Un pays en guerre, qui produit des films et qui participe à des festivals, c'est du jamais-vu dans un pays en conflit. C'est en tout cas ce qui se passe en Syrie. La situation syrienne a connu depuis quelques années, et particulièrement depuis 2011, le début des révolutions arabes, une effervescence artistique, partiellement cinématographique, totalement contrastée avec la vie des Syriens. Trois cinéastes illustrent cette situation ubuesque d'un pays presque totalement détruit. Le jeune réalisateur Joud Saïd, et les deux ténors Bassel El Khatib et Najdat Anzour. Ces trois cinéastes ont réalisé en nombre ce que le cinéma syrien n'a pas réalisé durant des années. Leur force c'est d'être proche du pouvoir en place à Damas. Le père de Joud Saïd est général dans l'armée, Nedjdat Anzour est vice-président du Parlement syrien alors que Bassel El Khatib est marié avec la directrice de la télévision gouvernementale syrienne. Leurs liens très étroits avec le pouvoir ont favorisé leur émancipation et leur production. Joud Saïd a réalisé quelques films syriens malgré le boycott de certains festivals arabes de ses films. C'est un habitué d'Oran où il a présenté son second film Fintidhar el kharif (Dans l'attente de l'automne) qui relate les souffrances du peuple syrien dans les dernières années. L'oeuvre raconte l'histoire d'une femme liée d'amour avec un officier supérieur de l'armée et qui fait face à la rumeur colportée par les réseaux sociaux durant la crise syrienne. Le cinéma est «un miroir cinématographique» pour les événements en Syrie, a déclaré l'acteur syrien Aymen Zidane présent également à Oran. Le réalisateur syrien Najdat Anzour quant à lui défie Daesh dans son dernier film Ephémère et appelé à disparaître qui fait fortement débat. Dans ce long métrage, particulièrement dur, réalisé en 45 jours, il dévoile sous un grand angle l'Etat islamique Daesh et ses pratiques dans les régions dont il a pris le contrôle. Tourné en Syrie dans un décor réel de la ville de Daria en ruine, après sa reprise par l'armée syrienne, le film gifle le téléspectateur avec un obus du cinéma propagandiste. Même débat et combat partagé par Bassel El Khatib, qui tourne actuellement Ibn Badis à Alger. Avec son film Mariam, récompensé par deux festivals ces derniers mois, le cinéaste syrien raconte l'histoire de trois femmes partageant ce prénom vivant chacune à une époque où la Syrie est en guerre. C'est une ode à la femme syrienne, précise le réalisateur, dont le film est baptisé Mariam en hommage à la vierge Marie, qui, dans les textes religieux, enseigne l'amour et la bonté. Son prochain film Syriens va frapper encore plus fort dans la conscience du cinéma arabe. [email protected]