La ministre de l'Education résiste à toutes les bourrasques Il est temps de sortir l'école des tiraillements idéologiques inutiles, de la libérer des fantasmes souverainistes des islamo-conservateurs et de la mettre sur la voie de la modernité, de la science et de la technologie. Le projet de réforme du baccalauréat sera remis, mercredi 24 août, au Premier ministre. La chose est ordinaire, mais elle semble fatidique pour certains. En effet, à mesure que la date approche, l'effervescence gagne les milieux islamo-cionservateurs qui s'y opposent sans relâche sous prétexte qu'il porterait atteinte à la souveraineté nationale et à ce qui est appelé communément «les constantes nationales» et dont ils se sont auto-proclamés les vigiles. Sans même que le contenu de ce projet ne soit rendu public, et en se basant sur des «ouï-dire» selon lesquels le projet comporterait une proposition d'introduction du français comme langue d'enseignement des matières scientifiques dans le secondaire, les islamistes et les conservateurs, qu'ils soient dans le milieu associatif ou dans les cercles politiques, se sont levés comme un seul homme pour dénoncer un «danger» qui menacerait «l'identité nationale», laquelle identité nationale se résume, pour eux, en deux mots: arabité et islamité. C'est ainsi que l'Association des Ouléma musulmans algériens s'est soulevée contre ce projet en reprochant à la ministre de l'Education, Nouria Benghebrit, d'agir en solo et à contre-courant des «valeurs nationales». «Notre association travaille depuis plus d'une année à lever le voile sur certaines questions liées à la réforme du système éducatif et qui sont entourées d'un flou total malgré l'importance des enjeux qu'elles impliquent, notamment celles liées à la sauvegarde et la défense de l'identité nationale. Nous sommes en concertation avec les syndicats de l'éducation et nous allons demander audience à la ministre pour mettre la lumière sur certains points. Il est inadmissible que les matières liées à l'identité soient déconsidérées!», a déclaré le chargé de communication de l'Association des Ouléma, M.Khelifa, menaçant. De plus, les Ouléma qui vont tenir leur université d'été fin août, promettent de relancer le débat sur la réforme du système éducatif et de ne pas se taire avant de faire capoter le projet de Benghebrit. Pourtant, d'une part, ce qui est reproché à Nouria Benghebrit n'est pas avéré puisque le contenu du projet n'a pas encore été rendu public, d'autre part, le dénoncer comme le font les islamo-conservateurs en l'assimilant à un complot contre l'islam et l'arabe est un raccourci qui ne témoigne que d'une seule chose: le manque de rigueur et de responsabilité et la paresse intellectuelle des islamistes et des conservateurs. En effet, depuis son installation à la tête du ministère de l'Education, elle a eu la possibilité d'observer finement, durant plus de trente ans, à partir de sa position de chercheuse, les deux principaux axes sur lesquels elle a agi et continue d'agir sont la modernisation et l'algérianisation de l'école algérienne, deux éléments qui mettent radicalement en cause les accusations «d'occidentalisation» dont elle fait l'objet. Sauf que, et c'est le noeud gordien de la question, l'algérianisation et la modernisation ne résonnent pas de la même manière chez les républicains qui y voient une ouverture sur le monde et un alignement sur les standards qualitatifs universels et les islamo-conservateurs qui ne conçoivent le monde qu'à travers le petit coin de paradis qu'ils pourraient s'offrir dans le monde d'outre-tombe. Pour rappel, l'enseignement des matières scientifiques en langue française, revendiqué depuis plusieurs années par les étudiants, les enseignants et l'ensemble des acteurs du système universitaire algérien, fait consensus dans la société. Il répond à l'impératif d'élever le niveau linguistique des étudiants qui font l'ensemble de leurs études universitaires en français pour parer aux échecs massifs qui découlent de la non-maîtrise du français. «Le défi aujourd'hui est celui de la qualité. Il est de la responsabilité de l'école algérienne qui a bénéficié d'investissements considérables de satisfaire aujourd'hui cette revendication et de mieux répondre aux aspirations de toute la société», a déjà déclaré, à cet effet, la ministre de l'Education. Il est donc temps de sortir l'école des tiraillements idéologiques inutiles, de la libérer des fantasmes souverainistes des islamo-conservateurs et de la mettre sur la voie de la modernité, de la science et de la technologie.