandant que le dossier soit porté devant la Cour pénale internationale (CPI). Asmara a réagi en dénonçant des accusations «extrêmes et infondées».