C'est avec étonnement, mais surtout consternation que j'ai appris l'odieuse déclaration de Boualem Sansal à propos de la similitude qu'il a tenté d'établir entre ce qui s'est passé à Nice en juillet dernier et la guerre d'Algérie, plus précisément lors de la bataille d'Alger. Bien entendu que le drame condamnable de Nice nous a profondément affligés pour avoir vécu et subi nous-mêmes durant plus de dix années de plus pires et graves tragédies en Algérie. Hélas! Si seulement certains pays occidentaux nous avaient écoutés à propos du projet pan-mondial du terrorisme plutôt que d'offrir généreusement des plateaux de télévision à ses chefs qui revendiquaient et assumaient en direct être commanditaires de tel ou tel acte à l'image de l'attentat du boulevard Amirouche ou encore l'assassinat de Tahar Djaout entre autres. Sansal nous donne la nette impression que son seul souci est existentiel. Il a comme un besoin biologique de chercher à faire la Une des médias. Il fait alors du saute-mouton en exploitant successivement, mais sans suite, le moindre événement qui puisse le porter au-devant de la scène publique. Nous nous rappelons de sa sortie opportuniste tentant de s'incruster dans le débat politique actuel se rapportant au statut de la Kabylie sans rien apporter de véritablement consistant lui qui avait affiché un curieux mutisme lors des événements du printemps noir de 2001 où malheureusement 125 jeunes Kabyles ont été fauchés à la fleur de l'âge. Il ne cesse de faire le piquet de garde sur les plus hauts sommets de ses hallucinations guettant et scrutant, la main en visière, l'horizon propice à happer pour enrichir son palmarès. Rien à mettre sous la dent, le romancier ose lamentablement établir une proximité aussi imaginaire que grotesque entre le terroriste de Daesh à Nice et les glorieuses et glorieux martyrs de notre guerre. Face aux monstres coloniaux qui grillaient au napalm des millions d'Algériens, Boualem Sansal aurait souhaité que les assassins soient applaudis et remerciés. C'est tout simplement insoutenable et inacceptable. Non, Monsieur Sansal! Nos aînés n'ont pas fait de guerre de religion. Notre guerre a été une guerre de décolonisation, une guerre révolutionnaire, une guerre de libération qui a suscité l'admiration mondiale. Qu'à l'indépendance de profonds et graves dérapages se sont produits et ont conduit le pays dans l'impasse que nous connaissons, cela est une vérité incontournable autour de laquelle il aurait dû romancer. Il sait que plusieurs générations postindépendance n'ont eu de cesse à dénoncer ce «fleuve détourné» (dixit Rachid Mimouni). Mais jeter l'opprobre sur les artisans de notre libération est condamnable. Son livre L'islamisme a été plus rapide que nous sonne comme un aveu d'incapacité de l'intellectuel à aller par anticipation au-devant des événements. S'improvisant prédicateur il nous annonce la fin du monde, précisément en 2084 (titre d'un de ses ouvrages) comme si une voix à la Jeanne d'Arc lui aurait soufflé à l'oreille le prochain cataclysme. Voilà le romancier dépassé de toutes parts et dans un élan de désespoir de paraître plutôt que d'être il ne trouve rien d'autre à faire que de gommer de sa mémoire la valeur de ceux à qui il doit tout et Racine d'observer très justement que: «On n'aime pas voir ceux à qui ont doit tout.» Faut-il être devenu fou pour comparer l'incomparable? Ou plutôt faut-il être Boualem Sansal lui-même pour avancer une telle stupidité? Ici la similitude entre la folie et l'irresponsabilité est bien réelle. Dommage d'altérer ainsi une si belle carrière romanesque débutante... mais le délire de soi est un naufrage auquel on n'échappe pas.