Une première dans la guerre en Syrie: l'aviation russe a frappé à partir de l'Iran C'est la première fois que la Russie utilise un pays tiers pour mener des frappes en Syrie depuis le déclenchement de sa campagne militaire, il y a près d'un an. Des bombardiers russes ont frappé hier pour la première fois des positions jihadistes en Syrie en décollant d'un aérodrome en Iran, un pas supplémentaire dans la coopération militaire entre les deux principaux soutiens du régime de Damas. Le ministère russe de la Défense a annoncé que des bombardiers Tu-22M3 et Su-34 avaient décollé de la base militaire de Hamedan, dans le nord-ouest de l'Iran, pour frapper en Syrie des positions du groupe Etat islamique (EI) et du Front al-Nosra (aujourd'hui Front Fateh al-Cham après avoir renoncé à son rattachement à Al Qaîda). Ces frappes ont permis, selon le ministère, la destruction de «cinq grands dépôts d'armes et de munitions» et de camps d'entraînement à Deir Ezzor, Saraqeb dans la région d'Idleb et à Al-Bab, une ville tenue par l'Etat islamique dans la région d'Alep. Les avions russes ont également frappé trois centres de commandement dans les régions de Jafra et Deir Ezzor, éliminant «un grand nombre de combattants», selon le communiqué. «C'est un nouveau pas dans la campagne militaire russe en Syrie. L'utilisation de cette base donne un avantage tactique à la Russie car ses bombardiers lourds peuvent transporter beaucoup plus de bombes s'ils ont un temps de vol court», souligne l'analyste Pavel Felgenhauer, pour qui cette stratégie relève du «tapis de bombes». L'ONG Human Rights Watch a pour sa part accusé les aviations russe et syrienne d'avoir fait usage à plusieurs reprises de bombes incendiaires pour des raids «honteux» sur des civils dans le nord de la Syrie. Moscou et Téhéran «échangent des moyens et des infrastructures» dans le cadre de la «lutte antiterroriste», a indiqué le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali Shamkhani, à l'agence d'Etat Irna. L'annonce de ces frappes a été précédée par la visite lundi à Téhéran du vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, qui a été reçu par le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif pour évoquer notamment le conflit syrien. La Russie et l'Iran sont les deux grands alliés du régime syrien, qu'ils soutiennent politiquement, financièrement et militairement contre les groupes rebelles et les jihadistes. Pour Moscou, ce soutien militaire a débuté fin septembre 2015 avec une campagne de bombardements aériens en soutien aux troupes syriennes, qui a permis à l'armée syrienne de reprendre du terrain et notamment la cité antique de Palmyre aux jihadistes. La Russie intervenait jusque-là notamment depuis l'aérodrome militaire de Hmeimim, dans le nord-ouest de la Syrie, ou en tirant depuis des navires en mer. Des bombardiers stratégiques Tu-22M3, trop grands pour utiliser la base syrienne, étaient déjà partis de Russie pour frapper la Syrie mais la base de Hamedan, situé à moins de 1.000 km de la frontière syrienne, réduit considérablement leur temps de vol. «Si la Russie commence à mener également des frappes contre l'EI en Irak, sa base en Syrie ne convient plus car elle est trop éloignée. Celle de Hamedan peut en revanche convenir, d'autant plus qu'elle se situe sur un territoire allié que la Russie n'aura pas à défendre», souligne M.Felgenhauer. Après plusieurs mois de frappes aériennes, le président Vladimir Poutine avait annoncé en mars le retrait de la majeure partie du contingent russe de Syrie. Mais la Russie y garde des installations et des hommes, et y continue ses bombardements en soutien à l'armée syrienne. Une source militaire a en outre révélé lundi dernier à l'agence de presse russe Interfax que Moscou avait demandé à l'Iran et à l'Irak la permission de faire voler des missiles de croisière à travers leur espace aérien. Le ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou a affirmé lundi que Moscou et Washington étaient proches d'un accord sur une coopération militaire à Alep, épicentre du conflit syrien où s'affrontent âprement les forces syriennes et les rebelles. Cette information n'a pas été confirmée par les Etats-Unis. M.Choïgou n'a pas précisé les modalités de cette coopération mais un haut-diplomate russe, Alexeï Borodavkine, a indiqué à l'agence Interfax qu'il pourrait s'agir de livraison d'aide humanitaire commune et d'un accord sur la distinction entre groupes rebelles «modérés» et jihadistes à Alep.