Les cadres de l'Association des Ouléma algériens sont descendus dans l'arène et ont pris partie foncièrement contre la ministre de l'Education nationale Attachés à leur vieux fantasme de «ouma arabiya islmamiya», les Ouléma tout comme les autres islamistes veulent sacrifier l'Algérie sur l'autel de leurs lubies «oumistes». Nouria Benghebrit a gagné toutes les batailles qu'elle a menées jusque-là mais sa guerre contre l'archaïsme, l'obscurantisme et le conservatisme les plus stérilisants ne l'est pas encore car, malgré leurs divergences doctrinaires, les islamistes savent bien s'unir quand il s'agit de défendre l'infécondité de leur dogme. En effet, contre toute attente et compte tenu de son alignement habituel sur les positions de l'Etat, même les cadres de l'Association des Ouléma algériens sont descendus dans l'arène et ont pris partie foncièrement contre la ministre de l'Education nationale qu'ils n'hésitent pas à accuser de vouloir «occidentaliser le système éducatif algérien et détruire ses fondements moraux. «L'Association des Ouléma appelle l'ensemble des responsables, des acteurs et des partenaires en charge du système éducatif à prendre leurs responsabilités et être vigilants dans leur traitement du dossier de réformes de l'école. L'Association des Ouléma refuse de porter atteinte à la personnalité de nos enfants et des générations montantes à travers la remise en cause de nos valeurs et la déstructuration de l'infrastructure morale et doctrinale de la société au profit d'une langue et d'une culture étrangères et intruses», écrit cette association dans un appel qu'elle a adressé au peuple algérien. De plus, tout en plaidant pour un statut préférentiel au profit de la langue arabe et des sciences islamiques dans les programmes, les Ouléma qualifient leurs partisans de «nobles» et s'acharnent contre «les promoteurs du projet d'une école républicaine et foncièrement algérienne de suppôts de l'impérialismes culturel et intellectuel». «L'Association des Ouléma exhorte toutes les forces vives et nobles de la nation à se mobiliser afin de défendre les valeurs de leur ouma'' et s'opposer au projet de l'impérialisme culturel et intellectuel qui nous vient sous un visage nouveau», fustigent en effet ces héritiers d'Ibn Badis et d'El-Ibrahimi. Ceci dit, bien que les positions des islamistes soient, quelles que soient leurs divergences doctrinaires, connues, les unes comme les autres étant dogmatiques et exclusives, les Ouléma étaient toujours considérés, du moins du côté officiel, comme étant fréquentables et assez flexibles. Mais, en s'acharnant contre une ministre de l'Education, au beau milieu de l'année scolaire, ce qui risque de perturber la scolarité de millions d'enfants algériens, ils laissent simplement tomber leur masque et dévoilent leur vrai visage: des antirépublicains et des anti-Algériens. En effet, jamais dans ses discours la ministre de l'Education n'a évoqué un quelconque remplacement de l'arabe par le français ou l'anglais, des sciences islamiques par un quelconque autre programme; jamais elle ne s'est prononcée contre l'arabe également. Bien au contraire, à chacune de ses sorties publiques, Nouria Benghebrit insiste sur la nécessité de renforcer et de développer l'enseignement de l'arabe. Ce qui, pour ainsi dire, pose problème aux islamistes, toutes tendances confondues, ce n'est pas une prétendue guerre que mène la ministre de l'Education contre l'arabe et les valeurs islamiques, mais son projet d'algérianiser l'Ecole algérienne et de remplacer les références moyen-orientales qui ont profondément aliéné les Algériens par des références nationales puisées dans notre patrimoine plusieurs fois millénaire. Ce projet d'algérianisation de l'école, à travers notamment la réhabilitation du substrat amazigh de la culture algérienne, dérange les islamistes parce que c'est une remise en cause radicale du fantasme de la «ouma arabiya islamiya» dont ils en ont fait un fonds de commerce depuis des siècles. De plus, concevoir des programmes dans un cadre républicain sans tenir compte des injonctions d'essence «oumiste» des différentes internationales islamistes fait terriblement peur aux tenants de l'islamisme qui voient là un moyen de les isoler de leurs soutiens internationaux. L'Algérie est-elle donc condamnée à se sacrifier sur l'autel des fantasmes islamistes? Benghebrit refuse de céder au chantage et, ce faisant, elle ne défend pas une position personnelle, mais un idéal républicain pour lequel des millions d'Algériens se sont sacrifiés.