Un père de famille a été heurté par un bus bondé. Un pauvre malheureux a été heurté du côté de la voie rapide d'Oued El Kerma (Gué de Constantine). Le chauffeur du bus s'est brûlé lors des débats. Lors de lourds et pénibles débats tenus en audience pénale tournant autour de la mort d'une personne survenue à la suite d'un malheureux accident de la circulation, il est parfois heureux qu'un avocat fasse une énergique intervention dont les arguments peuvent aider le tribunal à s'en sortir. Un père de famille a été heurté par un bus bondé. «J'ai voulu l'éviter sur le côté gauche, Allah ghaleb mektoub», dit pour se justifier, le prévenu debout aux côtés des propriétaires du véhicule. Il est out ! Madame la présidente, Lila Benhamlet, écoute toutes les parties. Pour la partie civile, Me M'hamed Sadouki plaide l'inconscience du chauffeur. Il estime que l'inculpé est honnête en ayant dit la vérité sur la vitesse enregistrée au moment du drame: «La défense est heureuse que le prévenu ait réaffirmé, ici après l'avoir fait devant la P.J., qu'il roulait à 85 km/h» s'écrie l'avocat qui emballe l'assistance par une exclamation qui édifiera sûrement les magistrats: «Ce que l'inculpé a omis, c'est que la plaque de la vitesse autorisée dans cet axe à grande circulation tourne autour des soixante km/h», siffle presque le défenseur qui remet les demandes écrites. Avant lui, mécaniquement, le regard froid, Ali Moulay, le représentant du ministère public, réclame une peine de prison d'un an ferme et une amende de cinq mille dinars. Le parquetier a retenu, à notre avis, l'excès de vitesse, ignorant au passage le destin qui a été probablement forcé, tel le champignon de la vitesse... Me Rachid Douida, ce jeune qui arrive en grande pompe dans le monde des «robes noires» plaide l'inverse. Il plaide le «Qadha ou Qadar» d'abord et pose deux questions: «Que faisait la victime sur une voie à circulation risquée? N'y avait-il pas un autre risque de dérapage du bus au moment de la manoeuvre de mon client qui a voulu éviter la victime?» Il a demandé l'application de la loi pour ce qui est de l'homicide involontaire. Avant de rendre le verdict, la présidente de la section pénale du tribunal de Hussein Dey (cour d'Alger), a expliqué, textes à l'appui, qu'il y a des garde-fous pour ce qui concerne ce délit: «Certes, un accident de la circulation peut arriver à n'importe qui, mais n'est-il pas préférable de maîtriser son volant, de maintenir ses freins et surtout de garder son sang-froid en toutes circonstances», lance le jeune conseil dans une salle d'audience glacée par l'effroi tombé lorsque les faits étaient relatés. L'inculpé baisse la tête. Mes Sadouki et Douida attendent sereins la sentence. Elle est à la mesure du délit, du destin et du jugement de l'homme par l'homme, tel que prévu par la loi, celle qui est au-dessus de tout! Une peine de prison de six mois assortie de sursis. Ce n'était qu'un accident de la circulation. Encore un.