Au terme d'une longue journée de débats à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement), 167 députés sur les 194 présents ont voté en faveur du nouveau cabinet (22 contre et cinq abstentions). La majorité absolue était fixée à 109 voix (sur les 217 membres). Cette issue favorable fait de Youssef Chahed, un libéral bientôt âgé de 41 ans, le plus jeune chef de gouvernement de l'histoire moderne du pays. Dans un discours, prononcé à l'ouverture des débats, le 7e chef du gouvernement tunisien en moins de six ans, issu de Nidaa Tounes fondé par le président Béji Caïd Essebsi, a justifié la « nécessité » de son gouvernement d'union en dressant un sombre diagnostic économique et social. « Nous avons jusque-là été incapables de réaliser les objectifs de la révolution de 2011. Nos jeunes ont perdu espoir, la confiance des citoyens dans l'Etat a reculé », a-t-il déploré. « Nous sommes tous responsables » et « serons tous amenés à faire des sacrifices. Si rien ne change d'ici 2017, nous procéderons à l'austérité », a-t-il prévenu. Très applaudi au terme de son intervention, Youssef Chahed a, de nouveau, égrené les autres priorités, dont la lutte contre le terrorisme après une série d'attaques djihadistes sanglantes et contre la corruption. Dans un souci de transparence, il a noté que ses ministres publieront sous 15 jours leur patrimoine. Le vote de confiance des députés met fin à près de trois mois de tractations : le 2 juin, le président Caïd Essebsi s'était dit favorable à un gouvernement « d'union nationale » face aux critiques persistantes contre le cabinet de Habib Essid, un indépendant. Désigné début août, Chahed, jusqu'alors ministre des Affaires locales, a déjà dû surmonter les nombreuses réserves sur la composition de son équipe, exprimées jusque dans les rangs de ses alliés. Malgré ces réticences et outre la soixantaine de parlementaires de son parti, il a notamment pu compter sur le soutien des islamistes de Ennahda, première force à l'ARP (69 députés), qui dispose désormais de trois ministres (contre un auparavant). La passation entre l'ancien Premier ministre, Habib Essid, et son successeur est prévue demain d'après le porte-parole de l'Assemblée, Hassen Fathalli. S'il est rajeuni et féminisé, le gouvernement « d'union nationale », avec 26 minis-tres et 14 secrétaires d'Etat, s'avère particulièrement hétéroclite et ne consolide que modestement son assise partisane. Les libéraux d'Afek Tounès répondent présent (deux ministres), mais l'Union patriotique libre (UPL), 4e composante de la coalition sortante, disparaît. Deux personnalités d'Al-Joumhouri (centre) et Al-Massar (gauche) entrent, mais à titre individuel. Le Front populaire (FP, gauche) reste solidement ancré dans l'opposition. « Vous obtiendrez la confiance de l'ARP mais pas celle des chômeurs et des pauvres ! », a asséné durant les débats le député Ammar Amroussia. L'équipe Chahed intègre enfin de nouvelles personnalités indépendantes et deux « ex » du puissant syndicat UGTT, entre autres. Sur un autre plan, les finances publiques inquiètent. Le pays a connu en janvier sa plus importante contestation sociale depuis la révolution de 2011, preuve de la persistance des maux (chômage, pauvreté, disparités régionales, corruption) à l'origine de la chute de Ben Ali. Il devra aussi rapidement améliorer le cadre de vie des Tunisiens, sensiblement dégradé, un point sur lequel le Premier ministre a insisté.