Cinq hier matin, trois dans l'après-midi: la liste des sportifs russes privés de voyage au Brésil s'allonge d'heure en heure pour atteindre le nombre de 21 victimes. A dix jours des Jeux de Rio, les exclusions se poursuivent chez les sportifs russes dopés et le combat va débuter sur le terrain judiciaire avec l'appel au TAS de la nageuse Ioulia Efimova, la première à refuser les critères fixés dimanche dernier par le CIO. Et des grands noms sont sur le carreau. Parmi les cinq membres de l'équipe de canoë-kayak en ligne exclus dans la matinée, il y a ainsi Alexander Dyachenko, champion olympique en titre en K2 200 m, ou Alexey Korovashkov, quintuple champion du monde et en bronze à Londres en C2 1000 m. Côté pentathlon moderne, c'est Ilia Frolov, triple champion du monde, qui a appris dans l'après-midi qu'il allait rater l'avion pour Rio. Les champions olympiques de volley devront eux se passer de Alexander Markine, suspendu par la Fédération internationale (FIVB). Ces cinq céistes et kayakistes, tout comme les deux pentathlètes, ont été écartés par leurs Fédérations internationales respectives pour avoir été mentionnés dans le rapport McLaren, qui avait dévoilé le 18 juillet les rouages du système de dopage d'Etat mis en place en Russie depuis 2011, et ce, dans 30 sports, dont 20 des 28 sports inscrits aux JO d'été. Dans la liste des Russes interdits de JO, ces huit sportifs exclus hier rejoignent les sept nageurs, trois rameurs, deux haltérophiles et un lutteur déjà écartés lundi et retirés de la délégation russe pour Rio par le Comité olympique russe (ROC). Au total, sur les 387 noms présentés le 20 juillet par le ROC pour Rio, ils ne sont donc plus que 299, après l'exclusion de 67 des 68 athlètes russes, les premiers à avoir été bannis, par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), le 17 juin. Efimova devant le TAS Sur ces 21 nouveaux bannis depuis ce week-end, Ioulia Efimova, quadruple championne du monde et médaillée de bronze sur 200 m brasse aux JO de Londres, a été la première dès avant-hier à ne pas avoir accepté sa sanction. Via son agent, elle a annoncé son appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne (Suisse), à la fois contre le CIO, le ROC et la Fédération internationale de natation (Fina). Hier, c'est la Fédération russe d'aviron qui a fait de même, pour ses trois rameurs exclus. Il s'agit des premiers recours judiciaires contre l'édifice mis en place dimanche par le CIO, consistant certes à sauver le ROC, mais aussi à demander aux diverses Fédérations internationales de trier elles-mêmes et de sélectionner les sportifs russes qui ne seraient pas touchés par le scandale de dopage d'Etat. En confiant cette mission aux fédérations, le CIO avait fixé deux critères stricts: ne jamais avoir été sanctionné pour dopage, quand bien même la peine aurait été purgée, et ne pas être cité dans le rapport McLaren. C'est ce premier critère qu'attaque Efimova, contrôlée positive en 2014 à un stéroïde, ce qui lui avait valu une suspension de 16 mois. «J'ai honte de Thomas Bach» Si la Fina et les Fédérations internationales d'haltérophilie, d'aviron, de lutte et de canoë ont donc trouvé matière à appliquer les consignes du CIO, cela n'a pas été le cas des fédérations de tennis, d'équitation, de tir et de tir à l'arc, qui ont donné leur feu vert à la présence des sportifs russes dans leurs disciplines. Et on attend toujours la réaction des grandes fédérations du judo, de l'escrime, de la gymnastique ou de la boxe, des sports où le poids de la Russie est conséquent. Cette décision du CIO de laisser aux fédérations la responsabilité de la présence de sportifs russes à Rio, sans exclure le ROC, a suscité de nombreuses critiques dans le mouvement olympique depuis dimanche. Lundi soir, le patron de l'antidopage canadien, Paul Melia, a parlé d'«abdication» du CIO, et d'une décision «démoralisante et décourageante». L'Allemand Robert Harting, champion olympique du disque à Londres en 2012, a été encore plus dur au sujet de son compatriote à la tête du CIO: «Pour moi il fait partie du système de dopage, pas du système antidopage. J'ai honte de Thomas Bach.» Côté russe, certains sportifs n'ont en tout cas pas attendu pour s'envoler à Rio, comme les escrimeurs et les gymnastes. Le gros de la délégation russe devrait suivre jeudi. «Le pire est derrière nous», assurait avant-hier l'entraîneur principal des gymnastes, Valentina Rodionenko.