Le nouveau Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, lors de son discours devant le Parlement Au terme d'une longue journée de débats à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), 167 députés sur les 194 présents ont voté en faveur du nouveau cabinet (22 contre et cinq abstentions). Le gouvernement d'union tunisien de Youssef Chahed a obtenu vendredi soir la confiance du Parlement, et va désormais devoir se pencher sur les lourds défis socio-économiques et sécuritaires du seul pays rescapé des Printemps arabes, cinq ans après sa révolution. La passation entre l'ex Premier ministre Habib Essid et son successeur est prévue demain a expliqué le porte-parole de l'Assemblée Hassen Fathalli. Cette issue favorable fait de Youssef Chahed, un libéral bientôt âgé de 41 ans, le plus jeune chef de gouvernement de l'histoire moderne du pays. Mais preuve que la Tunisie cherche encore ses marques malgré le succès de sa transition démocratique, il est aussi le 7e Premier ministre en moins de six ans. Dans un discours offensif prononcé à l'ouverture des débats, M.Chahed, issu du parti Nidaa Tounes fondé par le président Béji Caïd Essebsi, a justifié la «nécessité» de son gouvernement d'union en dressant un sombre diagnostic économique et social. «Nous avons jusque-là été incapables de réaliser les objectifs de la révolution (de 2011). (...) Nos jeunes ont perdu espoir, la confiance des citoyens dans l'Etat a reculé», a-t-il déploré. «Nous sommes tous responsables» et «serons tous amenés à faire des sacrifices (...). Si rien ne change d'ici 2017, nous procéderons à l'austérité», a-t-il prévenu. Très applaudi au terme de son intervention, Youssef Chahed a de nouveau égrené les autres priorités, dont les luttes contre le terrorisme - après une série d'attaques jihadistes sanglantes - et la corruption. Dans un souci de transparence, il a noté que ses ministres publieront sous 15 jours leur patrimoine. Le vote de confiance des députés met fin à près de trois mois de tractations: le 2 juin, le président Caïd Essebsi s'était dit favorable à un gouvernement «d'union nationale» face aux critiques persistantes contre le cabinet de Habib Essid, un indépendant. Désigné début août, M. Chahed, jusqu'alors ministre des Affaires locales, a déjà dû surmonter les nombreuses réserves sur la composition de son équipe, exprimées jusque dans les rangs de ses alliés. Malgré ces réticences - et outre la soixantaine de parlementaires de son parti -, il a notamment pu compter sur le soutien des islamistes d'Ennahda, première force à l'ARP (69 députés), qui disposent désormais de trois ministres (contre un auparavant). S'il est rajeuni et féminisé, le gouvernement «d'union nationale», avec 26 ministres et 14 secrétaires d'Etat, s'avère particulièrement hétéroclite et ne consolide que modestement son assise partisane. Les libéraux d'Afek Tounès répondent présents (deux ministres), mais l'Union patriotique libre (UPL), 4e composante de la coalition sortante, disparaît. Deux personnalités d'Al-Joumhouri (centre) et Al-Massar (gauche) entrent, mais à titre individuel. Le Front populaire (FP, gauche) reste solidement ancré dans l'opposition. «Vous obtiendrez la confiance de l'ARP mais pas celle des chômeurs et des pauvres!», a asséné durant les débats le député Ammar Amroussia. L'équipe Chahed intègre enfin de nouvelles personnalités indépendantes et deux «ex» du puissant syndicat UGTT, entre autres. Cette ouverture permettra-t-elle une forme de paix sociale, indispensable à la relance de l'appareil productif, et plus largement de l'économie? Le gouvernement ne pourra en tout cas bénéficier d'aucun état de grâce. La croissance reste atone, les finances publiques inquiètent, et le pays a connu en janvier sa plus importante contestation sociale depuis la révolution, preuve de la persistance des maux (chômage, pauvreté, disparités régionales, corruption) à l'origine de la chute du dictateur Zine el Abidine Ben Ali. Il devra aussi rapidement améliorer le cadre de vie des Tunisiens, sensiblement dégradé, un point sur lequel le Premier ministre a insisté. A ce sujet, plusieurs députés ont souligné la nécessité de tenir les premières élections municipales de l'après-révolution dans les meilleurs délais. Le gouvernement tunisien a prêté serment hier Le nouveau Premier ministre tunisien Youssef Chahed et les membres de son gouvernement d'union nationale ont prêté serment hier lors d'une cérémonie au palais de Carthage, a indiqué la présidence de la République tunisienne. La nouvelle équipe gouvernementale prendra ses fonctions demain après une cérémonie de passation de pouvoir entre l'ex Premier ministre Habib Essid et son successeur, a-t-on précisé. M. Chahed et ses 26 ministres et 14 secrétaires d'Etat ont juré devant le président Béji Caïd Essebsi d' «oeuvrer avec dévouement pour le bien de la Tunisie, de respecter sa Constitution et ses lois, de veiller à ses intérêts et de lui être loyal», a précisé le bureau de presse de la présidence. Ce nouveau gouvernement a obtenu confortablement la confiance du Parlement avec 168 voix sur un total de 217 membres de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le nombre annoncé après le vote était de 167 voix pour mais «le vote d'un député n'a pas été compté», a expliqué hier l'ARP en mettant à jour le décompte des voix: 168 pour, 22 contre et cinq abstentions sur les 195 élus présents. Issu du parti Nidaa Tounès fondé par le chef de l'Etat, Youssef Chahed, 41 ans, devra s'atteler en urgence aux nombreux défis économiques, sociaux et sécuritaires du pays.